Intervention de Jacques Bigot

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 juillet 2020 à 8h45
Responsabilité civile — Examen du rapport d'information

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Monsieur le président, vous nous avez confié cette mission en octobre 2017 afin de travailler sur l'avant-projet de loi de la Chancellerie, convaincu qu'après 10 ans de réflexion nous aboutirions très vite à un débat au Parlement. Au début de nos travaux, après avoir auditionné le directeur des affaires civiles et du sceau, nous avons cru que cette réforme avancerait rapidement mais il n'en a rien été. C'est la raison pour laquelle nous préconisons le dépôt d'une proposition de loi reprenant le projet de la Chancellerie, en l'amendant et en écartant ce qui fait débat. Nous répondrions ainsi à une attente importante. Je demanderai au garde des sceaux, que la commission des lois auditionne tout à l'heure, s'il envisage de faire de cette réforme une de ses priorités.

Nous proposons tout d'abord de stabiliser la situation du tiers qui subit un préjudice causé par l'inexécution d'un contrat. Il pourrait, à titre subsidiaire, s'il a un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat, demander réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle en se soumettant à l'ensemble des règles du contrat.

En matière de responsabilité du fait d'autrui, la jurisprudence s'est peu à peu éloignée des cas prévus par le code civil qui concernent les commettants, parents et enseignants, pour créer un régime général de responsabilité du fait des personnes dont on a la garde. Nous estimons, comme la Chancellerie, que la loi doit limiter ces hypothèses de responsabilité, pour des raisons de sécurité juridique. Chacun doit pouvoir connaître à l'avance les cas dans lesquels sa responsabilité peut être engagée et souscrire une assurance le cas échéant. Nous formulons des propositions définissant la responsabilité du fait des mineurs ou la responsabilité du fait d'un majeur protégé dont la charge a été confiée à une personne par décision administrative ou judiciaire.

Nous souhaitons, tout comme le projet de la Chancellerie, assurer un traitement préférentiel de la victime d'un dommage corporel. C'est une avancée très importante sur la réparation du dommage corporel. Le cocontractant victime d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat doit pouvoir choisir la voie contractuelle ou la voie extracontractuelle. Nous proposons également que seule la faute lourde de la victime puisse exonérer partiellement l'auteur du dommage corporel. Nous soutenons également le principe d'un régime d'indemnisation du dommage corporel commun aux deux ordres de juridiction, pour éviter toute inéquité entre les victimes.

La question de l'évaluation du préjudice suscite un vrai débat. Le décret publié par le ministère de la justice le 27 mars dernier, dit « DataJust », a choqué le monde judiciaire car il fait craindre une barémisation automatique de l'indemnisation des préjudices. Nous sommes favorables à l'open data, c'est-à-dire la diffusion de la jurisprudence afin que les magistrats et praticiens, notamment les inspecteurs d'assurances qui proposent les indemnisations, sachent ce que les juridictions allouent. La barémisation ne peut être une solution car les situations sont toutes différentes de sorte que l'indemnisation du préjudice doit être individualisée.

Nous avons eu un débat sur le recours des tiers payeurs en ce qui concerne la prestation de compensation du handicap (PCH). Le projet de la Chancellerie propose que la PCH versée par un conseil départemental à la victime d'un dommage corporel, puisse faire l'objet d'un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son auteur. Ce serait légitime. Mais ce recours s'exercerait au moment de la décision d'indemnisation de la victime, or le montant de la PCH évolue dans le temps. Une réflexion doit donc être engagée préalablement sur le régime juridique de cette prestation.

Le dernier axe que nous souhaitons mettre en avant concerne l'obligation qui serait faite à la victime de prendre des mesures afin de ne pas aggraver son préjudice. Cela ne concerne que le dommage patrimonial, à l'exception du dommage corporel.

Voici les principaux points que nous pourrions reprendre dans une proposition de loi sénatoriale, faute d'initiative gouvernementale, afin de faire aboutir une réforme attendue par les praticiens et préparée de longue date.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion