Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 1er juillet 2020 à 10h35
Table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5g

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Mes chers collègues, quelques jours après l'adoption du rapport de la mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique par notre commission, nous avons le plaisir d'organiser une table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5G.

Cette table ronde arrive à point nommé, tant l'actualité des dernières semaines a été chargée sur ces sujets.

Je rappelle que les enchères pour les fréquences 5G, qui devaient initialement se dérouler en avril pour de premiers déploiements en juillet, ont été repoussées en raison de la crise sanitaire. Selon le nouveau calendrier fixé par l'Arcep, les enchères pourraient avoir lieu fin septembre.

Il y a quelques semaines, deux des quatre grands opérateurs français ont demandé à l'État et à l'Arcep de reporter plus encore ces enchères 5G, à la fin de l'année 2020 ou au début de l'année 2021. Bouygues Télécom, que notre commission a auditionné il y a près d'un mois, avance deux arguments principaux pour justifier ce report : le premier a trait à la crise économique que traverse notre pays ; le deuxième concerne la défiance croissante d'une partie de l'opinion publique contre cette nouvelle technologie mobile, en raison de craintes quant à ses impacts sanitaires et environnementaux.

En juin, la Convention citoyenne pour le climat s'est également exprimée en faveur d'un moratoire sur les enchères et le déploiement de la 5G. Quelques jours plus tard, la ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre des solidarités et de la santé ont demandé au Premier ministre d'attendre l'avis définitif de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur les impacts sanitaires de la 5G pour lancer les enchères.

Dernier épisode en date : nous avons appris vendredi dernier que les ministères de l'économie, de la santé et de la transition écologique ont lancé conjointement une mission visant à évaluer l'impact environnemental de la 5G. Cette mission devra rendre son rapport début septembre, pour permettre le lancement des enchères fin septembre. Cette évaluation environnementale est réclamée depuis des mois par de nombreux acteurs, notamment par notre mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique. À cet égard, je rappelle que le Président du Sénat avait saisi en mars dernier le Haut Conseil pour le climat pour que cette évaluation soit menée.

Dans ce contexte, nous avons jugé nécessaire de tenir cette table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5G. C'est également le rôle du Parlement que de permettre à l'ensemble des acteurs d'échanger librement sur un sujet d'intérêt majeur pour l'ensemble de nos concitoyens.

Pour ce faire, nous accueillons aujourd'hui : M. Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ; M. Guérin, président de la Fédération Française des Télécoms ; M. Merckel, chef de l'unité d'évaluation de l'unité des risques physiques à l'Anses ; M. Weill, chef du service de l'économie numérique, à la Direction générale des entreprises ; M. Ferreboeuf, directeur du projet « Numérique et environnement » dans le groupe de réflexion Shift Project ; M. Kerckhove, directeur général de l'association « Agir pour l'environnement », qui a formé un recours contre les textes lançant les procédures d'enchères 5G.

Cette table ronde se divisera en deux temps. Nous consacrerons une première partie aux impacts sanitaires de la 5G. Après un premier échange, je donnerai à mes collègues la possibilité d'interpeller les participants de la table ronde.

La deuxième partie de l'audition sera consacrée aux impacts environnementaux de la 5G. Je laisserai naturellement le président de la mission d'information relative à l'empreinte environnementale du numérique, Patrick Chaize, l'introduire.

Sur la partie sanitaire, en 2018, les ministères chargés de la santé, de l'environnement et de l'économie ont saisi l'Anses pour conduire une étude sur les effets sanitaires de cette nouvelle technologie mobile. Un rapport préliminaire recensant les études scientifiques existantes a été publié en janvier 2020. Le rapport final devrait être publié au premier trimestre 2021.

Mes premières questions s'adresseront tout naturellement à l'Anses, pour une présentation des principales conclusions du rapport préliminaire de 2020, un point sur l'état d'avancement de vos travaux et indiquer si l'échéance du premier trimestre 2021 est confirmée.

Olivier Merckel, chef de l'unité d'évaluation de l'unité des risques physiques à l'Anses. - Tout d'abord, je souhaite rappeler que l'Anses travaille depuis de nombreuses années sur la question de l'exposition à la téléphonie mobile, et ses risques éventuels sur la santé. Depuis 2009, l'Agence a produit quasiment un rapport par an sur la question des risques liés à l'exposition des radiofréquences et à la santé dans divers domaines : la téléphonie mobile, mais aussi les scanners millimétriques, qui peuvent être utilisés dans les aéroports, la compatibilité des dispositifs médicaux, exposés à des sources électromagnétiques, ou encore les compteurs communicants, type Linky.

Nous nous sommes intéressés également à des populations particulières, notamment les enfants pour identifier s'ils représentent une population à risque face à l'exposition aux radios-fréquences, ainsi qu'aux personnes qui se déclarent électro-hypersensibles.

En janvier 2020, nous avons rendu un rapport préliminaire qui donne les premiers éléments de réponse à la saisine que nous avons reçue en janvier 2019, des ministères de la santé, de l'environnement et de l'économie. Nous avions pour objectif de faire un point sur l'état des lieux technologique du déploiement de la 5G, ainsi que sur la question de l'exposition de la population aux champs électromagnétiques, et de donner notre avis sur les risques spécifiques sur la santé.

