Je remercie chaleureusement les services de la commission, ils m'ont été d'une grande utilité, en particulier dans ce contexte rendu plus difficile par la crise sanitaire.
Je déplore avec constance l'état lamentable du réseau ferroviaire dit capillaire, c'est-à-dire les voies qui desservent les silos céréaliers, parmi d'autres équipements, et qui font que Rouen est le premier port céréalier de France - il a perdu récemment sa première place européenne. Attention : si l'on ne restaure pas ce réseau capillaire, les céréales seront transférées sur la route, c'est très concret, et urgent.
Je ne suis pas pessimiste sur le canal Seine-Nord, mais réaliste, et l'optimiste de nature que je suis n'a qu'un message : il faut aller vite. Avant la crise sanitaire, nous constations que le volume de conteneurs était en progression au Havre, certes, mais attention : cette progression est bien moindre qu'à Anvers et Rotterdam, c'est donc que nous perdons du terrain.
Notre rapport aborde la question de la domanialité, nous disons qu'il faut augmenter les recettes domaniales. Des progrès sont accomplis, voyez ce qui se passe dans le Nord, il faut s'en inspirer et aller plus loin.
Les questions environnementales sont décisives, en particulier la préservation de la biodiversité dans l'espace portuaire. En réalité, les mêmes règles européennes s'imposent aux différents ports, mais les approches sont différentes. En France, nous avons fait des réserves foncières considérables il y a des décennies, pour les plateformes portuaires - et comme le développement y a été arrêté, la nature y a repris ses droits, la biodiversité s'est développée et désormais il faut compter avec les règles d'urbanisme protectrices, avec des oppositions fortes localement. À Rotterdam, outre l'extension sur la mer, on considère que le domaine portuaire est une zone d'activité industrielle et que la compensation peut se faire à l'extérieur de ce domaine. Les solutions sont plus compliquées en France, les oppositions sont nombreuses, je crois qu'il faut ouvrir davantage les ports sur l'extérieur, Anvers et Rotterdam le font remarquablement.
Nous avons besoin d'une stratégie nationale et européenne, c'est tout à fait exact, cela fait des décennies que nous le répétons... parce que rien ne bouge ! Sur ce plan, il faut dire que le ministère de l'environnement ne fait pas son travail, alors que les hauts fonctionnaires ne manquent pas...
La prochaine loi de décentralisation est-elle un bon véhicule pour réformer nos ports maritimes ? Pourquoi pas, si un projet de loi spécifique n'est pas préparé d'ici là - mais il faut aussi compter avec la prochaine loi de finances, échéance importante, et j'envisage de déposer une proposition de loi.
Le Brexit a été un vrai sujet, avec le problème des « corridors » en 2018. Dès lors que les produits irlandais ne passeront plus par l'Angleterre, il faut définir des « corridors » depuis l'Irlande jusqu'au continent européen ; or, ceux que la Commission européenne a proposés allaient directement à Anvers et Rotterdam, sans passer par nos ports. Cela nous montre combien la France n'est pas suffisamment présente à Bruxelles, ce qui va bien au-delà de la question des ports maritimes. Avant la crise sanitaire, le Premier ministre anglais a annoncé qu'il envisageait d'autoriser des ports francs sur la Manche : ce serait une concurrence déloyale très inquiétante, y compris pour Anvers et Rotterdam.
Environ 40 % des conteneurs qui alimentent le marché français passent par Anvers et Rotterdam : c'est effectivement un chiffre-clé, à faire connaître.
L'aide à la pince est aussi une question importante, parce qu'elle joue contre nos ports maritimes. Cette subvention publique qui aide l'acheminement des conteneurs par voie ferrée, désavantage nos ports maritimes. En effet, un conteneur posé sur un train au Havre pour aller à Lyon, reçoit 34 euros d'aide à la pince ; mais le même conteneur, débarqué à Anvers, recevra une aide à la pince de 31 euros en Belgique, puis 130 euros au Luxembourg, et encore 17 euros pour aller de Luxembourg à Lyon - l'aide est cependant plafonnée à 150 euros : au total, le conteneur reçoit une aide à la pince de 150 euros s'il débarque à Anvers, mais 34 euros au Havre, c'est un vrai handicap. Nous proposons de tripler notre aide à la pince, à l'intérieur de notre territoire, à partir de nos ports.