Intervention de Jean-Luc Nevache

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 juillet 2020 à 8h45
Audition de M. Jean-Luc Nevache candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président de la commission d'accès aux documents administratifs

Jean-Luc Nevache, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission d'accès aux documents administratifs :

Je suis évidemment très honoré d'inaugurer ces auditions pour la candidature au poste de président de la CADA, fonction qui a été ajoutée, vous l'avez rappelé, au cinquième alinéa de l'article 13 par votre commission au printemps dernier.

Ma carrière administrative est marquée par la diversité des postes et par une mobilité géographique importante. J'ai servi dans beaucoup de ministères : le ministère de l'intérieur, pour l'essentiel dans une carrière préfectorale, mais aussi le ministère de la défense - avec d'ailleurs un sénateur, aujourd'hui présent, que je salue -, le ministère de la santé, le ministère du développement durable et les services du Premier ministre. La moitié de ma carrière s'est déroulée en administration territoriale. J'ai parcouru la France, si j'ose dire, du Var ou de la Corse jusqu'aux Ardennes, et de la Saône-et-Loire jusqu'à la Guadeloupe.

J'aborde donc la fonction qui pourrait m'être confiée avec un esprit assez pragmatique et un esprit d'organisateur, au moins autant que de juriste. La CADA est une toute petite autorité administrative indépendante, puisqu'elle ne comprend que dix-sept agents, mais c'est l'une des plus anciennes, puisqu'elle a été créée en 1978 - c'était déjà une initiative parlementaire, qui ne recevait alors pas totalement l'accord du Gouvernement. Cette institution est assez connue, sinon des particuliers, du moins des administrations, et elle a maintenant sa place bien assise dans le système institutionnel. L'action du président Dandelot pendant six ans y a, me semble-t-il, contribué.

Pour autant, le rapport d'activité 2019 de la CADA, qui sera publié dans quelques jours, montre une situation dégradée : durant plusieurs années on a constaté un effet ciseaux entre les flux d'entrée et de sortie. Ainsi, le nombre de demandes d'avis, qui oscillait autour de 5 000 entre 2008 et 2012, a brusquement atteint 7 000 en 2013 et 2014, soit une augmentation brutale de 40 %. Face à cette situation, la hausse des effectifs a été réelle, passant de 13 équivalents temps plein (ETP) à 17 ETP, mais lente et progressive, avec environ un poste par an. De fait, et malgré une augmentation significative de la productivité des agents de 60 %, les délais de réponse se sont accrus dans des conditions qui sont, honnêtement, très préoccupantes et très insatisfaisantes. Ces délais de réponse, qui étaient de 40 jours en 2013, sont passés à 50 jours en 2014, 60 en 2015, jusqu'à atteindre, l'année dernière, 176 jours, ce qui est évidemment tout à fait inacceptable.

En réalité, la situation actuelle est très décalée par rapport à ce bilan de l'année 2019. Le stock de dossiers liés à cet effet ciseaux a culminé en 2018 à 2 300 dossiers, mais il a commencé à se résorber en 2019, et, au tournant de l'année, nous étions à 2 000 dossiers en stock.

Ensuite, à la faveur non seulement des mesures prises en interne, sur lesquelles je vais revenir, mais aussi des ordonnances relatives à la crise sanitaire - qui ont conduit à ce que les administrations voient leurs délais de réponse décalés jusqu'au 24 juin, repoussant de fait les potentielles saisines -, le stock s'est asséché. À l'heure où je vous parle, il est de 360 dossiers : 300 dossiers sont d'ores et déjà traités, et sont inscrits à la séance du 10 septembre prochain, et seulement 60 dossiers restant à traiter, qui sont inscrits à la séance du 24 septembre. On peut espérer, fin septembre ou début octobre, arriver à écluser le stock et être de nouveau dans une gestion du flux.

Pour revenir aux raisons internes, je veux rappeler, pour le saluer, que les agents de la CADA, sous l'autorité de sa vice-présidente, Mme Guilhemsans, ont continué à travailler pendant la crise sanitaire. Par ailleurs, comme je l'ai souligné, des mesures internes ont permis cette évolution. Il y a d'abord une meilleure gestion différenciée des flux, avec une adéquation plus proportionnée des moyens aux questions qui sont posées. En 2016 a été introduite, par une disposition réglementaire, la possibilité pour le collège de déléguer au président la faculté de rendre des ordonnances sur les questions les plus simples. En effet, 80 % au moins des demandes portent sur des questions parfaitement balisées par la jurisprudence, qui a maintenant quarante ans, et qui a été validée par les tribunaux administratifs et le Conseil d'État. Par exemple, quand un citoyen demande sans succès la communication par la commune d'un permis de construire et qu'il saisit la CADA, il n'est pas très utile que le collège en délibère, et l'on peut parfaitement passer par une ordonnance du président, ce qui va beaucoup plus vite, et donne satisfaction à tous.

La mise en oeuvre de ce dispositif créé en 2016 n'est intervenue concrètement qu'à partir de la fin de l'année 2017, de façon extrêmement progressive, sur quatre domaines délimités dans un premier temps, puis douze, puis dix-neuf, avec des dispositifs de comptes rendus. Le dispositif s'est stabilisé, avec 20 % en 2018 et, l'année dernière, 38 % des avis qui ont ainsi été rendus par ordonnance. On peut encore grappiller quelques pourcentages, mais il faut être vigilant et veiller à ce que le tri effectué soit bien validé par la jurisprudence. Il faut aussi avoir un système de contrôle, avec des relecteurs rapporteurs, de façon qu'il y ait sur tous les dossiers une double vision.

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