La conception du porte-avions de nouvelle génération doit tenir compte d'un certain nombre de contraintes, qui vont dans le sens d'un porte-avions plus massif que l'actuel : le système de combat aérien futur (SCAF), tout d'abord : la masse de son avion principal est évaluée à 30 tonnes, contre un peu plus de 20 tonnes pour les Rafale Marine. La masse dépendra aussi du nombre d'avions que l'on souhaitera pouvoir embarquer sur le nouveau porte-avions.
La masse évoquée, pour le porte-avions de nouvelle génération, serait de 70 000 tonnes (contre 42 000 tonnes pour le Charles de Gaulle), pour une longueur de 280 à 300 m (contre 261 m). La Ministre des armées a récemment confirmé que le futur porte-avions serait construit, pour cette raison, à Saint-Nazaire.
Ce gabarit, ainsi que l'impératif d'autonomie, de flexibilité, de gain de place et, enfin, la question de la fiabilité, plaident pour une propulsion nucléaire. C'est aussi une question de préservation des compétences d'une filière qui ne compte que 12 réacteurs embarqués.
Par ailleurs, le système à piste oblique, catapultes et brins d'arrêt nous semble devoir être retenu, malgré une dépendance assumée à l'égard des États-Unis. Les auditions n'ont pas permis d'identifier d'obstacle majeur à l'utilisation des catapultes électromagnétiques, actuellement testées par les Américains. Cette technologie n'est pas encore tout à fait au point. Mais près de 3500 tirs ont déjà été réussis. Les délais de réalisation du porte-avions de nouvelle génération devraient permettre de bénéficier d'un système déjà largement éprouvé.
J'en viens au coût du porte-avions. Il sera très certainement supérieur à 5 milliards d'euros. Certains parlent de 6 à 7 milliards d'euros. Nous attendons des précisions dans ce domaine, notamment sur les coûts comparés de la propulsion nucléaire et de la propulsion conventionnelle. Mais, quel que soit ce coût, il faudra l'envisager dans la durée : un coût annuel de 450 millions d'euros représenterait, par exemple, 1,5% du budget de la défense et 0,02% du PIB... mais sur 10 ans au moins.
Avons-nous besoin de deux porte-avions ?
L'enjeu, c'est la permanence de l'alerte. Le nouveau porte-avions aurait, comme le Charles de Gaulle, une disponibilité d'environ 65 %.
J'ajoute que l'incendie du SNA La Perle montre que des événements imprévus peuvent avoir de graves conséquences sur des formats de flotte réduits. L'épidémie de covid-19 l'a également illustré : lorsque notre porte-avions est mis à l'arrêt, nous ne pouvons pas le remplacer.
La permanence de l'alerte n'implique pas la mise à disposition d'un second groupe aéronaval, ni d'un second groupe aérien embarqué. Mais elle impliquerait une augmentation des moyens du groupe aérien embarqué, d'environ un tiers, et une augmentation des ressources humaines.
Les économies d'échelle, sur la construction d'un deuxième porte-avions du même modèle, sont importantes, de l'ordre de 30 à 40 %. C'est pourquoi aucune porte ne doit être fermée.
Enfin, nous suggérons une accélération du calendrier : cela permettrait de relancer l'activité des chantiers navals, qui risquent d'être impactés à long terme par la crise. Cela permettrait au futur porte-avions de coexister quelque temps avec l'actuel... avant le lancement de son navire jumeau ! Cette hypothèse du « tuilage » était, du reste, encore évoquée par le gouvernement, lorsque nous avons examiné la dernière LPM.