Intervention de Michel Magras

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 juillet 2020 : 1ère réunion
Les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020 — Présentation du rapport

Photo de Michel MagrasMichel Magras, président :

Mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les conclusions de nos rapporteurs Vivette Lopez, Gilbert Roger et Dominique Théophile sur les enjeux financiers et fiscaux européens de l'année 2020 pour les outre-mer.

Je vous rappelle que lors de sa réunion du 17 octobre 2019, la délégation avait inscrit cette étude à son programme de travail de la session 2019-2020. Nous avons malheureusement dû suspendre l'examen de ce rapport, prévu début avril, en raison du confinement puis de l'achèvement de l'étude sur l'urgence économique outre-mer qui nous a très fortement mobilisés jusqu'à la semaine dernière.

Je précise également que la présente réunion est un peu particulière car non seulement elle se tient en visioconférence comme celle de la semaine dernière mais qu'elle fait en outre l'objet d'une dérogation à titre exceptionnel. Depuis le 10 juillet, les réunions des délégations et des commissions du Sénat se tiennent en effet à nouveau en présentiel.

Je précise encore que si l'adoption du présent rapport devait faire l'objet d'un vote à la demande de l'un ou de plusieurs d'entre vous, il faudrait organiser une réunion de la délégation au Sénat pour pouvoir l'adopter. J'espère toutefois que compte tenu de la qualité du travail de nos rapporteurs, leur rapport recueillera votre accord.

Je tiens donc à remercier très vivement nos trois rapporteurs pour leur patience et pour leur investissement sur des sujets complexes et évolutifs. En tout état de cause, nous avons aussi dû prendre en compte les bouleversements induits par la crise du Covid-19 sur les problématiques analysées dans le cadre de ce rapport et le défi gigantesque que représente la question de la relance économique pour l'Europe.

Pour mémoire, plusieurs préoccupations nous ont guidés dans le choix de ce rapport.

Le premier enjeu est d'ordre financier, avec la négociation toujours en cours sur le futur cadre financier pluriannuel pour 2021- 2027. Les outre-mer sont directement concernés par le niveau des fonds structurels bénéficiant aux RUP et par la « budgétisation du FED », c'est-à-dire l'intégration au cadre financier pluriannuel d'un fonds de développement qui fonctionnait jusqu'ici de manière autonome, sur les contributions volontaires des États membres.

Le second enjeu est fiscal car deux dispositifs dérogatoires des départements d'outre-mer arrivent à échéance au 31 décembre 2020, à savoir le dispositif d'octroi de mer et celui de la taxation du rhum.

Enfin, la sortie du Royaume-Uni a non seulement fait perdre des recettes dont des politiques importantes pour les outre-mer comme « la cohésion » risquent de pâtir mais fait en outre peser de fortes interrogations sur le niveau des fonds qui seront dédiés à l'avenir aux PTOM dont la moitié d'entre eux étaient britanniques.

Je voudrais vous livrer, à présent, quelques éléments qui témoignent du sérieux du travail de nos rapporteurs. Pour le présent rapport, comme à l'accoutumée, les rapporteurs ont procédé à de nombreuses auditions dont les quelque 150 pages de comptes rendus seront annexées au rapport.

La délégation a organisé, entre le 16 janvier et le 5 mars, 8 auditions - dont 3 en visioconférences - (avec la Guadeloupe, La Réunion et la Nouvelle-Calédonie, et ceci avant le confinement) - et 1 déplacement à Bruxelles, soit un total de 17 heures de réunion et 40 personnes auditionnées.

Le déplacement à Bruxelles, le 23 janvier, a été particulièrement riche puisqu'il nous a permis d'entendre en une seule journée une vingtaine d'interlocuteurs : à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, l'ambassadeur M. Philippe Léglise-Costa et son équipe ; au Parlement européen, M. Younous Omarjee, président de la Commission du développement régional ; les membres des Bureaux de la représentation de la Guyane et de la Guadeloupe ; le président du Comité exécutif de l'Association des pays et territoires d'outre-mer de l'Union européenne (OCTA) ; une conseillère de Mme Elisa Ferreira, la Commissaire européenne à la cohésion et aux réformes ; enfin, plusieurs hauts fonctionnaires de la Direction générale de la fiscalité et des douanes (DG Taxud), de la Direction générale de l'agriculture et du développement rural (DG Agri), et de la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche (DG Mare).

Mes chers collègues, ce travail devait être réalisé au cours de cette session car l'année 2020 va être une année cruciale pour l'Europe et les outre-mer.

Nous sommes en effet à la veille de décisions majeures. Comme vous les savez, une réunion très importante du Conseil européen se tiendra demain et après-demain les 17 et 18 juillet, qui doit se prononcer sur les nouvelles propositions du président Charles Michel, dévoilées la semaine dernière et qui constituent la nouvelle « boîte de négociations » selon la terminologie européenne.

Sans empiéter sur le travail de nos rapporteurs, je rappelle que ces dossiers représentent des volumes financiers considérables. Si le cadre financier pluriannuel européen porte déjà sur un montant de plus de 1 000 milliards d'euros, l'instrument de relance pourrait s'élever quant à lui à 750 milliards d'euros, répartis entre 500 milliards de subventions et 250 milliards d'euros de prêts. La question du financement de ces montants financiers est donc un sujet majeur pour les responsables politiques comme pour les citoyens. Se pose ensuite naturellement la problématique de leur répartition. Nous avons voulu comprendre comment la France portait la voix des outre-mer et comment rendre « ce portage » plus efficace.

Au Sénat, nous avons noté que les commissions des affaires européennes et des finances sont très mobilisées sur ces dossiers et qu'elles viennent d'ailleurs de publier leurs recommandations qui mentionnent les RUP.

En cohérence avec nos collègues des commissions et en tenant compte des évolutions récentes, je pense que notre travail vient compléter le leur et sera utile au cours du second semestre 2020 pour mieux faire comprendre l'ensemble de nos sujets de préoccupations. Ce rapport vise un triple objectif :

Premièrement, il souligne la nécessité de pérenniser les dispositifs fiscaux concernant les outre-mer compte tenu notamment de la profonde crise économique et financière que traversent nos collectivités et que le rapport de nos collègues Stéphane Artano, Viviane Artigalas et Nassimah Dindar a parfaitement analysé ; bien entendu, ceci m'empêche pas de leur apporter des aménagements pour rendre ces systèmes plus justes et transparents ;

Deuxièmement, il permet d'interpeller le Gouvernement et les institutions européennes sur la défense des intérêts des outre-mer dans les négociations du cadre financier pluriannuel et l'initiative de relance ;

Enfin, il tend à valoriser le rôle du Sénat dans ces négociations, comme soutien constructif et vigilant des positions de la France.

Vous l'aurez compris, à travers cette étude, la Délégation compte porter un regard vigilant et constructif sur les négociations en cours qui auront un impact direct et durable sur nos territoires.

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