Intervention de Claire Hédon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juillet 2020 à 9h00
Audition de Mme Claire Hédon candidate proposée par le président de la république aux fonctions de défenseur des droits

Claire Hédon, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits :

Je souhaite débuter mon propos en saluant le travail effectué par Jacques Toubon et ses équipes : il a renforcé la notoriété, l'identité et le rayonnement de l'institution grâce à des positions courageuses et indépendantes. Le Président de la République m'a fait un grand honneur en me proposant.

Les missions du Défenseur des droits sont au coeur de mon engagement depuis de nombreuses années. Après des études de droit et de communication, et parallèlement à mon métier de journaliste, je me suis engagée comme bénévole à ATD Quart Monde il y a vingt-huit ans. Je préside ce mouvement depuis 2015. La vocation d'ATD Quart Monde est de mettre fin à l'extrême pauvreté en cherchant à construire une société plus juste, respectueuse des droits fondamentaux et de l'égale dignité de chaque individu. L'objectif premier est de permettre l'accès de tous aux droits de tous, que ce soit en matière de logement, d'emploi, d'accès aux soins, de culture, d'éducation de qualité, de vie de famille, de justice, etc. Pour les plus démunis, la conquête des droits est un véritable parcours du combattant, or les inégalités dans l'accès aux droits et les injustices qui en découlent fragilisent notre cohésion sociale.

Permettez-moi de citer Geneviève de Gaulle-Anthonioz, qui s'exprimait devant l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions : « Notre démocratie n'existe pas pleinement, puisqu'elle tolère des atteintes permanentes aux droits de l'homme, que ces droits sont indivisibles, qu'ils ne peuvent être attribués par morceaux. » Je me situe dans le droit fil de cet héritage.

Dans ma carrière de journaliste aussi, j'ai été confrontée à ces questions d'accès aux droits. J'ai ainsi présenté à RFI une émission sur les migrations et une autre sur la santé. J'étais au contact des auditeurs et sur le terrain, et j'ai pu voir les discriminations liées à l'origine, à l'orientation sexuelle, au handicap, etc. Il n'y a pas eu de dichotomie, mais plutôt un parallèle entre mon métier de journaliste et mon engagement de bénévole. Ce combat pour l'accès aux droits est au coeur de mon engagement. Je suis déterminée et j'ai la conviction chevillée au corps que le droit est un levier fondamental pour venir à bout des inégalités.

Face à des situations insupportables et inextricables, j'ai appris à fonctionner en équipe, en concertation, en faisant confiance à l'intelligence collective. Cette expérience m'a été utile dans ma vie professionnelle et elle me sera précieuse dans les fonctions de Défenseur des droits si vous en décidez ainsi. Il faut se mettre à la place de ceux qui saisissent le Défenseur des droits et attendent une réponse. Il faut aussi aller vers ceux qui n'osent pas saisir le Défenseur des droits. Il faut faire preuve de simplicité pour gagner la confiance et comprendre ce qui dysfonctionne.

Ma priorité est de mieux servir le citoyen en prenant en compte ses attentes. Les services publics ont besoin de regagner la confiance des Français, car les nombreux dysfonctionnements compromettent, de fait, l'accès aux droits. Cela entraîne un sentiment d'abandon, d'injustice, de découragement, d'incompréhension qui mine la cohésion sociale dont nous avons besoin. Il entraîne parfois de la violence à l'égard de ceux qui sont chargés d'appliquer le droit, qui, à leur tour, se sentent menacés, ont peur, deviennent suspicieux : s'enclenche alors un cycle infernal. Le Défenseur des droits peut contribuer à redonner confiance.

Cette institution doit défendre tous les droits : ils sont indivisibles et interdépendants. Les personnes en difficulté sont souvent confrontées à plusieurs difficultés d'accès aux droits qu'ils cumulent. Le confinement a bien montré cette imbrication : c'est, par exemple, le cas pour le droit au logement dont le non-respect peut entraîner des difficultés de scolarité pour les enfants. Il faut comprendre comment ces droits sont associés, afin d'attaquer leur méconnaissance globalement et non pas de façon morcelée. Ma priorité sera de travailler sur l'effectivité de tous les droits, qu'ils soient économiques, sociaux, culturels, mais aussi civils et politiques, sans hiérarchie entre eux.

