Monsieur le Président, chers rapporteurs, chers collègues. Vivette Lopez vient de le rappeler, les enjeux financiers pour les outre-mer en 2020 sont majeurs. Les enjeux fiscaux le sont tout autant puisque deux autorisations européennes de dispositifs fiscaux spécifiques arrivent à échéance au 31 décembre 2020. Il s'agit des différentiels de taux d'octroi de mer et de l'aide fiscale au rhum.
L'enjeu est clair : il faut obtenir la reconduction de ces dispositifs et en simplifier les procédures. Il convient également de proposer des pistes d'amélioration du régime de l'octroi de mer pour montrer que nous ne sommes pas figés et qu'au plan national des ajustements sont possibles pour rendre le dispositif plus transparent et juste.
Je commencerai par l'octroi de mer et par la reconduction de l'autorisation des différentiels de taux. Vous le savez, l'octroi de mer est une des taxes les plus anciennes du système fiscal français. Elle vise à soutenir la production locale et à financer les budgets des DROM. L'octroi de mer n'est pas, en soi, un régime d'aide d'État. C'est l'existence de différentiels de taux d'octroi de mer entre produits locaux et produits importés qui contrevient aux règles du droit de la concurrence de l'UE. L'article 349 du TFUE, qui reconnaît l'existence de handicaps structurels dans les RUP, a cependant permis d'autoriser ces différentiels. La décision du Conseil du 17 décembre 2014, qui prévoit cette autorisation, arrive néanmoins à échéance le 31 décembre 2020.
Pour décider de la reconduction ou non du dispositif, la Commission européenne a commandé des études pour évaluer l'efficacité des différentiels dans le soutien à la production locale. Des rapports d'étape des autorités françaises à la Commission européenne ainsi qu'un rapport de la Commission européenne en 2018 ont démontré le bénéfice avéré de ces différentiels pour le développement de la production locale. Ces études ont montré que ce dispositif compense strictement les surcoûts que connaissent les entreprises ultramarines et qu'il contribue à aider au développement de nouvelles filières en outre-mer.
Les différentiels d'octroi de mer sont indispensables au développement sinon à la survie de la production locale dans les DROM. Il est aujourd'hui urgent de clarifier les positions de la France sur la reconduction du dispositif, alors que plusieurs rapports semblent actuellement remettre en cause le régime même de l'octroi de mer. La France doit demander aux instances européennes et obtenir la reconduction du dispositif dérogatoire de différentiels de taux d'octroi de mer. Par ailleurs, la procédure d'actualisation de la liste européenne des produits pouvant bénéficier d'une exonération d'octroi de mer est aujourd'hui trop longue. Elle peut prendre jusqu'à deux ans et demi. Il conviendrait de permettre une révision annuelle de la liste des produits bénéficiant d'une exonération d'octroi de mer.
Le régime d'octroi de mer n'est pas pour autant exempt de critiques. Plus que son impact sur le renchérissement des prix, c'est son manque de visibilité et de lisibilité qui posent question. Or on peut rendre davantage transparents les taux et libellés d'octroi de mer, par exemple via le développement d'une application pour smartphone permettant d'afficher ces informations. Par ailleurs, on constate de grandes amplitudes de taux d'octroi de mer entre territoires géographiquement proches, notamment aux Antilles. Cette situation peut créer des logiques de contournement dommageables à la fois pour les consommateurs et pour les producteurs. Il conviendrait, dès lors d'harmoniser autant que possible les grilles de taux entre territoires géographiquement proches.
Enfin, l'abaissement du seuil d'assujettissement à l'octroi de mer à 300 000 euros par la loi du 29 juin 2015 (contre 550 000 euros auparavant) ne s'est pas traduit par une augmentation notable des recettes des collectivités. Au contraire, cette réduction a eu pour conséquence d'alourdir fortement les charges financières des entreprises. Il faut donc revenir au seuil d'assujettissement de l'octroi de mer à 550 000 euros. Enfin, il conviendrait d'abaisser le taux d'octroi de mer applicable aux produits importés pour lesquels il n'existe pas d'équivalent dans la production locale.
J'en viens maintenant à l'aide fiscale au rhum. Vous le savez, compte tenu de l'étroitesse des marchés locaux, les distilleries des DROM ne peuvent développer leurs activités que si elles bénéficient d'un accès suffisant au marché hexagonal qui constitue le débouché essentiel de leur production. Le rhum « traditionnel » rencontre des difficultés pour être compétitif vis à vis des autres alcools du fait de coûts de production plus élevés et de taxes par bouteilles plus importants.
Ces difficultés spécifiques ont conduit l'Union européenne à autoriser d'appliquer au rhum traditionnel produit en Guadeloupe, en Guyane française, en Martinique et à La Réunion et vendu dans l'Hexagone un taux d'accises réduit. Ce taux réduit d'accises s'applique depuis une décision du Conseil de 2017 dans la limite d'un contingent annuel de 144 000 hectolitres d'alcool pur. Comme pour l'octroi de mer, cette dérogation prend fin au 31 janvier 2020. Des études ont été également commandées par la Commission pour évaluer l'efficacité du dispositif.
L'aide fiscale au rhum constitue un outil indispensable pour la sauvegarde de la production de rhum dans les DROM. Elle contribue au maintien de la filière canne-sucre-rhum, dont l'importance économique et sociale est majeure dans ces territoires pour l'emploi (près de 40 000 emplois directs et indirects). La France doit donc demander auprès des instances européennes la reconduction de l'aide fiscale au rhum. Il faut également proposer de simplifier la procédure de réévaluation du contingent annuel pour s'adapter plus rapidement aux évolutions du marché.
Des pistes d'amélioration peuvent également être suggérées pour soutenir davantage la production de rhum en outre-mer. Ainsi, il convient de garantir une meilleure visibilité des origines du rhum produit en outre-mer par le biais d'un affichage adapté (proposition 18). La reconnaissance de la production de rhum comme secteur économique d'avenir et élément du patrimoine national doit également être davantage affirmé, au même titre que la production viticole dans l'hexagone.