Je souhaite d'abord rappeler le contexte et l'environnement géographique de la Polynésie française qui bénéficie d'un statut d'autonomie élargie. La Polynésie française est un territoire aussi large que l'Europe : 74 de ses îles sont habitées, 47 ont un aérodrome et elles abritent 280 000 habitants environ. Nous disposons d'un aéroport international et de trois entrées maritimes. Neuf compagnies aériennes desservent la destination. En 2019, le tourisme en Polynésie française a dépassé ses objectifs, grâce notamment à l'arrivée de deux nouvelles compagnies aériennes : French Bee, au départ d'Orly, et United Airlines, au départ de San Francisco. L'an dernier, la Polynésie a accueilli 299 518 visiteurs, dont 236 000 touristes environ, soit un ratio de 0,8 % de touriste par habitant. Le tourisme représente entre 65 et 69 milliards de francs Pacifique, soit entre 541 et 575 millions d'euros, 19 % de notre PIB, 12 000 emplois sur 68 000 actifs et un impact sur l'économie pouvant toucher jusqu'à 50 % des autres secteurs (pêche, agriculture, bâtiment, nautisme, concessions automobiles). Au vu de la croissance que nous avons connue dans le tourisme depuis 2018, de nombreux acteurs ont commencé à investir dans des rénovations, renouvellements de flottes de véhicules, etc.
Le 25 janvier, nous avons alerté le gouvernement polynésien de cette épidémie sur le marché asiatique. En février, nous avons mené avec le ministère de la santé diverses réunions de crises quotidiennes pour gérer et prévenir l'entrée du virus sur le territoire. Notre premier cas a été détecté le 6 mars. Le 11 mars, nous avons annoncé l'arrêt total de l'activité de croisières en Polynésie française puis, le 18 mars, la fermeture de nos frontières, le 20 mars, le confinement général. Le 28 mars a été la date du dernier vol commercial. Nous avons, sur cette période, rapatrié 3 500 touristes le plus rapidement possible, pour leur éviter d'être bloqués dans notre collectivité. La première quinzaine d'avril a été consacrée à l'inauguration du dispositif d'aide ainsi que du Plan de relance évalué à 30 milliards de francs Pacifique, soit 250 millions d'euros. La deuxième quinzaine d'avril a été marquée par l'accompagnement de toute l'industrie par le ministère et ses organismes (Tahiti Tourisme, le service du tourisme). Nous avons organisé plus de 300 visioconférences avec les acteurs de l'industrie, selon des thématiques précises, par filière et par archipel. La première quinzaine de mai a été consacrée à la mise en place de deux grands groupes stratégiques pour la reprise du tourisme domestique et la reprise du tourisme international. Le 20 mai, le Haut-Commissaire ainsi que le président ont annoncé le déconfinement de la Polynésie française, pour un premier vol le 22 mai. À la fin du confinement, la Polynésie française comptait 60 cas avérés, dont une majorité importée par des résidents. Nous n'avons déploré aucun mort, ce qui reflète la bonne gestion de notre ministre de la Santé ainsi que le respect des gestes barrières par la population. Nous n'avons pas bénéficié d'exonérations mais de reports. Nous évaluons la perte fiscale, sur notre budget 2020, à environ 40 milliards de francs, soit 333 millions d'euros. À la fin du confinement, deux hôtels ont annoncé leur fermeture. Le président et le Haut-Commissaire ont annoncé, le 1er juin dernier, la reprise des vols commerciaux entre Papeete et Paris à partir du 3 juillet, soit à la fin des vols de continuité. Nous avons annoncé la reprise de l'activité du tourisme et l'ouverture de nos frontières à compter du 15 juillet. Nous bénéficions du fonds de solidarité et du PGE. Nous étudions également l'option du portage pour certaines de nos grandes entreprises qui sont aujourd'hui en danger. Notre gouvernement et notre président demandent notamment l'accompagnement de la collectivité, car nous avons déjà mobilisé tout notre budget pour sauver l'économie, les emplois et les compétences en Polynésie française. La demande d'emprunt atteint 55 milliards de francs, soit 458 millions d'euros. Nous attendons toujours une réponse de la part de l'État sur ce point. Cette situation nous a également conduits à réfléchir à une caisse de chômage, toujours à l'étude.
S'agissant des conditions d'entrée sur le territoire, nous exigeons un test RT-PCR négatif de SARS-COV-2 72 heures avant le départ, aux frais du passager, qui ne peut embarquer si le test est positif. Nous exigeons également qu'il ait une assurance voyage, afin de prendre en charge les dépenses sanitaires éventuelles s'il contractait le virus en Polynésie française. De plus, le voyageur doit remplir un formulaire sanitaire par lequel il s'engage à respecter ces règles sanitaires. Durant le vol, les règles sanitaires s'appliquent. À l'arrivée à destination, le port du masque est recommandé à partir de 11 ans et le respect des gestes barrières est constamment rappelé. Durant le séjour, des tests sont réalisés. Des visites de personnel médical habilité par la santé publique au sein des hébergements peuvent être déclenchées. Nous déployons un programme de communication à destination de la population locale mais également des visiteurs. Ces derniers sont par ailleurs invités à réaliser leur autodiagnostic et à se signaler en cas de fièvre. Nous avons également prévu des protocoles et une procédure pour exfiltrer le visiteur malade. Nous travaillons actuellement sur la question de l'isolement dans un lieu dédié.
À partir de juillet, les compagnies françaises Air Tahiti Nui, French Bee et Air France reprendront leur activité, United Airlines à partir d'août, tandis qu'Air New Zealand attend le feu vert du gouvernement. Nous sommes en négociation avec Hawaii, qui a sollicité la création d'une « bulle » avec la Polynésie française. Air Tahiti, qui dessert les îles Cook, ne reprend pas pour l'instant la desserte.
Concernant la création de « bulles » régionales, nous sommes membres de l'organisation régionale du tourisme dans le Pacifique (SPTO). Nous avons eu des discussions informelles avec certains membres de l'organisation. L'État de Hawaii, les îles Cook et l'île de Pâques ont sollicité la création de bulles avec la Polynésie française. Nous savons tous que cette solution ne sera pas fiable pour notre économie mais si nous allons dans ce sens, la condition que nous porterons sera l'ouverture à des marchés à risque que sont les États-Unis, la France et le reste de l'Europe.
Nous avons initié en septembre dernier l'élaboration de notre nouvelle stratégie de développement touristique. Elle se veut une stratégie de tourisme inclusif et durable. Nous y inclurons, en concertation avec toute la population par filière, archipel, île et à terme, la nécessité de revoir toute l'économie de la Polynésie française, dont le tourisme occupe une part importante. En ce qui concerne les infrastructures, la Polynésie française compte 45 établissements hôteliers pour 2 677 unités. 19 sont des quatre à cinq étoiles, avec 1 792 unités. Nous comptons également 284 pensions de familles, pour 1 373 unités, et 403 meublés du tourisme. Les taux d'occupation, en 2019, étaient compris entre 69 % et 80 %. Nous avons également trois navires de croisière en tête de ligne et comptons environ 220 navires de charter, pour une capacité d'environ 500 unités.
Nous souhaitons pouvoir différencier la situation des collectivités d'outre-mer de celle de la métropole. Certains marchés nous classifient en effet toujours au même niveau en termes de risque, comme le Japon ou l'Allemagne, alors que nous ne comptons plus de cas positifs. À partir du 15 juillet, nous n'imposerons pas de quatorzaine ou de septaine en Polynésie française.