Intervention de Franck Riester

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 1er juillet 2020 à 8h00
Projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique et les modalités de transposition de la directive « services de médias audiovisuels » — Audition de M. Franck Riester ministre de la culture

Franck Riester, ministre de la culture :

Je vous remercie de votre écoute et de votre réactivité. Vous l'avez dit, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique ne peut suivre le processus qui a été entamé. Pour la petite histoire, son examen en commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale a donné lieu à des contaminations par le virus de la Covid-19. Alors que nous devions examiner ce texte en séance publique en avril dernier, la crise sanitaire nous a contraints à revoir l'agenda parlementaire. Depuis lors, les différents projets de loi de finances rectificative et les autres urgences, alors que le temps disponible était réduit, ont conduit le Gouvernement à réfléchir à une stratégie pour adopter les dispositions contenues dans ce texte, dont les objectifs - la transposition des trois directives, la préparation à la télévision du futur à ultra-haute définition, la modernisation de la régulation, le renforcement de la lutte contre le piratage, la réaffirmation des missions du service public et son adaptation à la révolution numérique ainsi qu'à la révolution des usages - sont toujours d'actualité. Nous avons choisi de faire passer ces mesures dans un temps plus restreint, poussés par la crise, qui a accru la nécessité de transposer les directives concernées. Outre la question des délais, il nous fallait en effet tenir compte de la baisse massive de la publicité sur les chaînes privées, qui a réduit les bases de calcul du financement de la création et augmenté le poids des plateformes, dont la participation au financement de la création est donc plus que jamais nécessaire. Nous répondons ainsi à la demande des acteurs comme du Parlement et nous entendons conserver la forme de leadership que nous avons acquise grâce à l'adoption de la proposition de loi de M. David Assouline tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, qui nous a permis de fixer le cadre de la transposition de cette mesure pour les autres pays. Il est donc urgent de le faire pour le reste de la directive sur le droit d'auteur comme pour la directive SMA, car l'interprétation qu'en font d'autres pays diverge parfois de la nôtre. Plus vite nous transposerons, plus vite nous fixerons la bonne façon de le faire, dans le sens que nous souhaitons. Pour aller vite, une des possibilités est donc l'intégration de la transposition des trois directives dans le projet de loi Ddadue, lequel contient déjà l'inscription en dur d'un certain nombre de dispositions du projet de loi sur l'audiovisuel découlant de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte). Nous ne pouvions pas faire cela sans le Parlement, c'est pourquoi nous avons pris contact avec le Sénat. Aujourd'hui, nous nous rencontrons pour déterminer s'il est possible d'aller vite sur la transposition via le dépôt d'un amendement du Gouvernement au texte Ddadue. L'autre possibilité serait l'examen en septembre à l'Assemblée nationale d'un projet de loi classique avec un temps de discussion court, mais cela ne nous permettrait pas d'être prêts au 1er janvier pour imposer à Netflix ou à Disney des obligations de financement de la création française et européenne et ne nous laisserait pas beaucoup de temps pour discuter du reste du texte.

La transposition par ordonnance de ces directives dans le projet de loi Ddadue et la discussion d'un projet de loi contenant les autres dispositions en septembre à l'Assemblée nationale nous permet de couvrir l'ensemble du spectre du texte et d'imposer aux plateformes le respect du droit d'auteur « à la française » et la participation au financement de la création. Je vous ai donc transmis les amendements du Gouvernement relatifs à l'habilitation ainsi que le projet d'ordonnance lui-même, qui reprend la rédaction issue des travaux de la commission à l'Assemblée nationale. Il était déjà prévu que la directive « Cabsat », très technique, soit transposée par ordonnance, en revanche, les dispositions essentielles de la directive sur le droit d'auteur concernant la rémunération proportionnelle et le partage de la valeur avec les plateformes devaient être transposées « en dur ». L'ordonnance prévue reprend sur ce point la rédaction de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Enfin, il était déjà prévu que les autres articles de la directive soient transposés par ordonnance.

En ce qui concerne la directive SMA et les obligations de financement qu'elle comporte, nous souhaitions donner la primeur à la négociation professionnelle pour parvenir à des accords avec chaque acteur financier, les chaînes de télévision et, demain, les plateformes. Cependant, ce nouveau calendrier nous force à changer de stratégie : nous allons donc nous doter par décret des moyens de fixer des obligations aux plateformes et déterminer les règles pérennes plus tard, dans le cadre de la discussion du projet de loi, à partir du résultat de la négociation entre les professionnels concernés, entériné par un décret-cadre. Aucune transposition n'est donc prévue pour cette partie du texte, afin de donner la primeur à la négociation en laissant au Gouvernement la possibilité de fixer les obligations par décret.

J'aurais préféré procéder différemment ; nous avons travaillé durant des mois sur ce texte et j'aurais aimé le défendre devant le Parlement. Ce n'est donc pas de gaieté de coeur que je me résous à le « saucissonner ».

L'accueil des professionnels, des ayants droit comme des plateformes, lesquelles souhaitent sortir de l'incertitude, a été favorable à une transposition rapide des dispositions de la directive SMA. Les plateformes sont attentives aux obligations qui leur seront imposées, mais elles savent que nous voulons avancer. Les chaînes de télévision sont également très demandeuses.

Sur le droit d'auteur, la plupart des sociétés d'auteurs sont favorables au texte, la rémunération proportionnelle donnant lieu à un débat vif - il ne l'était pas moins au niveau européen au moment de la discussion de la directive elle-même. À mon sens, nous avons trouvé un bon équilibre, puisque le texte va trop loin selon les producteurs, mais pas assez aux yeux des artistes-interprètes. Cette solution conduit à inscrire dans le marbre le principe de la rémunération proportionnelle, tout en introduisant suffisamment d'exceptions pour ne pas trop perturber les équilibres. Le recours au forfait de rémunération, notamment, très demandé par les producteurs de musique, permet ainsi de changer de paradigme très progressivement.

S'agissant de France 4, le Président de la République nous a demandé de revoir toutes les réformes en cours, à commencer par celles qui concernent l'extinction de France 4 et de France Ô ; j'ai demandé des informations à France Télévisions dans l'hypothèse où celle-ci n'interviendrait pas le 9 août. Ces informations sont en court d'analyse et j'espère recevoir les arbitrages très bientôt, car votre impatience est légitime. France Télévisions a anticipé les deux scénarios possibles afin de s'organiser en fonction de la décision que prendra le Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion