Intervention de Colette Mélot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 1er juillet 2020 à 8h00
Extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques — Examen du rapport d'information

Photo de Colette MélotColette Mélot :

La mission d'information qui nous a été confiée par le bureau de la commission porte sur un sujet très précis : l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques. Nous avions concentré notre travail d'auditions sur un mois - entre fin janvier et fin février - afin de pouvoir vous rendre compte de nos constats et préconisations le plus rapidement possible. L'examen de notre rapport était ainsi programmé pour le 25 mars dernier, mais les circonstances exceptionnelles que nous avons vécues ont évidemment bouleversé ce calendrier initial. Nous sommes aujourd'hui heureuses de pouvoir enfin vous présenter notre travail.

Je tiens tout d'abord à souligner la grande expertise de notre collègue Sylvie Robert, qui avait déjà travaillé sur ce sujet en 2015 et qui a continué depuis à l'approfondir.

Premier équipement culturel public par leur nombre (16 500 établissements de lecture publique), l'importance et la diversité des publics qu'elles accueillent (environ 12 millions d'usagers), les bibliothèques ont vu leurs missions profondément évoluer à partir des années 1970, et plus encore depuis une dizaine d'années. Elles ne se limitent plus à leur rôle traditionnel de lieu de lecture et de prêt de livres : elles sont désormais des espaces d'animation culturelle au sens large.

De plus en plus de bibliothèques proposent ainsi des services dans des domaines divers (éducation artistique et culturelle, débat d'idées, formation et orientation professionnelles, médiation, lutte contre la fracture numérique...) et développent des partenariats avec d'autres acteurs issus des sphères culturelle, sociale ou éducative.

Nous avons tous, dans nos départements, des exemples illustrant cette transformation des bibliothèques en espaces de démocratie sociale et culturelle ou, pour reprendre l'expression de Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles que notre commission avait auditionné avec Erik Orsenna, en « ponts avancés de la politique culturelle dans les territoires ».

Face à ces mutations profondes, les horaires traditionnels d'ouverture des bibliothèques, correspondant aux horaires de travail de la population, sont rapidement apparus comme inadaptés et dépassés.

Pour jouer pleinement leur rôle de service public culturel, les bibliothèques doivent en effet s'adapter aux demandes nouvelles des citoyens, prendre en compte les changements de leurs pratiques et intégrer les évolutions de leurs modes de vie. Tel est le constat dressé, en 2015, par Sylvie Robert dans le rapport sur l'adaptation des horaires d'ouverture des bibliothèques, qui lui avait été confié par l'ancienne ministre de la culture Fleur Pellerin.

L'une des recommandations de ce rapport était d'augmenter l'enveloppe de la « DGD - bibliothèques » pour permettre le financement de projets d'extension des horaires d'ouverture.

De quoi s'agit-il ? La « DGD - bibliothèques » (ou « concours particulier - bibliothèques ») a été créée au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) au moment des transferts de compétences consécutifs aux premières lois de décentralisation. Ce support budgétaire constitue le principal vecteur du soutien financier de l'État au développement des bibliothèques publiques territoriales (municipales, intercommunales, départementales). Il sert au financement d'opérations d'investissement (construction, rénovation, équipement, informatisation...) et aux dépenses de fonctionnement non pérennes, nécessaires à l'amorçage de projets.

À la suite de la publication du rapport de notre collègue, la loi de finances pour 2016 a étendu le bénéfice de cette enveloppe budgétaire aux projets d'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques. Cette mesure, dont les modalités ont été précisées par voie réglementaire, permet ainsi de financer depuis 2016, au titre de la « DGD - bibliothèques », des projets d'extension des horaires d'ouverture pour une durée maximale de cinq années consécutives.

Les demandes de soutien financier doivent être adressées par les collectivités territoriales souhaitant s'engager dans un tel projet aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui assurent l'instruction et le suivi des dossiers.

