Ces éléments de contexte posés, venons-en au coeur de notre sujet : quatre ans après l'extension du bénéfice de la « DGD - bibliothèques » aux projets d'adaptation des horaires d'ouverture et deux ans après le lancement du plan « Bibliothèques », les bibliothèques ouvrent-elles plus longtemps ?
Notre réponse est clairement oui comme nous allons maintenant tenter de vous le démontrer.
Le nombre de projets soutenus a connu une forte progression à partir de 2018, passant cette année-là de 58 à 224. À ce jour, le dispositif d'accompagnement financier de l'État permet de soutenir 343 projets d'extension des horaires d'ouverture, ce qui représente 623 communes ou EPCI, 747 bibliothèques, et concerne 9,1 millions de Français.
Pour cette année, 60 nouveaux projets sont d'ores et déjà identifiés, laissant escompter l'atteinte, dans quelques mois, de l'objectif de 400 projets soutenus.
Cette réussite quantitative s'illustre aussi par un taux moyen d'accompagnement de l'État de 70 %, résultat conforme à la cible fixée par le ministère. Le montant moyen de l'aide en provenance de la « DGD - bibliothèques » s'élève à près de 43 000 euros annuels par projet. Cette moyenne masque toutefois des écarts importants, les coûts des projets étant très variables selon la taille de la collectivité concernée.
Un autre indicateur témoignant de l'attractivité et de la pertinence du dispositif est l'augmentation, depuis 2016 et surtout depuis 2018, de la part de la « DGD - bibliothèques » consacrée aux projets d'extension des horaires d'ouverture. Elle a ainsi atteint 10,24 millions d'euros en 2019, sur un montant global de crédits de 88,4 millions d'euros.
Ces crédits étant fongibles, si certains territoires ne consomment pas la totalité de l'enveloppe à laquelle leurs communes et intercommunalités peuvent prétendre au titre des projets d'extension des horaires, les crédits non consommés sont reversés aux territoires ayant des besoins de financement supérieurs à l'enveloppe qui leur a été attribuée initialement.
De tels mouvements de crédits, qui sont opérés à l'automne par la direction générale aux collectivités locales (DGCL), ont notamment eu lieu entre certaines collectivités d'outre-mer, qui n'avaient pas consommés l'ensemble de leurs crédits faute de projets présentés en nombre suffisant (la Guyane, la Martinique et Saint-Barthélemy), et des collectivités connaissant une forte dynamique des projets d'extension des horaires d'ouverture (la Bretagne, par exemple).
Au-delà de ces aspects chiffrés, l'ensemble des données que nous avons recueillies auprès des services centraux et déconcentrés du ministère de la culture, ainsi que des représentants des collectivités territoriales, nous permettent aussi de dresser un état des lieux très positif des politiques d'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques en termes d'inclusion culturelle et sociale.
Quelles sont ces avancées qualitatives ?
Les horaires étendus, en correspondant mieux aux rythmes de vie, améliorent tout d'abord le service offert aux usagers.
Sur l'ensemble des projets en cours, l'augmentation de l'amplitude horaire hebdomadaire s'élève, en moyenne, à 8 heures 30. Contrairement à une idée souvent répandue, l'ouverture le dimanche n'est pas le créneau supplémentaire le plus fréquent. Ce sont les extensions d'horaires les jours de semaine et le samedi qui, après élaboration de diagnostics de temporalité, sont privilégiées par les collectivités.
L'extension des horaires s'inscrit aussi dans un nouveau rapport à l'usager, qui se traduit par une meilleure adaptabilité de l'offre de services, une attention accrue portée à l'accueil, une médiation renforcée. Il consacre le passage d'une logique descendante - le personnel de bibliothèque prêtant un livre à l'usager - à une logique ascendante - l'usager, acteur de son identité culturelle, demandant un service ou une offre culturelle -, dans une approche de droits culturels.
Les horaires élargis, en étant plus conformes aux plages de disponibilité des citoyens, permettent ensuite une augmentation de la fréquentation et une diversification des publics, renforçant ainsi le rôle éducatif et social des bibliothèques. Nombre d'exemples en ce sens nous ont été rapportés et sont mentionnés dans notre rapport écrit.
À cela s'ajoute le fait que plus d'un tiers des projets actuellement en cours concernent au moins l'un des types de territoires identifiés comme prioritaires (commune du programme Coeur de ville, projet portant sur une zone de revitalisation rurale ou concernant un quartier prioritaire).
L'ensemble de ces données montre, selon nous, combien les politiques d'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques sont un puissant levier de réduction des fractures sociales et territoriales.
Les modifications de l'amplitude horaire incitent aussi, au sein des bibliothèques, à une réorganisation des missions. Il est ainsi fréquent que certaines tâches techniques, de faible valeur ajoutée et souvent répétitives pour le personnel, soient traitées autrement (automatisation des transactions de prêts et de retours, externalisation du traitement matériel des documents, offre de services dématérialisée, etc.), pour dégager du temps et axer le travail des agents en priorité sur l'accueil et le service au public.
Enfin, l'extension des horaires d'ouverture a un effet positif sur l'emploi de personnels, majoritairement titulaires. Le dispositif de soutien de l'État sert à 95 % au financement de dépenses de masse salariale. Au sein de ces dépenses, 60 % sont consacrés au recrutement d'agents titulaires, 36 % au recrutement d'agents contractuels et 16 % au paiement de primes ou d'heures supplémentaires.