Intervention de Hugues Ferreboeuf

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 1er juillet 2020 à 10h35
Table ronde relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la 5g

Hugues Ferreboeuf, directeur du projet « Numérique et environnement » dans le groupe de réflexion Shift Project :

La première question était : disposons-nous de scénarios documentés nous permettant de comprendre l'évolution de la consommation énergétique du numérique ? Comment est-elle prise en compte dans les scénarios plus globaux, notamment le plan de programmation énergétique ?

Je me suis plongé dans les études ERTE, les scénarios développés au sein du ministère de la transition écologique lors de l'élaboration de la programmation pluriannuelle de l'énergie, et j'ai constaté qu'il n'y avait pas d'études du numérique en tant que telles. Puis, j'ai trouvé que toutes les hypothèses prises étaient très optimistes, car se basant sur la même approche que celle proposée par M. Guérin sur l'amélioration de l'efficacité énergétique, sans prendre en compte la multiplication des équipements ou l'apparition de nouveaux équipements. Or nous savons qu'en termes de numérique, nous ignorons ce qui se produira dans quelques années. Nous supposons qu'il y aura des terminaux qui existeront et qui n'existent pas aujourd'hui. Par conséquent, pour répondre à cette question, je n'ai pas le sentiment que l'État a les cartes en main pour bien intégrer l'évolution de la consommation énergétique du numérique dans les plans de programmation de l'énergie.

D'autres questions tournaient autour de « l'offre tire-t-elle la demande ou la demande tire-t-elle l'offre ? ». Il s'agit d'une éternelle question. Globalement, depuis une dizaine d'années dans le numérique, nous avons un phénomène où l'offre tire la demande. Nous avons clairement une dynamique impulsée par la technologie.

Dans tous ces documents rédigés par les analystes et universitaires, nous pouvons lire qu'à l'échelon de quelques années, l'introduction d'une technologie plus performante telle que la 5G conduira à développer d'abord des versions plus performantes des services existants (streaming HD pour du streaming 4K ou 8K, jeux en ligne classiques pour passer aux jeux en ligne en réalité virtuelle...). La constatation qui ne peut pas être démentie par la FFT est que 80 % de la croissance du trafic aujourd'hui vient d'usage vidéo de loisirs.

Ce phénomène va s'accroître. C'est pourtant lui qui justifie l'introduction de la 5G. Dans les zones denses, la 4G va être saturée, car les efforts que les producteurs de contenu ont accepté de faire pendant le confinement (réduire le débit de leurs services) ne seront pas poursuivis. Les 3 mois que nous venons de traverser nous ont conduits à nous interroger sur la priorisation de nos besoins.

Pour terminer, je reviens sur la discussion plus sociétale. La 5G sera-t-elle un outil pour améliorer le bien-être collectif ou, au contraire, intensifiera-t-elle la fracture numérique qui existe déjà ? Un intervenant faisait allusion au fait que la Chine faisait de la 5G un projet national et qu'elle souhaitait utiliser la 5G pour transformer la ville et la vie de ses concitoyens. C'est une vision technocentrée d'évolution de la société. La question est de savoir si nous souhaitons adopter cette vision ou si nous voulons privilégier une autre voie. Nous ne pourrons probablement pas faire les deux en même temps.

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