Les deux premières années de mise en oeuvre de ce dispositif (2016 et 2017) ont vu l'émergence de 58 projets soutenus par l'État à hauteur de 2,5 millions d'euros. Plusieurs facteurs ont pu expliquer ce premier résultat prometteur, mais relativement modeste : le temps de maturation nécessaire à l'émergence des projets, la relative méconnaissance par les décideurs locaux de cette possibilité d'accompagnement financier, un contexte budgétaire contraint pour les collectivités territoriales. La pertinence du dispositif n'a toutefois pas été remise en cause sur le fond.

La publication, début 2018, du rapport-manifeste « Voyage au pays des bibliothèques » d'Erik Orsenna et de Noël Corbin a eu un formidable effet accélérateur sur la mobilisation des pouvoirs publics, tant au niveau national qu'au niveau territorial, en faveur d'une plus grande ouverture des bibliothèques.

S'en est suivi, la même année, le lancement, par le ministère de la culture, d'un plan « Bibliothèques » structuré autour de deux grands axes :

Le premier axe, « Ouvrir plus », est destiné à favoriser un accès plus large aux bibliothèques, notamment en encourageant l'adoption d'horaires d'ouverture adaptés aux besoins des publics. Le principal levier d'action de ce volet est la « DGD - bibliothèques ». Afin de parvenir à l'objectif de 400 projets d'extension des horaires d'ouverture soutenus d'ici fin 2020, 8 millions d'euros lui ont été ajoutés en 2018, portant son montant global à 88,4 millions d'euros.

Le ministère s'est engagé à ce que cet abondement supplémentaire soit reconduit sur cinq exercices, c'est-à-dire jusqu'en 2022. Ainsi, en 2019 et 2020, les crédits de la « DGD- bibliothèques » ont été stabilisés à 88,4 millions d'euros.

Le second axe, « Ouvrir mieux », est consacré à la diversification de l'offre des bibliothèques autour de trois priorités : la modernisation des espaces, l'affirmation des bibliothèques comme service public de proximité, et le renforcement de leur rôle en matière d'éducation et d'inclusion sociale. Pour la mise en oeuvre de ce volet, l'État a déployé 3 millions d'euros en 2018, puis 4 millions d'euros en 2020, soit 7 millions d'euros.

Au total, l'effort budgétaire de l'État en direction de ces deux axes s'élève à 37 millions d'euros entre 2018 et 2020.

Le retentissement de la mission « Orsenna - Corbin » et l'abondement supplémentaire de 8 millions d'euros de la « DGD - bibliothèques » ont indéniablement provoqué un changement d'échelle dans l'utilisation du dispositif de soutien aux projets d'extension des horaires d'ouverture.

Ce constat est particulièrement perceptible dans le degré de mobilisation des DRAC, plus particulièrement des conseillers pour le livre et la lecture, qui en sont les chevilles ouvrières. Le ministère les a encouragés à porter un discours très incitatif auprès des collectivités : les conseillers pour le livre et la lecture sont chargées de les sensibiliser, de les informer sur le dispositif de soutien et, une fois le projet d'extension des horaires d'ouverture lancé, de les accompagner tout au long de sa mise en oeuvre.

À cette stratégie mobilisatrice s'ajoute une large prise en charge, sur les crédits de la « DGD - bibliothèques », des dépenses engagées au titre de l'extension des horaires (diagnostic temporel, frais supplémentaires de personnel, adaptation des locaux, des équipements ou des services informatiques, évaluation du projet, frais de communication, etc.), pour un taux-cible moyen de soutien de l'État de 70 %.

Du côté des collectivités territoriales, leur appétence pour le dispositif correspond le plus souvent à une volonté de faire évoluer leur politique de lecture publique afin de mieux répondre aux besoins de la population. Le choix d'étendre les horaires d'ouverture est généralement l'aboutissement d'une réflexion sur les missions et les priorités des bibliothèques, à l'occasion de la rédaction d'un projet d'établissement, d'une mise en réseau de plusieurs structures ou de la construction d'un nouvel équipement.

Au final, la conjonction de ces deux dynamiques s'est globalement traduite par un véritable travail de confiance entre, d'un côté, les services déconcentrés de l'État, de l'autre, les collectivités territoriales.

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