Intervention de Yann Wehrling

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 17 juin 2020 à 11h10
Audition de Mm. Yann Wehrling ambassadeur délégué à l'environnement et jean-françois silvain président de la fondation pour la recherche sur la biodiversité sur le lien entre pandémies et atteintes à la biodiversité

Yann Wehrling, ambassadeur délégué à l'environnement :

Il est difficile de savoir si la question du lien entre biodiversité et santé pourra facilement exister dans le débat international, car ce n'est pas le cas aujourd'hui. En revanche, nos collègues internationaux qui travaillent sur ces questions et qui sont nos interlocuteurs pour la prochaine COP 15, ou tous ceux qui se préparent au congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), s'accordent sur l'existence de ce lien et sur la nécessité d'ouvrir la discussion à ce sujet. Cependant, cet entre-soi ne doit pas masquer l'état d'esprit des dirigeants de la planète, qui peut être tout à fait différent. Le lien entre santé et environnement n'existe pas encore dans le document sur lequel nous travaillons pour la COP 15, car nous n'étions pas encore en situation de crise au moment de la rédaction. Nous insisterons pour que ce sujet apparaisse à tous les niveaux et à toutes les échéances. Il y aura notamment un sommet de la biodiversité à l'ONU à New-York en septembre 2020 et une Assemblée générale des Nations unies pour l'environnement à Nairobi en février 2021.

Aujourd'hui, l'enjeu essentiel qui nécessitera un important travail d'influence de la France, de l'Union européenne et d'autres pays très impliqués comme le Costa Rica, le Canada ou la Nouvelle-Zélande, sera de faire exister cette question au niveau international. Certains pays risquent d'invoquer d'autres priorités économiques ; nous devrons tâcher de consolider le niveau d'importance à donner aux enjeux environnementaux. L'engagement de la France pour préserver 30 % d'aires protégées terrestres et marines est déjà conséquent, mais nous devrons aller plus loin encore, notamment en luttant contre l'orpaillage illégal. Nous avons d'ailleurs déjà pris des décisions qui vont dans ce sens, avec le projet Montagne d'or. Nous avons un devoir d'exemplarité dans les engagements que nous prendrons concernant la préservation des aires protégées.

Quels critères définir pour ces aires protégées, quel équilibre entre sanctuarisation et ouverture ? Certains peuples autochtones ont déjà manifesté des inquiétudes : ils craignent d'être exclus des endroits dans lesquels ils vivent si nous mettons en place des mesures de protection intégrale de plusieurs aires. Nous devrons donc être prudents concernant la notion de présence humaine dans ces espaces. La conception française n'est pas d'y exclure entièrement la présence humaine, mais d'avoir une gestion durable de ces espaces avec différents degrés de protection définis par l'UICN. Il faut que la sphère onusienne s'empare de ces critères pour que nous nous accordions au niveau international. L'exclusion totale des activités humaines n'est pas judicieuse, au contraire. Dans le travail de coalition que nous avons mené, l'un des experts a démontré que de la protection des aires protégées découle un bénéfice économique important. Considérons une zone marine donnée : si 30 % de cette zone marine sont protégés de toute activité humaine, en six ans la zone aura restitué sa biodiversité et pourra fournir du poisson aux 70 % restants de la zone.

Vous avez par ailleurs évoqué une réflexion globale sur le système capitaliste actuel. Les échanges mondiaux sont évidemment des facteurs de risques. Cependant, l'élimination totale des risques pandémiques est impossible à envisager avec sept milliards d'individus sur Terre. Des modifications interviendront peut-être, mais nous devrons être attentifs à ne pas pour autant nous enfermer dans des replis nationalistes trop importants.

Concernant le Green Deal européen, des améliorations sont à envisager. La France en porte certaines, comme l'augmentation de l'enveloppe financière annoncée. Nous sommes convaincus que l'Union européenne doit s'engager davantage financièrement sur la protection de la biodiversité. Il y aura également des clarifications à obtenir sur la traduction en directives concrètes. Il faudra se concentrer sur l'opérationnel, pas seulement sur les engagements annoncés, bien que leur portée symbolique soit très forte : le Green Deal affiche une vraie volonté d'action pour la biodiversité et fait utilement le lien avec les enjeux agricoles, identifiés comme l'un des principaux terrains d'atteinte à la biodiversité. Nous sommes dans la bonne direction.

Au sujet des plastiques, cette question fait partie intégrante des engagements de la France à l'international. Dans le texte négocié aujourd'hui au niveau mondial, il ressort une volonté de réduire de 50 % les polluants qui affectent la biodiversité. Cette ambition est forte, mais ce type d'objectifs a déjà existé par le passé, sans jamais être atteints. Là encore, il s'agira de se concentrer sur la traduction en réglementations nationales. Nous avons commencé le travail aux niveaux français et européen sur la réduction à la source des plastiques, notamment en interdisant certains plastiques à usage unique. Cependant, c'est loin d'être le cas à l'échelle internationale. Beaucoup de pays sont réticents à l'idée de ralentir leur industrie productrice de plastique, mais avancent sur le volet de la collecte et du recyclage. Quant aux alternatives au plastique, la situation est compliquée : actuellement, les plastiques classiques sont fabriqués à base de pétrole, dont le cours est très bas. Il y a un travail d'ordre fiscal à mener sur les matières premières qui servent à produire des plastiques alternatifs, car ils restent très peu concurrentiels par rapport aux plastiques traditionnels.

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