Intervention de Jean-Luc Nevache

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 juillet 2020 à 8h45
Audition de M. Jean-Luc Nevache candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président de la commission d'accès aux documents administratifs

Jean-Luc Nevache, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission d'accès aux documents administratifs :

À la première question, ma réponse sera courte. Un parlementaire est une personne : il peut donc saisir la CADA.

S'agissant de la coordination avec la CNIL, le Sénat a mené une réflexion il y a quelques années sur l'éventualité d'un regroupement ou d'une fusion entre la CNIL et la CADA. Le rapport sur les autorités administratives indépendantes de M. Gélard en 2006 évoquait déjà cette question. Le Parlement a finalement choisi une autre solution : la représentation croisée. Le président de la CNIL ou son représentant est membre de la CADA, et inversement. Ce sont des membres très actifs des collèges. Le système, qui fonctionne très bien, permet de croiser les dossiers d'intérêt commun.

Un autre dispositif a été permis par la loi : la réunion commune des collèges. Cette possibilité a été utilisée seulement deux fois, en 2017 et en 2019. En réalité, peu d'objets de délibération peuvent être mis en communs, si ce n'est décider de la réalisation de guides sur des sujets d'intérêt pour les deux institutions. Ainsi, un guide sur l'open data destiné aux collectivités territoriales et aux administrations a été élaboré ; il est en ligne, et a un certain succès.

J'ajoute que la CNIL et la CADA sont maintenant dans les mêmes locaux du Secrétariat général du Gouvernement, ce qui facilite les contacts entre agents et permet de développer une culture commune.

Les administrations ont théoriquement l'obligation de faire part des suites qu'elles donnent à ces avis, mais elles ne le font pas toujours. Plus exactement, le taux de réponse diminue d'année en année. Cela signifie-t-il qu'elles ne les suivent pas ? Je ne le crois pas, car le taux de saisine des tribunaux administratifs sur les questions dont la CADA a eu à connaître est stable et faible. Nous avons plutôt le sentiment que les avis sont suivis d'effets, mais un certain nombre d'administrations ne nous en donnent pas l'information, pas plus que les requérants. Le taux de retour est seulement de 55 %, ce qui ne nous permet pas d'avoir des résultats d'une grande fiabilité.

Les demandes qui sont présentées à la CADA sont parfois assez larges et très imprécises : il est, par exemple, demandé la communication de « tous les documents concernant » tel sujet. Aux termes de la loi, ne sont communicables que les documents qui existent ; la loi pour une République numérique prévoit aussi que tout document existant doit être dans un format communicable. Quand le document existe, mais qu'il n'est pas dans un format communicable, il faut que l'administration fasse l'effort de le transformer en un document communicable. Cela demande parfois - je le concède volontiers - des efforts importants aux administrations, mais elles s'y mettent progressivement.

Monsieur Sueur, sur le secret des affaires, le rapporteur général de la CADA et les agents m'ont fait savoir que la loi, qui a suscité beaucoup de jurisprudence et de demandes d'avis, ne s'est pas traduite par une modification de la jurisprudence de la CADA. Il n'y a pas eu de diminution du droit d'accès. La CADA est plutôt en « avance de phase » sur la communication, et il peut arriver que la jurisprudence administrative ne la suive pas. Cela a été le cas, par exemple, en matière de droits d'auteur : dès les années 1980, la CADA a considéré que la propriété intellectuelle et artistique ne s'opposait pas à la communication à partir du moment où il n'y avait pas de réutilisation. Le Conseil d'État, lui, a considéré que la balance devait être quelque peu différente. On ne peut donc pas dire que la CADA est en arrière de la main : sa mission est d'aller au bout de l'interprétation de la loi dans le sens de la transparence et de la communication.

Tout le monde espérait que l'open data allait diminuer les entrées à la CADA, mais le résultat a été inverse, dans un premier temps au moins. La loi pour une République numérique a créé beaucoup d'incertitudes dans les administrations, qui se sont interrogées sur ce qui était communicable et ce qui ne l'était pas, sous quel format et dans quelle mesure... Comment les secrets protégés par la loi devaient-ils être interprétés ? Cela a donné lieu à un surcroît de travail très important dans les années 2015-2016, faisant augmenter les flux de saisines, mais aussi le stock, car un certain nombre des questions posées étaient complexes. Aujourd'hui, on considère que la jurisprudence dans ce domaine est stabilisée. On peut espérer qu'au fur et à mesure de la mise en place de l'open data, un certain nombre de demandes ne trouveront plus à s'appliquer.

Il faut continuer à motiver les administrations, et les faire passer d'une culture du secret à une culture de l'ouverture et de la transparence. Tout le monde a conscience que derrière la crise de la décision publique et de la confiance dans la parole publique, il y a une crise de confiance, qui soulève la question de la transparence des procédures et des documents. C'est un des éléments sur lequel il faut faire front si l'on veut contrebattre cette crise de la confiance dans la parole et dans l'action publiques.

Sur la modernisation de la loi de 1978, la CADA a fait ce que vous souhaitiez, monsieur le sénateur. Elle a interprété les documents administratifs de manière extrêmement large : un courriel, un SMS, un algorithme, une base de données sont des documents administratifs. Il faut simplement que ces documents aient les caractéristiques d'un document administratif communicables.

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