La deuxième recommandation porte sur la question stratégique : le partenariat stratégique de l'Inde avec la France a évolué, à la faveur notamment de l'arrivée d'un nouveau parti au pouvoir. A partir de 2014, le pays est progressivement passé d'une stratégie de non-alignement à une plus grande implication et à une stratégie de « multi-alignement ». Les frontières terrestres de l'Inde présentent plusieurs configurations complexes dans la mesure où elles chevauchent des territoires disputés, en particulier avec le Pakistan, qui a des relations complexes avec l'Inde. Se pose aussi la question du corridor économique Chine-Pakistan qui traverse l'ancien royaume du Cachemire, dans une partie toujours revendiquée par l'Inde. Durant très longtemps, le non-alignement de l'Inde a constitué une forme d'équilibre entre la Russie et les Etats-Unis. Ce contexte d'équilibre entre les grandes puissances, qui ont un rôle région et qui ont une capacité nucléaire, évolue avec l'émergence puis l'affirmation de la Chine.
Des tensions internes existent également. Le premier mandat du Premier ministre Narendra Modi a été marqué par la fin du non-alignement et l'affirmation du soft power indien, avec, par exemple, l'instauration d'une journée mondiale du yoga et l'affirmation du lien avec la diaspora, qui apporte chaque année au pays l'équivalent de 3 % de son PIB, soit 26 milliards de dollars). Le second mandat de Modi est marqué par l'affirmation du programme idéologique du BJP, qui suscite un débat, notamment quant aux aspects touchant à la préservation de « ses racines civilisationnelles ». En témoignent par exemple les remous causés par le projet de construction d'un temple à Ayodhya, sur les ruines de la mosquée détruite par les extrémistes en 1992. L'évolution du statut du Cachemire, décidée par l'Inde, a des impacts au Cachemire mais aussi dans les rapports de celui-ci avec l'Inde. Enfin, il faut mentionner l'évolution de la loi sur la citoyenneté de 1955, créant une discrimination au détriment des réfugiés de confession musulmane.
Ce climat n'est pas sans inquiéter les milieux d'affaires indiens, et écorne l'image de « plus grande démocratie parlementaire » dont bénéficiait l'Inde.
L'Inde partage le même respect pour le droit international, le multilatéralisme et la préservation de l'environnement que la France.
L'Inde a ainsi été un partenaire essentiel de la France, notamment dans le cadre de la COP21. Elle a co-créé avec notre pays l'Alliance solaire internationale et participe à la préservation des milieux naturels et des ressources halieutiques. Notre deuxième recommandation vise ainsi à soutenir l'affirmation de l'Inde, grande démocratie parlementaire, et partenaire stratégique de la France, comme puissance d'équilibre régionale et internationale partageant les valeurs de respect du droit international. Il s'agit notamment de soutenir la candidature de l'Inde au Conseil de Sécurité élargi des Nations unies et à la commission de l'océan Indien (COI).
S'agissant de la politique dite « make in India » qui constitue un élément de la stratégie économique du Premier ministre, nous recommandons que les entreprises françaises se l'approprient. C'est une demande forte et, pour obtenir des succès sur le marché indien, il faut accepter ce principe. C'est déjà le cas par exemple du marché d'acquisition des Rafale qui prévoyait des compensations industrielles. Cela suppose aussi que notre industrie soit toujours en avance et en mesure de maintenir un différentiel concurrentiel. Il serait souhaitable que ce « Fait en Inde » devienne le point de départ d'une politique d'exportation des entreprises françaises, depuis l'Inde, vers les marchés d'Asie du Sud-Est notamment.
Il faut également noter le travail réalisé - qui sera à poursuivre et amplifier - pour lever les blocages des droits de douane avec la mise en place d'un mécanisme spécifique franco-indien permettant de réduire les obstacles freinant les échanges commerciaux.
Des perspectives intéressantes s'offrent aux entreprises françaises dans les domaines de l'industrie pharmaceutique, des énergies renouvelables et de la ville (villes intelligentes, développement durable, gestion de l'eau). Il faut encourager la poursuite de cette forte implication d'entreprises françaises.
Cela nous renvoie à l'AFD, qui a priorisé les secteurs d'excellence de l'expertise française mais qui est limitée par ses capacités d'intervention en Inde. La révision de l'accord de coopération encadrant les activités de l'AFD en Inde doit devenir une priorité, afin d'accroître la capacité d'intervention directe de l'agence.