Intervention de Édouard Courtial

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 juillet 2020 à 10h00
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d'instruction militaire — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Édouard CourtialÉdouard Courtial, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons à présent le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre la France et la Suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d'instruction militaire.

La coopération franco-suisse en matière de défense se fonde sur une dizaine d'accords conclus depuis 1987. L'accord soumis à notre examen se substituera aux accords signés en 1997 et en 2003, relatifs aux activités d'instruction et d'entraînement de nos forces armées.

Ce nouvel accord se distingue des accords de défense traditionnellement conclus par la France, puisqu'il tient compte de la neutralité de notre partenaire. Pour respecter cette neutralité, l'accord ne couvre ni la planification, ni la préparation, ni l'exécution d'opérations de combat ou de toute autre opération militaire. Son périmètre est donc circonscrit aux activités d'instruction et de formation, ainsi qu'aux exercices et entraînements, ayant pour but de faire acquérir aux personnels civils et militaires des forces armées les qualités nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.

L'accord de 2018 facilitera les échanges en simplifiant les procédures administratives qui peuvent parfois constituer un frein. Il offrira un cadre rénové et élargi à notre coopération qui, jusqu'à présent, concernait principalement le domaine aérien à travers des actions de police du ciel, et des actions conjointes de formation et d'entraînement des pilotes de chasse. En effet, pour l'instruction de ses pilotes, la France a récemment choisi le Pilatus PC-21, avion de construction suisse, en remplacement des Alphajets. Depuis, la formation des instructeurs est dispensée pour partie en Suisse, et des échanges entre les officiers pilotes français et suisses sont régulièrement organisés. En outre, nos deux pays réalisent un grand nombre d'exercices conjoints visant à renforcer notre interopérabilité pour assurer la défense commune de notre espace aérien.

Cette coopération trouve également à s'appliquer dans le domaine terrestre à travers des échanges d'expertise entre les écoles d'instruction en haute montagne, et des entraînements avec les troupes de montagne et les forces spéciales suisses.

Le nouvel accord permettra d'ouvrir la coopération à trois nouveaux domaines que sont :

- la protection NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) qui est l'une des spécialités de l'armée suisse ;

- la cyberdéfense ;

- et le spatial militaire, dans la mesure où la Suisse souhaite accéder à des images satellite de haute qualité, via une participation au nouveau système français de satellites d'observation militaire dénommé « CSO » (composante spatiale optique).

Notre partenaire a un modèle d'armée différent du nôtre : l'armée suisse est une armée de milice, où les civils sont formés pour participer à des missions militaires en complément de leur formation professionnelle. Il s'agit donc une armée de conscription, qui s'appuie sur quelque 3 000 soldats professionnels, essentiellement chargés des tâches d'instruction et d'encadrement. Chaque citoyen est astreint à un service militaire afin de réaliser, par la suite, des périodes d'instruction ; au total, les Suisses demeurent à la disposition de leur armée pendant une dizaine d'années.

La dissymétrie de nos appareils militaires n'empêche pas une coopération de qualité en raison de notre proximité géographique, axée sur l'instruction des forces et non l'interopérabilité opérationnelle comme je l'ai précédemment indiqué. La coopération est donc conçue dans le domaine de l'instruction des forces où nous profitons du savoir-faire de l'armée suisse et échangeons en retour notre expérience opérationnelle.

L'armée suisse a initié, en 2018, une réforme intitulée « DEVA » - pour développement de l'armée -, qui a pour principal objectif d'instaurer à nouveau la mobilisation générale en disposant d'un effectif réglementaire de 100 000 hommes, entièrement équipés de moyens militaires de premier plan.

À cet égard, le Conseil fédéral (équivalent du gouvernement) a lancé le programme « Air2030 » qui vise à acquérir un nouveau système de défense destiné à renouveler les capacités aériennes du pays. Ce programme repose sur trois piliers :

- le projet « C2Air » qui prévoit le remplacement du système de surveillance de l'espace aérien. Ce marché a été attribué, en septembre dernier, à Thales pour plus de 200 millions d'euros ;

- le projet « Bodluv » qui prévoit l'acquisition d'un nouveau système de défense sol-air de longue portée. Deux candidats restent en lice : d'une part le consortium Eurosam formé par le français Thales et l'italien Alenia en collaboration avec MBDA, et d'autre part l'américain Raytheon et son système Patriot ;

- et enfin le projet « PAC » qui prévoit l'acquisition d'un nouvel avion de combat. Le Rafale est toujours en lice, aux côtés de trois autres avions de combat, dont l'Eurofighter et le F-35 américain.

Le coût de ces deux derniers projets est estimé à 7,4 milliards d'euros. Le principe de renouvellement de la flotte d'avion de combat sera soumis à un scrutin référendaire en septembre prochain ; en cas de vote positif, le marché sera attribué au deuxième trimestre 2021, avant d'être soumis au vote du parlement, probablement en 2022.

S'agissant des avions de combat, l'offre qui sera remise par les industriels avant la fin de l'année devra comporter un volet de coopération, ce qui permettra aux forces suisses de collaborer avec celles du pays fournisseur. À ce titre, l'accord que nous examinons aujourd'hui peut contribuer à soutenir notre industrie de défense, dans un contexte économique rendu difficile par la crise sanitaire.

En cas de succès de l'offre française, la Suisse deviendrait alors le deuxième pays européen équipé du Rafale. Après l'acquisition de Pilatus PC-21 par l'armée de l'air française, un tel choix renforcerait davantage les liens tissés entre nos armées de l'air. En effet, les coopérations en matière d'armement tendent à générer des rapprochements opérationnels eu égard à l'utilisation de matériels communs, ce qui favorise les partages d'expérience. Ainsi, au-delà du point de vue purement militaire, la France a intérêt à développer la coopération militaire car nous espérons beaucoup des potentiels succès que représentent les prospects précipités, mais aussi tous les autres systèmes à venir, notamment dans le domaine terrestre (Caesar, véhicules blindés).

Pour conclure, ce nouvel accord répond aux intérêts de nos armées d'une plus grande coopération avec un partenaire aussi fidèle que fiable.

Je préconise donc l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. La partie suisse a quant à elle déjà notifié l'achèvement de ses procédures nationales nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord.

L'examen en séance publique est prévu le mercredi 22 juillet prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.

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