Le point suivant de notre présentation concerne l'attractivité de la recherche. Il s'agit d'un problème majeur, qui présente des spécificités dans le domaine de la biologie-santé. Il se traduit notamment par une baisse dramatique, d'environ 20 %, du nombre de candidatures aux postes de chargés de recherche à l'Inserm. En outre, on observe une démédicalisation dans les unités mixtes de recherche (UMR) de l'Inserm. Les jeunes médecins passent, mais ne travaillent pas forcément au long cours sur des projets susceptibles d'alimenter une réflexion transversale, entre l'amont et l'aval. Enfin, certains talents partent à l'étranger, ce qui représente une perte de substance assez dramatique pour la recherche française.
Les raisons du phénomène sont complexes. Elles concernent les niveaux de rémunération, mais aussi l'environnement des chercheurs, devenu d'une très grande complexité, avec des relations parfois conflictuelles entre les CHU et les EPST, qui ne facilitent pas le travail, mais surtout le fardeau administratif, qui embolise complètement l'activité des chercheurs, notamment à responsabilité, au détriment du coeur de métier. L'administration devrait être au service des chercheurs, non l'inverse.
Le projet de LPPR corrige nombre de ces aspects, et propose de réelles ouvertures en matière d'attractivité. Elles passent bien évidemment par la revalorisation des rémunérations. Il ne faut pas oublier qu'un chargé de recherche commence aujourd'hui sa carrière avec un salaire de 2 200 euros nets, peu attractif à 35 ans, alors que l'on a effectué deux post-doctorats à l'étranger et publié des articles dans Cell et Nature. Le projet de LPPR vise à combler ce décalage.
Par ailleurs, il conviendrait d'adapter les contrats doctoraux et de mission, qui sont un peu courts pour ce domaine. La temporalité de la biologie-santé est en effet assez spécifique. Publier un article conséquent dans Cell requiert souvent cinq ans de travail intense. Les temps de soutien doivent prendre cet élément en considération.
Les tenure tracks constituent vraiment une avancée significative en la matière. Il s'agit en réalité d'un renforcement du dispositif ATIP-Avenir, dont on connaît l'impact et les succès. 57 % des personnes bénéficiant d'un ERC ont bénéficié du dispositif ATIP-Avenir, et sont ensuite recrutées très rapidement au sein d'un EPST, qu'il s'agisse de l'Inserm ou du CNRS. Il s'agit vraiment d'un outil tout à fait important. Nous souhaiterions toutefois certaines améliorations, dont l'exigence de mobilité. Comme vous le savez, la mobilité est peu développée et peu valorisée en France, où il est de bon ton de partir de la première année commune aux études de santé (PACES) et de finir sa carrière en tant que professeur émérite dans la même université, le même CHU, ou le même laboratoire. Nous pensons que ceci ne favorise pas la dimension créative nécessaire à la recherche et qu'il est important d'apporter régulièrement du sang neuf dans les sites et dans les thématiques. Cette exigence de mobilité nous paraît essentielle.
L'extension du temps dévolu aux recherches fait également partie des améliorations souhaitables. Nous aimerions un délai porté à trois fois trois ans, de manière optionnelle. Il est important d'introduire un certain degré de souplesse dans le dispositif des tenure tracks, des contrats doctoraux et des contrats de mission.
L'environnement constitue enfin un élément à consolider : il n'est pas envisageable de parachuter quelqu'un dans un laboratoire. Il faut s'appuyer sur les modèles ERC et ATIP-Avenir, qui financent l'amélioration de l'environnement de travail, avec par exemple la possibilité de recruter un post-doctorant, de disposer de budgets pour l'achat de consommables, etc. Il est essentiel d'offrir une grande liberté à la recherche pendant ce moment clé et souvent extrêmement productif qu'est la période post-doctorale. Tous les chercheurs qui ont effectué un séjour aux États-Unis en retiennent un sentiment de grande liberté ainsi que de facilité à travailler et à produire. Le dispositif des tenure tracks va dans ce sens, et constitue donc une ouverture très importante.
L'attractivité des hospitalo-universitaires est aussi tout à fait essentielle pour faire face à la « démédicalisation » très préjudiciable de la recherche en biologie - santé. Par exemple, la richesse de l'Inserm réside dans la dynamique des interactions existant entre les chercheurs amont et aval, indéniablement source d'innovation. Il faut attirer les chercheurs médicaux ou pharmaciens dans nos UMR. La création de chaires de professeurs juniors, qui s'inscrit dans les tenure tracks, est de ce point de vue un élément fondamental. La mobilité nous semble là aussi essentielle, pour lutter contre le mandarinat, préjudiciable en termes d'innovation. Il importe également de renforcer les contrats d'interface hospitaliers (CIH), dans la mesure où une part budgétaire de ceux-ci est reversée aux hôpitaux, ce qui permet de détacher réellement les jeunes médecins vers les laboratoires, afin qu'ils puissent se consacrer véritablement aux travaux de recherche.
Le rapport annexé reprend également la proposition que nous avions formulée sur les valences. Comme vous le savez, les trois valences, soin, enseignement et recherche, sont demandées pour les hospitalo-universitaires (HU), les maîtres de conférences des universités-praticien hospitalier (MCU-PH) et les professeurs d'université-praticien hospitalier (PU-PH). Nous estimons qu'il faudrait aller plus loin, en créant un compte individuel tout au long de la carrière, et en incluant dans la partie recherche un aspect de valorisation. Il peut en effet être intéressant pour un HU, lorsqu'il crée une innovation technologique ou découvre un nouveau produit, comme un biomarqueur, de se consacrer un temps à cette période de valorisation, dans la mesure où il connaît l'impact que peut avoir cette découverte et où il serait dommage de se passer de cette expertise.
Enfin, nous appelons à une véritable politique post-doctorale, insuffisamment apparente dans le projet. Ceci concerne bien évidemment l'accueil de chercheurs internationaux, qui doit certes comporter un aspect réglementaire, mais aussi inclure une dimension budgétaire, avec la définition de lignes spécifiques, permettant d'obtenir des allocations post-doctorales européennes et internationales, avec une certaine souplesse. Cet aspect est évidemment fondamental, puisqu'il permet d'attirer des talents, en espérant les garder par la suite.