Intervention de Yann Wehrling

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 17 juin 2020 à 11h10
Audition de Mm. Yann Wehrling ambassadeur délégué à l'environnement et jean-françois silvain président de la fondation pour la recherche sur la biodiversité sur le lien entre pandémies et atteintes à la biodiversité

Yann Wehrling, ambassadeur délégué à l'environnement :

Passons aux conclusions de l'exercice réalisé en interministériel à la suite des préconisations de la Fondation et des scientifiques. Nous avons gradué ces préconisations en fonction de leur facilité de mise en oeuvre, des plus aisées aux plus difficiles.

Premièrement, nous préconisons une meilleure gouvernance internationale sur le lien entre santé et environnement, avec un développement du travail scientifique. Ce travail a été initié par la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui réunit des scientifiques du monde entier ; l'IPBES rendra un rapport en septembre prochain. Il nous faudra ensuite, au niveau international, consolider le cadre de surveillance des risques, d'où l'idée d'une cartographie. Cette idée fait écho à d'autres chantiers internationaux en cours ; le ministre des affaires étrangères a notamment proposé la création d'un Haut Conseil pour la santé humaine et animale.

La deuxième famille de préconisations concerne le commerce et la consommation d'animaux vivants sauvages. Le risque principal réside dans les contacts répétés entre les humains et les animaux sauvages vivants, particulièrement dans les zones intertropicales. Nous devrons ouvrir un débat concernant le commerce et la consommation d'animaux vivants sauvages, et ce débat pourra gêner certains pays. Ces pratiques sont importantes en Asie du Sud-Est, en Afrique et en Amérique du Sud. La communauté internationale devra suggérer une meilleure régulation de ces pratiques, voire leur interdiction. Il pourra être reproché aux pays riches de dire aux pays pauvres ce qu'ils doivent faire, mais le risque scientifique est indéniable. La Chine, consciente de ce risque, a d'ailleurs interdit ces marchés. Cependant, cette décision semble liée au confinement ; le pays décidera peut-être de les autoriser à nouveau avec la pression populaire. Ce débat global devrait nous permettre de renforcer le travail de lutte contre le commerce des espèces sauvages, mais dans le contexte de la pandémie, nous nous concentrons en priorité sur la question des marchés.

La troisième famille de préconisations concerne le renforcement de la protection des aires naturelles. Des chantiers sont déjà ouverts et nous espérons que la situation actuelle va permettre de les renforcer. La France, par exemple, porte à l'échelle internationale la préservation de 30 % de la planète en aires protégées marines et terrestres, dont 10 % en protection forte. Cette troisième famille de préconisations vise aussi à accélérer la lutte contre la déforestation, en ciblant les forêts tropicales et intertropicales qui sont des facteurs de risques majeurs, et à limiter la présence massive d'humains dans ces espaces naturels pour éviter les transmissions de maladies.

La dernière famille de suggestions concerne les autres facteurs qui peuvent être considérés pour limiter les risques, notamment les élevages, qui constituent un corps très fertile pour un virus. Dans les pays occidentaux, les mesures de prévention sont fortes, mais ce n'est pas le cas partout dans le monde. Des coopérations seront à envisager pour renforcer les contrôles sanitaires dans les autres pays. Ces contrôles permettraient également de s'assurer du bien-être animal, en lien avec la santé : un animal maltraité est plus susceptible d'être en mauvaise santé, donc d'être un facteur de risque. Enfin, concernant les pratiques globales qui permettraient de limiter les risques, il faudrait mettre en place des programmes d'éducation des populations sur l'importance de limiter les contacts avec les animaux sauvages.

Pour conclure, nous n'en sommes pas encore à l'étape d'analyse profonde des causes de cette pandémie et de mise en place de mesures concrètes - cette étape interviendra à la rentrée de septembre. Aujourd'hui, nous constatons que l'Europe, a fortiori la France, milite pour la préservation de la biodiversité en lien avec la diminution des risques pandémiques ; cependant, ce n'est pas un consensus international. Dès lors, deux chemins seront possibles au lendemain de la crise au niveau international : ignorer ce lien ou en tenir compte, à la fois dans les mesures déclinées ci-dessus et dans les plans de relance qui seront mis en place.

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