Monsieur l'Ambassadeur, une explication franche permet parfois de lever des malentendus. Malheureusement, ce que vous avez dit concernant l'incident maritime n'est pas du tout convaincant, puisque vous nous demandez, en quelque sorte, de considérer comme nulle et non avenue, en tous points, la version de l'armée française, ce qui est difficile à envisager.
A aucun moment vous n'avez affirmé votre attachement au respect de l'embargo. J'ai même cru comprendre que vous justifiiez, par sa violation sur d'autres frontières, la décision des autorités turques de ne pas respecter cet embargo. Tout ceci, naturellement, nous inquiète. Quant au droit maritime, vous intervenez sur cette question devant nous comme si la Turquie n'avait aucune responsabilité dans la situation de Chypre, alors qu'il est reconnu internationalement que l'occupation du nord de l'île est au coeur du problème international qui perdure dans la région.
Je voudrais aussi élever devant vous une protestation contre la guerre que vous menez en Turquie même contre une partie croissante de votre peuple et contre les libertés démocratiques. Hier ont eu lieu des manifestations massives d'avocats dans les principales villes de Turquie, contre un projet de loi présenté à l'Assemblée nationale turque, visant à réduire à néant les droits de la défense, en Turquie, alors que des milliers de progressistes turcs sont déjà dans les prisons.
De nouvelles vagues d'arrestations ont eu lieu dans la région de Diyarbakir à l'encontre de nombreux dirigeants, notamment de femmes dirigeant des associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Des actes de torture utilisant des chiens ont été perpétrés contre certaines de ces femmes. Récemment, des bombardements ont visé des populations civiles à la frontière entre la Turquie, la Syrie et le nord de l'Irak. Vous opposez à tous ces évènements, contre tous les témoignages existants, des dénégations répétées. Ceci ne contribue évidemment pas à ce que la parole du gouvernement turc soit à mes yeux crédible.