Intervention de Jean-René Cazeneuve

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 20 mai 2020 à 16h30
Audition de M. Jean-René Cazeneuve président de la délégation aux collectivités territoriales de l'assemblée nationale sur sa mission relative à l'impact financier de l'épidémie de covid-19 sur les collectivités territoriales

Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale :

La situation des départements me paraît aujourd'hui intenable. Leurs recettes sont basées sur l'activité économique et leurs dépenses sont orientées vers le volet social. Lorsque l'économie se porte bien, comme c'était le cas ces dernières années, les recettes augmentent et les dépenses diminuent. Les départements font face aujourd'hui à une situation inverse : leurs recettes diminuent et leurs dépenses risquent fort d'augmenter. Les DMTO ont augmenté de 10% l'an dernier, et vont probablement baisser a minima de 20% cette année. Les mécanismes que nous pourrions envisager doivent être à la fois de plancher et de plafond, individuels ou collectifs. Est-ce que les collectivités devraient constituer des réserves ? Ne faudrait-il pas mettre en place un fonds commun ?

Je suis absolument d'accord sur la question de l'hétérogénéité. On ne peut pas réaliser 35 000 chèques. Il faut donc établir des règles communes à l'intention des collectivités territoriales en tenant compte de ces particularités. Le sujet de la péréquation est en effet identifié, à la fois pour les collectivités qui assurent la plupart des versements mais aussi pour celles qui en bénéficient.

Sur la question de la relance, je suis également totalement d'accord. Il s'agit d'un élément essentiel. D'ailleurs, la majorité des associations se concentrent avant tout sur la relance et non sur les dépenses supplémentaires. Néanmoins, plusieurs sujets sont corrélés à cette problématique de la relance, notamment celui du cycle électoral. Cette année a été marquée par des investissements massifs qui pourraient, si nous ne sommes pas vigilants, se répercuter l'année prochaine. Ces investissements risquent d'être en sous-consommation. Il faut vite sortir de ce cycle électoral et espérer que les élections aient lieu le plus vite possible, évidemment dans le respect des mesures sanitaires.

Il y a par ailleurs un sujet pluriannuel : il est primordial de donner le plus de visibilité possible aux collectivités, notamment en matière d'investissement. Si la compensation des impacts du Covid n'est pas suffisante, cela entraînera une diminution de la CAF

et de la capacité des collectivités à emprunter.

Ce plan de relance doit partir à tout prix des territoires. Les territoires ont à la fois la meilleure connaissance des problèmes et sont les plus réactifs. Que le Gouvernement prenne des mesures au fil de l'eau me semble normal ; il doit gérer des urgences, notamment pour le tourisme. Dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales que je préside, nous avons lancé plusieurs groupes de travail simultanément pour tenter de mesurer l'ensemble des impacts et pas uniquement économiques.

Les collectivités aujourd'hui sont en effet faiblement endettées. On peut donc imaginer qu'elles puissent s'endetter plus. Si vous me permettez la formule, c'est le moment ou jamais. La relance est la responsabilité de tous. J'ai l'impression qu'aujourd'hui tout le monde est dans l'expectative ; chacun trouve des raisons, légitimes, pour ne pas agir. Mais relancer l'activité relève d'une démarche collective. Que les collectivités territoriales puissent s'endetter modérément me paraît donc une très bonne chose. Je ne pense pas qu'il faille inventer une règle d'or et définir un plafond mais laisser les collectivités se gérer.

Les pertes non fiscales peuvent être plus importantes que les pertes fiscales pour les communes comme pour les Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Je crois donc à la nécessité d'une approche globale. Les recettes fiscales sont certes plus faciles à suivre que l'extrême complexité des recettes non fiscales, mais il est essentiel de les prendre en considération.

Dans la réflexion que je mène, j'intègre naturellement la question des SIVOM en espérant trouver un mécanisme commun.

95% de la dette des collectivités territoriales est à taux fixe et leurs emprunts toxiques sont minimes. Il n'existe donc pas de risque de dérapage sur les taux. Évidemment, plus on emprunte et plus les charges sont importantes, ce qui réduit votre capacité d'autofinancement nette, mais nous sommes sereins sur ce point.

Je suis favorable à la solution du 50-50 concernant les masques. Je suis pour la responsabilisation des collectivités territoriales et le partage des charges m'apparaît ainsi être une bonne mesure de sagesse.

Je suis, comme vous, un grand défenseur des collectivités territoriales et de la décentralisation, mais il ne faut pas pour autant caricaturer l'action de l'État. La vision des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'il y a trois mois aurait été celle d'une administration centrale lourde et peu réactive. Néanmoins, qu'il s'agisse du fonds d'activité ou du chômage partiel, elles ont fait preuve d'une extrême réactivité et d'une grande efficacité. Cette politique centralisée a ainsi été performante. A contrario, la politique des régions sur le fonds de solidarité connaît une réussite inégale. Beaucoup d'EPCI ne savent toujours pas quel contrat ils vont pouvoir conclure avec leur région.

La question scolaire rentre dans le périmètre des collectivités territoriales. L'État a à ce sujet dégagé un fonds de soutien de 250 millions d'euros. Si le sujet de la péréquation horizontale alerte en effet, le niveau de la péréquation verticale est maintenu.

Bien que les collectivités ne soient pas en mesure d'investir à la fois rapidement et autant que précédemment, il convient de leur donner de la visibilité le plus tôt possible et sur une période la plus longue possible. Les exécutifs doivent donc être en place au plus vite , avec une visibilité précise de l'état de leurs finances.

Je n'imagine pas qu'on ne soit pas capable aujourd'hui de flécher une grande partie des investissements sur des priorités publiques, qu'elles concernent le troisième âge, la transition énergétique ou tout autre sujet.

Le plus important est le plan de relance, et il faut faire confiance aux territoires dans ce cadre.

Il convient d'opérer une distinction entre les dépenses contraintes et les dépenses non contraintes. Lorsqu'une collectivité propose une dérogation, elle doit l'assumer. L'État ne peut pas être « en back up » et assurer toutes les décisions des collectivités, ou alors nous ne sommes plus dans une République décentralisée où l'autonomie des collectivités territoriales est la règle. L'État ne doit pas tout prendre en charge et compenser à l'euro près. Il faut faire attention à l'idée que la dette nationale constituerait une recette miraculeuse.

La capacité d'autofinancement brute des collectivités territoriales est de 39 milliards ; elles ont une force de frappe. Il faut que l'État permette d'amortir le choc du Covid mais les collectivités vont pouvoir encaisser une partie de ce choc. Certaines ressources vont en outre augmenter l'année prochaine : la taxe foncière, la taxe d'habitation ou son équivalent.

Il faut une certaine idée de partage de la charge ainsi qu'une responsabilité collective. Les élus ont répondu présents lors du confinement, ils ont assuré la sécurité et la solidarité. Nous devons donc travailler collectivement pour définir le plan de relance.

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