Intervention de Colette Mélot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 1er juillet 2020 à 8h00
Extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques — Examen du rapport d'information

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Ce bilan que nous jugeons très satisfaisant sur le plan culturel, social et territorial connaît aussi des bémols, qui sont pour nous des sujets d'inquiétude.

Le dispositif d'accompagnement de l'État a été conçu comme une aide financière à l'amorçage des projets, limitée à cinq années. Cela signifie que dès 2021, les premiers projets engagés en 2016 ne bénéficieront plus du soutien de la « DGD - Bibliothèques ». Les projets suivants seront concernés en 2022, 2023, 2024 et ainsi de suite. C'est donc aujourd'hui la question de la poursuite du financement des projets en cours qui préoccupe le plus les acteurs concernés pour qui, tout retour en arrière est inenvisageable.

Les collectivités territoriales devront-elles prendre le relais de l'État ? D'autres sources de financement sont-elles à activer ? Nous constatons et regrettons qu'à ce jour, aucune réflexion n'ait été lancée, ni aucune période de transition préparée.

Une précision toutefois : le dispositif étant inscrit dans la loi, cela signifie que - sauf modification législative - les nouveaux projets d'extension horaire pourront continuer à bénéficier de la « DGD - bibliothèques » en tant qu'aide financière à l'amorçage, à condition bien sûr que les crédits suivent.

Une autre de nos inquiétudes porte sur le risque de tension financière au sein de l'enveloppe de cette DGD avec la reprise attendue du cycle politique local, à la suite des élections municipales. Il est probable que des projets d'envergure, du type construction de nouvelles structures, émergent et viennent diminuer d'autant les crédits disponibles pour les projets d'extension des horaires d'ouverture.

Par ailleurs, si nous nous réjouissons que les petites collectivités soient les principales bénéficiaires du dispositif, nous regrettons que les communes de grande taille soient beaucoup moins mobilisées. Ce moindre engagement s'explique clairement par les règles limitantes du pacte financier dit « de Cahors ». Nous relevons, à ce propos, une forme d'injonction paradoxale dans le souhait de l'État d'accompagner les collectivités à ouvrir mieux et plus leurs bibliothèques, avec les charges de fonctionnement qu'une telle politique implique, tout en voulant encadrer strictement l'augmentation de ce type de dépenses.

Nous pointons également des disparités territoriales dans le degré d'engagement dans le dispositif : certaines régions comptabilisent de nombreux projets d'extension des horaires (par exemple, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Bretagne, Ile-de-France), alors que d'autres en comptent beaucoup moins (par exemple, Centre-Val de Loire, Grand Est, Corse, La Réunion). Cette situation tient sans doute à une mobilisation plus ou moindre grande des conseillers pour le livre et la lecture, mais aussi à un niveau d'ingénierie différent d'une région à l'autre. La mise en place de projets d'extension des horaires requiert en effet, en plus d'une aide financière à l'amorçage, un accompagnement sur le plan organisationnel (outils d'identification des besoins, de consultation des personnels, possibilité d'expérimentation, modalités de mise en oeuvre...).

Enfin, la dernière de nos préoccupations - et non des moindres - concerne la gestion des ressources humaines au sein des bibliothèques. Vous le savez tous, l'extension des horaires d'ouverture est un sujet très délicat sur le plan social car il faut parvenir à convaincre les personnels de travailler plus tard les soirs de semaine ou le week-end. Un tel projet nécessite un dialogue social approfondi qui va au-delà de la seule question des horaires de travail ; c'est le métier de bibliothécaire, dans tous ses aspects, qui doit, à cette occasion, être questionné et repensé.

Les bibliothécaires font en effet preuve d'un attachement très fort à leur coeur de métier, qui est le livre. Or la bibliothèque n'est plus exclusivement le lieu où l'on vient emprunter un livre ; tel est le cas de 55 % des personnes qui s'y rendent. Les personnels doivent désormais accueillir des publics divers et les accompagner dans l'usage de nouveaux services. Les anciennes compétences techniques laissent ainsi de plus en plus la place aux nouvelles compétences relationnelles.

La question des horaires de travail est donc indissociable d'une action en faveur de la formation des professionnels et de l'évolution de leurs pratiques. Certaines DRAC l'ont bien compris et proposent aux collectivités des offres de formation pour les personnels concernés.

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