Intervention de André Reichardt

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 juillet 2020 à 8h45
Responsabilité civile — Examen du rapport d'information

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Le droit de la responsabilité civile, c'est-à-dire la possibilité pour une personne qui a subi un dommage d'en obtenir réparation auprès de son auteur ou de la personne qui en répond, repose sur cinq articles du code civil inchangés depuis 1804. Ce régime, enrichi par plus de deux siècles de jurisprudence des juridictions judiciaires et, notamment, de solutions prétoriennes de la Cour de cassation, a connu des changements profonds destinés à mieux assurer la réparation des victimes de dommages. Il en résulte un corpus de règles écrites qui ne reflète plus, aujourd'hui, la réalité de la responsabilité civile organisée par le droit français.

Ce constat, largement partagé, est à l'origine d'intenses réflexions engagées depuis les années 2000. En 2005, un premier groupe de travail, dirigé par Pierre Catala et Geneviève Viney, a remis au garde des sceaux un projet de réforme des obligations et de la prescription, dit « avant-projet Catala ». Un autre projet, dit « avant-projet Terré », a été élaboré en 2008 par un groupe de travail constitué au sein de l'Académie des sciences morales et politiques, sous la direction de François Terré. S'inscrivant dans le sillage de ces réflexions, le Sénat a proposé dès juillet 2009, sur le rapport des sénateurs Alain Anziani et Laurent Béteille, 28 recommandations pour une réforme de la responsabilité civile, reprises dans une proposition de loi déposée en 2010 par Laurent Béteille. Ce n'est pourtant que le 13 mars 2017 que la Chancellerie a présenté son projet de réforme de la responsabilité civile, après une consultation publique menée d'avril à juillet 2016 sur un avant-projet.

Désireuse que le Parlement puisse se saisir rapidement de ce projet de réforme, la commission des lois a créé en novembre 2017 une mission d'information sur ce sujet, afin de préparer la discussion parlementaire et de marquer ses choix d'évolution. Cette mission a été confiée à un binôme de rapporteurs, Jacques Bigot, et François Pillet auquel j'ai succédé comme co-rapporteur en février 2019, à sa nomination comme membre du Conseil constitutionnel.

Après avoir entendu 77 personnes (ministère de la justice, magistrats, universitaires, représentants d'avocats, d'acteurs du monde d'économique et d'associations de victimes ou de consommateurs), et reçu près de 50 contributions écrites dans le cadre de nos travaux, nous faisons le constat de la nécessité de faire aboutir une réforme du droit de la responsabilité civile attendue et utile. Nous avons fait le choix de dégager les axes les plus consensuels de la réforme qui pourraient être inscrits rapidement au sein du code civil, grâce au dépôt et à l'examen d'une proposition de loi sénatoriale.

À cette fin, il a semblé nécessaire d'exclure certaines modifications, ni urgentes ni abouties, mais de nature à bloquer l'aboutissement du projet : la création d'une amende civile ; la reconnaissance d'une responsabilité « collective » en cas d'impossibilité de déterminer l'auteur d'un dommage parmi un groupe de personnes ; la définition spécifique de la faute des personnes morales. De même, la réécriture de certains régimes spéciaux suscite des oppositions marquées au regard de leurs incidences économiques dans les secteurs d'activité concernés. C'est pourquoi nous n'évoquerons pas dans notre rapport l'extension du champ de la loi Badinter à tous les accidents impliquant un chemin de fer ou un tramway circulant sur une voie propre, qui pourrait avoir des implications financières importantes pour les gestionnaires de réseaux de transports publics, ni la modification du régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux, contestée tant par les acteurs économiques au nom de la défense de la compétitivité que les associations de victimes et certains professeurs de droit qui souhaiteraient au contraire aller plus loin. Enfin, nous ne reviendrons pas non plus sur les dispositions relatives à la réparation du préjudice écologique, issues de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, déjà inscrites aux articles 1246 à 1252 du code civil que le projet de la Chancellerie se contentait de renuméroter.

Nous avons fait le choix de concentrer nos travaux sur les lignes de force de la réforme, qui s'articulent autour de deux grands principes : garantir l'accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile et une meilleure cohérence dans le traitement des victimes.

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