Nous avons travaillé avec l'ANFR (l'Agence nationale des Fréquences) qui a rendu, en juillet 2019, un rapport consacré à la description de la technologie 5G, afin d'expliquer les différences apportées par cette nouvelle technologie mobile par rapport aux précédentes.

L'ANFR a également publié un rapport en juillet 2019, sur l'exposition des personnes en se basant sur les expérimentations réalisées par les opérateurs, mises en place dans les villes pilotes. Ce rapport a été mis à jour en avril dernier par l'ANFR. En janvier 2020, nous avons publié un rapport préliminaire qui présente des éléments importants pour comprendre quelles différences apportent la 5G, notamment comme effets sur la santé.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en matière d'interaction, entre le champ électromagnétique et le vivant, entre 6 et 10 GHz, les ondes électromagnétiques pénètrent de moins en moins profondément dans le corps. À partir de ces fréquences, l'interaction des champs électromagnétiques avec le vivant est donc superficielle. Les premiers millimètres de la peau absorbent toute l'énergie véhiculée par les ondes électromagnétiques.

Pour rappel, les projets de déploiement de la 5G se situent dans la bande 3,5 GHz, au sein de laquelle nous observons une relative pénétration des ondes dans les tissus humains. Quant à la bande 26 GHz, qui est prévue pour être déployée plus tardivement avec les objets connectés, nous observons cette fois, une absorption limitée à la surface de la peau.

Cela nous force à étudier ces deux domaines séparément. Concernant la bande de 26 GHz, nous recensons un nombre important de publications scientifiques, sur lesquelles nous pourrons nous appuyer pour mener une évaluation des risques. Ce sont ces données que nous remettrons au premier trimestre 2021 afin de mieux répondre à la question : « Y a-t-il oui ou non, des effets sur la santé, liés à l'exposition aux fréquences dans la bande à 26 GHz et au-delà ? ».

Une autre question que nous nous posons est la suivante : « Y a-t-il des risques pour la santé au déploiement dans la bande à 3,5 GHz ? ». Il existe de nombreuses publications et de données accumulées depuis plus de 20 ans dans des bandes qui courent jusqu'à 2,5 GHz, c'est-à-dire, jusqu'au Wifi et à la téléphonie mobile 2G, 3G et 4G.

En revanche, à 3,5 GHz, nous manquons d'informations. En effet, très peu de déploiements ont eu lieu dans ces bandes. Les laboratoires de recherche ne se sont donc pas intéressés à cette donnée. Notre groupe d'experts s'est penché sur cette question dans notre rapport préliminaire en cours d'étude. Les résultats seront transmis début 2021.

À la première question qui est de savoir si nous pouvons évaluer les risques sur la santé liés aux expositions dans la bande 26 GHz, nous tâcherons d'apporter une réponse.

Une deuxième question est de savoir si nous pouvons, en l'absence d'étude spécifique sur la bande 3,5 GHz, adapter, transposer, extrapoler les nombreuses données disponibles de la bande 2,5 GHz à la bande 3,5 GHz. Surtout, sous quelles conditions et avec quels critères pouvons-nous réaliser cette adaptation ?

Une troisième question est de connaître les nouvelles modalités d'exposition engendrées par la 5G. En effet, nous allons passer d'une situation où l'exposition était relativement stable dans l'espace et dans le temps, à une situation où les antennes relais focaliseront les émissions radio en direction des utilisateurs, avec une variabilité des expositions. Pour nous, il est difficile d'appréhender le sujet, car il nécessite de nouvelles données de la part des opérateurs, mais aussi de la part des laboratoires qui étudient ces secteurs. Ces données aideront à observer dans quelle mesure, nous aurons ou pas, en fonction des scénarios de développement, une augmentation de la consommation de données, et une plus forte exposition pour les personnes.

En matière de calendrier, nous pourrons répondre à ces questions au premier trimestre 2021. Pour autant, l'évaluation de la 5G ne sera pas terminée. En effet, cette nouvelle technologie mobile aura peut-être à peine commencé à se déployer. Nous disposerons donc de peu de données d'exposition. Nous ne pourrons pas répondre à toutes les questions, à moins de nous lancer dans des scénarios. Notre travail est donc amené à se prolonger, au fur et à mesure des déploiements et des informations que nous recueillerons sur les perspectives de déploiement. Les questions qui nous ont été posées sur les objets connectés, sur leur déploiement, notamment dans la bande 26 GHz, vont peser sur l'exposition des personnes. C'est une question que nous investiguerons plus tard.

Je me tourne vers M. Weill pour lui demander quelle est la position du gouvernement quant au calendrier qui indique que les enchères seront lancées fin septembre. Dans le même temps, on nous confirme que l'étude concernant l'impact sanitaire ne sera connue qu'en début d'année. Je rappellerai que la Convention citoyenne avait demandé un moratoire sur la mise en place de la 5G. Le Président de la République a déclaré qu'il faisait siennes les demandes de la Convention citoyenne. Nous aimerions un éclairage sur le calendrier du gouvernement.

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