Nous constatons des corrélations globales entre le nombre d'espèces menacées et la multiplication des zoonoses. Nous disposons également de plusieurs travaux plus spécifiques, notamment sur l'ensemble du continent africain. Prenons le cas d'Ebola. Nous observons que des micro-épidémies sont apparues là où, les deux années précédentes, une déforestation importante avait eu lieu. Un corpus d'éléments similaires conforte cette hypothèse d'une relation négative entre la destruction des habitats naturels et la multiplication d'épidémies.
Cela m'amène à la question de la déforestation. Beaucoup d'animaux portent des virus pathogènes pour les humains, comme les chauves-souris, même en France. Cependant, nous ne consommons pas ces chauves-souris, comme c'est le cas dans d'autres pays. Notons que les animaux porteurs de virus ont des fonctions écologiques par ailleurs, il importe donc de les préserver. Si la déforestation mondiale continue - c'est le constat des derniers travaux scientifiques sur le sujet - l'augmentation des activités humaines dans les zones anciennement vierges va multiplier les risques de transmission de pathogènes de la faune sauvage vers les humains ou les animaux d'élevage, qui ont aussi été des relais d'épidémies dramatiques au cours des dernières années. Les humains représentent avec les animaux d'élevage l'essentiel de la biomasse animale sur terre. Lorsqu'un pathogène sort du milieu sauvage, il a beaucoup plus de chances de passer sur un animal d'élevage ou un humain que sur un autre animal sauvage. Si la déforestation continue, il faut s'attendre à ce que ce type d'événements dramatiques se répète.
À propos de la question des polycultures, nous observons, en Asie du Sud-Est particulièrement, le développement des mono-plantations de palmiers à huile. Ces plantations ont permis un développement économique considérable, au détriment des espaces naturels et avec une multiplication des risques sanitaires. Ce fut le cas avec le virus Nipah en Malaisie : des chauves-souris dont l'habitat forestier avait été détruit sont venues exploiter les arbres fruitiers plantés par les villageois et ont contaminé les fruits, mangés ensuite par les cochons, eux-mêmes mangés par les humains. Le grand enjeu de demain porte sur l'Afrique subsaharienne, où les perspectives d'augmentation des populations sont considérables. Les savanes et forêts risquent d'être davantage exploitées pour maintenir une économie fonctionnelle. Il s'agira du prochain front de destruction massive de la biodiversité et de risques de multiplication d'épidémies et de zoonoses.
Au sujet de l'outre-mer, la France dispose d'une grande richesse en biodiversité dans ces territoires, qu'il faut continuer à protéger. La population guyanaise augmente rapidement, entraînant des besoins en terres et un développement de l'économie. Il faudra prendre en France des décisions politiques pour trouver l'équilibre entre développement des activités humaines et protection de la biodiversité. C'est valable sur l'ensemble des aires protégées au niveau français : il existe beaucoup d'outils de protection, mais aussi des difficultés à appliquer cette protection. Les pressions nationales ou internationales qui tendent à la dégradation des niveaux de protection existants sont importantes et il faudra prendre des décisions qui pourront entrer en contradiction avec des objectifs socioéconomiques.