Je souhaite améliorer la qualité de la présence et de la visibilité de l'institution sur le territoire. Face à la non-réponse, il faut rechercher des voies renouvelées de dialogue et de médiation avec les administrations. Je veillerai également aux questions d'accès aux biens et services quotidiens - logement, éducation, urbanisme, mais aussi eau, électricité et internet dont on a vu l'importance au cours de la crise sanitaire pour avoir accès à ses droits.

Je définirai mes priorités en concertation avec les équipes. Je ne vous présenterai donc pas un programme figé. La seule priorité des citoyens qui saisissent le Défenseur des droits, c'est l'objet de leur saisine. Je travaillerai à notre programme de travail en concertation avec tous les interlocuteurs - citoyens, services publics, administrations. Sur les questions de discriminations qui minent la société aujourd'hui, on observe de nombreux clivages entre des personnes qui défendent les mêmes valeurs. Il me paraît également important de construire des avis dans lesquels les solutions sont travaillées avec les administrations : il faut dialoguer pour essayer de comprendre et lever les freins. Le Défenseur des droits est certes indépendant, mais cela ne doit pas l'empêcher de travailler en bonne intelligence avec l'administration sur des objectifs communs. C'est le cas sur la question de la numérisation des démarches administratives qui constitue une très belle avancée, mais qui pose aussi de grandes difficultés à certains : les préconisations en la matière devront être construites avec l'administration. Je suis déterminée, mais aussi soucieuse d'établir un dialogue et je souhaite m'entourer d'adjoints solides travaillant dans le même esprit et en complémentarité.

Le confinement au cours de la crise de la covid-19 a été révélateur des inégalités et de l'ineffectivité des droits : il a mis en lumière certains dysfonctionnements de notre société. Il a été particulièrement difficile pour les personnes habitant des logements exigus, insalubres et en sur-occupation - quatre personnes dans 35 mètres carrés -, dans des quartiers où personne n'avait pu partir dans une résidence secondaire ; ces personnes se sont senties montrées du doigt comme ne respectant pas le confinement, alors qu'elles étaient tout simplement plus nombreuses qu'ailleurs ; elles ont connu des inégalités face à l'école, car elles ne se sentaient pas en capacité de faire du soutien scolaire ; il y a eu de belles initiatives de la part des enseignants, mais ces enfants ne sont pas revenus à l'école, car les parents ont eu peur de reconnaître qu'ils n'avaient pas réussi à assurer ce soutien scolaire. À cela se sont ajoutées une santé plus fragile, une plus grande vulnérabilité à la covid-19, des difficultés pour s'alimenter correctement, des ruptures pour faire valoir leurs droits, etc. Le confinement a montré à quel point l'accès aux droits est essentiel.

Je souhaite que le rôle des délégués territoriaux soit renforcé. Le Défenseur des droits est un observatoire très fin des difficultés rencontrées au quotidien et il doit s'appuyer sur son réseau pour être une vigie des droits. Les délégués territoriaux traitent 80 % des demandes : ils sont le pouls de la société et de ses dysfonctionnements. L'augmentation de l'activité de près de 40 % en six ans a montré l'importance de ce réseau territorial. Je souhaite m'engager avec eux pour renforcer notre présence sur le territoire auprès des personnes qui ont des difficultés d'accès à leurs droits. Tout un travail a déjà été accompli pour augmenter le nombre de délégués territoriaux et créer des chefs de pôle régionaux.

S'agissant de la protection des lanceurs d'alerte, la question de la transposition de la directive européenne est toujours en cours et se pose aussi celle des moyens affectés au Défenseur des droits pour assurer cette transposition.

Pourquoi les avis du Défenseur des droits sont-ils suivis, ou pas ? Comment faire pour qu'ils soient suivis ? Garantir l'accès aux droits est un moyen de lutter contre les inégalités et de redonner confiance dans la société.

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