Intervention de Éric Bocquet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 juillet 2020 à 9h35
Contrôle budgétaire — Lutte contre les violences faites aux femmes - communication

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet, rapporteur spécial :

Érigée comme grande cause du quinquennat, cette politique publique n'est pourtant pas nouvelle, mais elle a fait l'objet d'une prise de conscience progressive, sur le plan politique et de l'opinion publique.

Le constat est glaçant : 121 femmes tuées et 213 000 victimes de violences physiques et sexuelles en 2018, selon la lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes. Les conséquences sont dramatiques sur l'entourage familial, et notamment les enfants, avec toutefois moins d'une victime sur 5 déclarant avoir déposé plainte et plus de la moitié des victimes n'ayant fait aucune démarche auprès de professionnels ou d'associations.

Nous avons découvert, lors de ce contrôle, le phénomène d'emprise, dont souffrent les femmes victimes, qui est au coeur d'un « cycle » identifié de violence correspondant à un processus de dégradation des relations dans un couple.

Cette question des violences a fait l'objet d'une prise de conscience progressive, dont une étape a été franchie avec le mouvement « me too », l'activité des associations l'attestant, comme nous l'évoquerons plus tard. Érigée en grande cause du quinquennat, le Gouvernement a souvent la tentation de s'approprier des mesures pourtant déjà existantes. Bien que nous reconnaissions ses efforts en la matière, il convient de souligner que cette politique publique n'est pas nouvelle. Pour preuve, les commissions départementales contre les violences faites aux femmes datent de 1989 ...mises en place par une ministre bien connue de notre commission, Mme Michèle André, alors secrétaire d'État aux droits des femmes.

La politique d'égalité entre les femmes et les hommes, et notamment celle de lutte contre les violences faites aux femmes, est budgétairement inscrite sur le programme 137 de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances ». On observe ainsi, depuis 2010, une relative augmentation de ces crédits qui masque néanmoins des sous-exécutions importantes jusqu'en 2018, et des opérations discrètes de redéploiements internes, permettant de dégager des crédits, dont la communication gouvernementale laisse souvent à penser, à tort, qu'il s'agit de crédits nouveaux.

Par ailleurs, depuis le projet de loi de finances pour 2019, ce programme 137 dispose d'une nouvelle maquette budgétaire, ne permettant plus d'identifier clairement les crédits spécifiques à la lutte contre les violences et la prostitution. Une opération de simplification pour le Gouvernement qui a conduit à obscurcir l'information du Parlement. Nous le regrettons.

Toutefois, ce programme ne représente qu'une partie du financement de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes, qui se caractérise, en effet, par un fort morcellement des crédits, puisqu'à la croisée de plusieurs politiques publiques.

Malheureusement, le document de politique transversale de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes ne permet pas d'identifier de façon satisfaisante ces différentes sources de financement. Il se révèle être un outil insuffisamment fiable et développé. Nous avons été surpris par les auditions réalisées qui ont révélé le caractère assez « artisanal » de son élaboration. L'absence de méthodologie claire de la part de la direction du budget, le peu de volonté des ministères d'y contribuer conduisent à un document au périmètre instable et très loin d'être exhaustif. L'augmentation des crédits d'une année sur l'autre n'est pas forcément liée à des crédits supplémentaires, mais à des choix méthodologiques de rattachement.

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