Le Sénat a adopté la semaine dernière les projets de loi ordinaire et organique relatifs à la dette sociale et à l'autonomie.
S'agissant du projet de loi organique, deux articles demeurent en discussion, après l'adoption conforme de l'article 1er par le Sénat. Je voudrais me féliciter de l'accord entre nos deux chambres concernant la nécessité d'accepter, en responsabilité, un délai supplémentaire d'amortissement de la dette sociale, fixée désormais en 2033. L'ampleur des déficits à reprendre, d'un montant de 136 milliards d'euros, justifie cet effort supplémentaire, malgré la volonté que nous partageons tous d'éteindre la dette sociale aussi rapidement que possible, pour qu'elle ne pèse pas éternellement sur les générations à venir ni sur les nécessaires investissements dans notre protection sociale. Je pense qu'il faudra regarder également avec un oeil favorable les précisions apportées par le Sénat à l'article 2, concernant les annexes, qui me semblent aller dans le bon sens.
Cet attachement commun à la bonne gestion des finances sociales doit nous faire réfléchir sur la meilleure manière d'assurer un pilotage des finances sociales aussi proche que possible de l'équilibre, dès lors que les conditions macroéconomiques y seront à nouveau propices. Le Sénat propose en la matière un système de « règle d'or » budgétaire, à travers une annexe B clarifiée, complétée et renforcée. Le nouvel article 1er bis propose ainsi d'inscrire dans la loi organique la règle selon laquelle la prévision de soldes cumulés de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes qui concourent à leur financement, pour une période de cinq exercices, soit positive ou nulle. Cet article prévoit également la possibilité, en cas de circonstances exceptionnelles, dont nous ne pouvons que trop bien comprendre la portée aujourd'hui, de déroger à cette règle. Le cas échéant, un rapport annexé aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) devra détailler la manière dont le Gouvernement entend assurer l'équilibre sur une période de dix ans. Le droit commun et l'exception prévoient tous deux le détail des mesures que devra prendre le Gouvernement pour respecter la trajectoire pluriannuelle des finances sociales qu'il présente.
Le mécanisme proposé est proche, même s'il s'applique à un champ différent, de ce qui a pu être examiné en son temps dans le cadre du projet de loi organique relatif au système universel de retraite. Aussi intéressante cette idée soit-elle, j'estime qu'elle doit s'insérer dans une réflexion plus large sur l'évolution du pilotage des finances sociales, à laquelle pourrait d'ailleurs s'adjoindre une nouvelle définition du champ des LFSS comme une modernisation de l'examen dans lequel nous nous engageons chaque automne.
La date retenue par le Sénat dans sa rédaction montre d'ailleurs l'absence d'urgence absolue sur ce sujet, en comparaison des autres dispositions. Nous gagnerions vraiment à faire prochainement une proposition cohérente et complète sur tous les aspects des LFSS. Je suis attaché par ailleurs à ce que nous ne mélangions pas tous les sujets, alors que ce texte porte déjà des mesures très fortes pour l'autonomie de nos concitoyens.
Je sais qu'à ce sujet, nos assemblées partagent un objectif commun, et je souhaite que nous menions un travail coordonné pour les faire avancer, d'ici quelques mois.
Le Sénat a adopté dans le même temps le projet de loi ordinaire. Concernant ce texte, trois articles restent en discussion, le Sénat ayant adopté deux articles conformes. Je tiens à souligner là aussi l'accord que nous partageons concernant le fond : je suis également animé, comme les sénateurs de la conviction que le transfert en 2024 d'une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) de la CADES vers la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) constitue un engagement crucial dans le financement du soutien à l'autonomie.
Je vois également que les modifications apportées concernant la cinquième branche, dont nous avons acté la création en première lecture à l'Assemblée nationale, ont permis d'améliorer la qualité du texte, et je ne peux qu'y souscrire. Il en va de même pour l'article 3 concernant le transfert de la soulte des industries électriques et gazières à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), afin de soulager aussi rapidement que possible la trésorerie de la sécurité sociale.
Cependant, la suppression par le Sénat des dispositions relatives à la reprise par la CADES de la dette des établissements de santé, privés d'intérêt collectif et assurant le service public hospitalier fait obstacle à ce que nous trouvions un accord lors de cette commission mixte paritaire. Conformément aux annonces du Gouvernement en novembre 2019, le présent projet de loi prévoit en effet qu'un tiers du montant des dettes accumulées jusqu'au 31 décembre 2019, à hauteur de 13 milliards d'euros, soit transféré à la CADES. Le financement de ces établissements par l'assurance maladie constitue pour moi une preuve amplement suffisante du caractère social de la dette et donc des modalités de reprise proposées par le Gouvernement. Sa suppression, à l'inverse, maintiendrait les hôpitaux dans l'asphyxie budgétaire qui est la leur actuellement.
Ces éléments me semblent de nature à constater dès maintenant la divergence, partielle mais substantielle, entre nos deux chambres, et à acter dès à présent l'échec de notre commission mixte paritaire.