Intervention de Haoues Seniguer

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 28 mai 2020 à 11h00
Audition conjointe de Mm. Mohamed-Ali Adraoui marie sklodowska curie fellow at the london school of economics centre for international studies et haoues seniguer maître de conférences en science politique à sciences po lyon chercheur au laboratoire triangle ens-cnrs umr 5206 lyon directeur adjoint de l'institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman ehess-cnrs ums 2000 paris

Haoues Seniguer, maître de conférences en science politique à Sciences Po Lyon :

Il est incontestable qu'il existe un tropisme conservateur au sein des champs islamiques à l'échelle mondiale. Le conservatisme ne s'accompagne cependant pas de sécessionnisme. Ce tropisme conservateur peut d'ailleurs fort bien s'accommoder de mobilité sociale.

S'agissant de la question de la stratégie déployée par les acteurs dits islamistes dans le contexte français et mondial, il est clair qu'il existe un idéal. L'islamisme souhaiterait, idéalement, développer une vision maximaliste. Dans des contextes de contraintes institutionnelles, politiques et culturelles, cet idéal est néanmoins battu en brèche. Il se reporte dès lors sur un ordre minimaliste, qui consiste à préserver une forme de conservatisme religieux et à militer pour une visibilité dans l'espace public, en tenant rigoureusement compte de la loi. Ces acteurs sont conscients, car pragmatiques, de la distinction entre le moralement souhaitable et le politiquement possible. Les exemples maghrébins ou arabes démontrent que l'islamisme, même en contexte culturel favorable, ne parvient pas à ses fins. Nous avons cité le cas marocain, où le PJD est arrivé au Parlement en 1997 et a commencé à être associé au Gouvernement en 2011. Il n'est pas parvenu, même dans un contexte très conservateur, à faire advenir un certain nombre de perspectives plus conservatrices. Il en va de même en Tunisie. S'agissant du cas égyptien, un coup d'État a eu lieu en 2013. Avant cette date, il y a eu une mobilisation citoyenne contre les Frères musulmans. Le général Abdel Fattah al-Sissi n'était pas en opposition avec les Frères musulmans en raison de leur orthodoxie religieuse, mais du point de vue politique. Les Frères musulmans et les islamistes sont en effet contestataires, du point de vue politique, et représentaient une opposition. Dans le débat français, nous avons toujours le sentiment qu'une lutte contre les Frères musulmans est nécessairement une lutte contre le fond religieux. Il existe des désaccords sur le fond politique, car la plupart de ces États, majoritairement musulmans, admettent le primat de la religion.

Sur le cas français, je suis optimiste, car les contraintes institutionnelles et culturelles sont si importantes que même les islamistes admettent le principe laïc. Leur vision religieuse est la leur, et s'il est possible d'y être en opposition, il n'est pas possible de nier leur légalisme. Ils sont en effet minoritaires au sein des musulmans, mais aussi politiquement. Le degré de désorganisation des grandes fédérations islamistes est en effet très élevé.

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