Je vous remercie pour ce rapport, qui est important. Je vous présente mes excuses de n'avoir pu y participer plus amplement. Mes remarques arrivent donc un peu tard. Puisqu'il s'agit d'un panorama général sur la fiscalité, la sixième directive sur la TVA mérite d'être interrogée. Il y a là un pan qui n'est pas évoqué dans le rapport à mon sens. Dans nos territoires, un débat est ouvert sur le champ douanier, certains territoires souhaitant en effet disposer d'une partie de la compétence dans ce domaine. En termes de droit interne français, nous sommes en effet considérés comme des territoires d'exportation, d'où des régimes de TVA particuliers. Par ailleurs, les droits d'accises réduits ne concernent pas seulement le rhum mais aussi le tabac, les allumettes ou encore le carburant. À mon sens, ces enjeux fiscaux et douaniers doivent être analysés. Il faudrait évoquer ces sujets - sans nécessairement les approfondir - dans le rapport.
S'agissant de l'octroi de mer, je suis d'accord avec notre rapporteur Dominique Théophile. Pour l'instant, il n'y a pas de solution alternative. Mais la chose évolue à Bruxelles, dans les cabinets d'étude et parmi les socioprofessionnels. Il faut nous y préparer. La réponse qui consiste à dire qu'il n'y a rien de mieux pour l'instant n'est pas une réponse tout à fait satisfaisante. Vous savez que les régions présentent des rapports chaque année sur l'évaluation de l'octroi de mer. La région Guadeloupe est en retard. Elle a présenté trois rapports d'un seul coup : 2016, 2017, 2018. Dans ces rapports, il n'y a aucun élément justifiant le maintien de l'octroi de mer et démontrant sa pertinence sur les objectifs qui lui sont assignés (protéger les productions locales, développer des filières, ne pas être générateur d'inflation). Le dispositif mis en place est le différentiel de taxation d'octroi de mer, avec des listes A, B, C et une nomenclature douanière qui est devenue une sorte de forêt impénétrable puisqu'on est passé en NC8 (nomenclature à 8 chiffres). Tout cela est compliqué et illisible.
Le cabinet Ferdi ainsi que la Chambre régionale des comptes de Guadeloupe dans un rapport qui n'est pas officiel (mais pourtant déjà accessible en région) proposent de remplacer l'octroi de mer par une TVA régionale. Cette TVA serait régionale au sens où elle ne serait pas aux mains de l'État. Les taux seraient maîtrisés par la région mais avec les avantages de la TVA, à savoir son mécanisme de déduction spécifique. Aujourd'hui, l'octroi de mer est une usine à gaz et ne profite qu'aux grosses entreprises comme EDF ou la Compagnie de transport maritime (CTM) en Guadeloupe. Il y a aujourd'hui un refus voire un déni d'examen et d'analyse. Nous devons avoir le courage d'approfondir la question en veillant à maintenir l'autonomie fiscale. Si nous avons la maîtrise de l'assiette, celle des taux et de la différenciation ainsi que celle du mécanisme de déduction, cette solution sera préférable au dispositif actuel de l'octroi de mer. Elle continuera par ailleurs à garantir un rendement fiscal assurant l'autonomie des collectivités. Il sera intéressant de lire les conclusions de l'étude du cabinet Economisti Associati commandée par la Commission européenne et les pistes tracées par le cabinet Louis Lengrand, le cabinet Ferdi, par le rapport de la CNEPEOM ainsi que par le Conseil constitutionnel sont très intéressantes.
Ce rapport ne s'y prête probablement pas mais nous avons le devoir de répondre aux arguments théoriques et aux études économétriques tirées de modèles de simulation faits par Bercy. Pour le moment, les réponses des rapports des régions et des cabinets privés ne sont pas crédibles. Je rappelle ceci pour que nous ne nous retrouvions pas à court d'arguments lorsque le cabinet Economisti Associati remettra son rapport et que Bruxelles s'emparera du sujet. Bercy lorgne également sur ces 1,3 milliard d'euros d'octroi de mer puisqu'il s'agit aussi d'un impôt de rendement, quoiqu'on en dise.
J'en termine avec les propositions de modernisation de l'octroi de mer. Si nous gardons l'octroi de mer, il faut le simplifier, le rendre plus transparent. Il faut davantage associer les communes à la fixation des taux. Ce n'est pas normal qu'il y ait une tutelle des régions exercée sur les communes. Il y a des exonérations décidées par les régions à l'insu des communes ; celles-ci sont souvent prélevées sur l'enveloppe réservée aux communes, c'est-à-dire sur la Dotation globale garantie (DGG). Il faut mieux associer les maires pour qu'il y ait une véritable démocratie fiscale. La région ne peut pas décider seule de diminuer l'enveloppe réservée en faveur des communes. Il faut associer les communes en amont aux critères de répartition. Il faut combattre cette opacité. Lorsque j'étais président de la région Guadeloupe, nous avons fait une exonération de 6 millions pour EDF, qui a été prise sur l'enveloppe communale et donc au détriment des communes.
J'ai entendu notre rapporteur dire que l'octroi de mer régional n'était pas une aide d'État. Ce n'est pas tout à fait juste en droit fiscal. Lorsque vous avez des exonérations qui dépassent 500 000 euros, c'est une aide d'État à finalité régionale. Cela ne peut pas être affiché et ne peut pas être rendu public puisque les services de la douane ne peuvent communiquer nominativement le nom des entreprises bénéficiaires. Or, la région est responsable pénalement alors qu'elle n'a pas l'information. Il y a là une amélioration à faire pour que la région ne soit pas condamnée à des amendes.
Enfin, je finirai sur les moyens dont nos régions doivent se doter pour vérifier la pertinence de nos dispositifs fiscaux. Il faut mettre en place un observatoire des finances et de la fiscalité locale de nos régions. Nos territoires ne se sont pas donné les moyens (à part peut-être la Martinique) en termes d'agences, de fonctionnaires, de statisticiens, ou de modèle de simulation économique, pour vérifier la pertinence de l'octroi de mer. L'octroi de mer doit répondre à son objet tel qu'il a été défini depuis longtemps et modifié et modernisé en 2004, 2010 et 2015.
Il y a donc des pistes pour préserver nos rendements, développer nos économies, moderniser le paysage fiscal par rapport à l'Union européenne et peut être pour étendre l'analyse à la question douanière.