Le tourisme qui représente 5 300 emplois directs en Nouvelle-Calédonie a généré plus de 276 millions d'euros de recettes l'année dernière. 130 000 visiteurs étaient décomptés en 2019, ainsi que 340 000 croisiéristes. Le Covid-19 a mis un terme brutal à six années de croissance du secteur, à raison d'une progression de fréquentation de 21 %. Nous avons mis en place un confinement strict de mi-mars à mi-avril, avec des limitations drastiques aux frontières. Ces mesures ont évité toute propagation du virus, et nous avons recensé 21 cas seulement et aucun décès. À partir du 20 avril, nous avons ainsi mis en place un déconfinement progressif, en maintenant la fermeture des frontières et en assurant une quatorzaine en hôtels réquisitionnés, suivie d'une septaine à domicile levée la semaine dernière.
Nous avons ainsi subi un arrêt complet de l'économie pendant le confinement, et une reprise variable depuis avril. Deux typologies d'acteurs sont impactées. D'une part, les acteurs touristiques en dehors de Nouméa ont enregistré une importante reprise de leur activité depuis le déconfinement, à la suite d'une campagne d'envergure pour relancer le tourisme domestique et sauvegarder rapidement le tissu touristique. Avec les ponts du mois de mai et les vacances scolaires de juin, les hébergements affichent complet. Le challenge est de remplir la semaine, puisqu'habituellement, les établissements en brousse sont fréquentés par la clientèle métropolitaine ou étrangère. D'autre part, les acteurs positionnés sur le tourisme international et les croisières sont à l'arrêt. L'impact est notamment important pour l'hôtellerie de Nouméa, qui enregistre une baisse d'activité de 80 à 90 %. Environ 20 à 30 % de la restauration est également impacté. Aircalin, notre compagnie aérienne, est également gravement affectée, puisqu'elle n'effectue plus que des vols de rapatriement ou de fret. Nos agences réceptives, l'aéroport, les agences de voyage, les transporteurs terrestres, les excursionnistes et les organisateurs d'événement sont également lourdement impactés. Le tourisme international générait, en 2019, 26 milliards de francs Pacifique. La perte, de mars à décembre 2020, est estimée à environ 24 à 25 milliards de francs. Si la réouverture des frontières tarde, l'activité du tourisme international a peu de chance de reprendre avant l'automne. Les structures qui vivent du tourisme international et des croisières, pour beaucoup, ne sauront résister sans des aides massives.
Plusieurs dispositifs de soutien d'urgence ont en outre été mis en place. Les opérateurs touristiques remercient à cet égard l'État et les collectivités de Nouvelle-Calédonie. Le fonds de solidarité pour les petites entreprises touristiques a aidé au maintien de la trésorerie. Pour les entreprises toujours à l'arrêt, en revanche, il est nécessaire de le maintenir dans la durée. Certaines entreprises touristiques ont également obtenu le prêt garanti par l'État (PGE), parfois au prix de certaines difficultés avec les banques locales. Le PGE saison, proposé dans le plan de relance tourisme France, est plébiscité par les opérateurs touristiques. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et les collectivités provinciales ont également mis en place un certain nombre de mesures, notamment un chômage partiel spécial qui a été renouvelé pour trois mois, renouvelables encore une fois. Il est en outre demandé une exemption des charges sociales et fiscales plutôt qu'un report, qui ne résoudra pas le problème. Ces aides ont permis d'apporter des solutions d'urgence, mais nous savons que la crise a vocation à durer, avec des répercussions comptables pour les années à venir.
Concernant le redémarrage de l'activité, nous avons lancé un plan de relance d'envergure pour relancer le tourisme domestique, qui s'avère être efficace pour les entreprises extérieures à Nouméa. Compte tenu de son statut particulier, la Nouvelle-Calédonie souhaiterait savoir comment bénéficier du plan de relance du tourisme présenté par le Gouvernement le 14 mai. Elle a été contactée par Atout France pour être partenaire de la campagne « Je visite la France », mais ne peut y répondre à l'heure actuelle, compte tenu du maintien de la quatorzaine. Il serait en revanche souhaitable que l'État l'accompagne pour ses futures campagnes de relance sur ses quatre marchés émetteurs que sont l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et la France. Le plan de relance proposait en outre un certain nombre de mesures. Nous souhaiterions pouvoir bénéficier de certaines d'entre elles, notamment le fonds de solidarité, le prêt garanti par l'État, l'exonération de la contribution foncière, le report des échéances de crédit, le prêt Bpifrance, le prêt de la Caisse des dépôts et de consignation, etc. Nous souhaitons également savoir comment l'État peut aider la sauvegarde de notre compagnie aérienne locale, Air Calédonie International, qui connaît des pertes considérables. Lors de la reprise, la fréquentation sera progressive. Or en deçà d'un certain taux de remplissage des avions, le vol est déficitaire. De nombreuses personnes sont aujourd'hui au chômage partiel. Le secteur de la croisière est lui aussi gravement impacté.
S'agissant de nos propositions pour la reprise, il s'agit de sauvegarder le tissu économique touristique et de réfléchir à de nouvelles mesures d'aides pour renforcer le dispositif actuel, de sauver notre compagnie aérienne, de lever la quatorzaine (sans quoi il n'est pas possible d'envisager une reprise du tourisme international), de travailler sur la confiance des populations pour les encourager à s'approprier leur tourisme et les rassurer quant aux capacités sanitaires locales pour gérer le virus, et enfin de s'intégrer dans la bulle de voyage Transpacifique entre l'Australie, la Nouvelle-Zélande et certaines destinations du Pacifique.
Cette crise est l'occasion de faire évoluer le modèle du tourisme ultramarin de demain et de prendre en compte les grands enjeux dans son développement, notamment la prise de conscience environnementale et la recherche de sens dans les voyages. Celles-ci sont déjà dans l'ADN de la Nouvelle-Calédonie, qui bénéficie d'une biodiversité exceptionnelle, d'une faible densité de la population, d'expériences en tribu, etc. Il est cependant nécessaire de renforcer et de structurer cette offre durable et de mettre en place une véritable politique de développement touristique durable, avec une feuille de route très claire et des aides à l'investissement, sur la base de critères de développement durable. Nous travaillons dans le sens d'un tourisme qualitatif et exclusif, et ne recherchons pas l'accroissement absolu du nombre de visiteurs, mais plutôt celui de la durée de séjour et des recettes générées dans l'économie locale.
S'agissant des croisières, nous avons accueilli 340 000 croisiéristes l'an dernier. Nous allons repenser l'activité en privilégiant des activités de navigation moins importantes, et éventuellement une tête de ligne à Nouméa.
En termes de commercialisation, nous souhaiterions expérimenter un nouveau modèle pour faciliter les circuits courts et éviter des intermédiaires qui perçoivent des commissions très élevées. Nous avons pour cela besoin d'un accompagnement, afin d'investir dans des solutions de commercialisation en ligne.