Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 22 juillet 2020 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de 2019 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Plaisir partagé !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc réunis cet après-midi – avant de nous revoir demain pour examiner un autre texte – pour une nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019. Comme vous le savez, les huit articles de ce texte, adoptés par l’Assemblée nationale, ont été rejetés en première lecture par le Sénat et la CMP ayant suivi n’a logiquement pas été conclusive. Je doute donc que nous parvenions, cet après-midi, à trouver un accord.

Le désaccord ne porte pas sur l’autorisation parlementaire. Telle qu’elle a été donnée à l’occasion de la loi de finances pour 2019, celle-ci a été respectée. Sous cet angle, on ne peut contester ni les chiffres ni la sincérité de l’exécution du budget de 2019 – d’ailleurs, nous nous étions réjouis de n’avoir aucun PLFR et aucun décret d’avance en cours d’année ; nous nous sommes probablement réjouis trop vite puisque, pour 2020, nous en sommes au troisième PLFR !

La critique porte donc non pas sur l’exécution, mais sur le manque d’ambition du budget initial.

La loi de règlement du budget et d’approbation des comptes constitue aussi le résultat concret d’une politique fiscale et budgétaire. Or, dès l’origine, nous n’avions pas souscrit aux choix faits par le Gouvernement. Nous ne pouvons toujours pas y souscrire !

Quelles en sont les raisons ? J’en vois trois, que j’évoquerai très brièvement.

Nous considérons que le Gouvernement n’a pas su profiter de la croissance – nous en avions encore voilà quelques mois ; aujourd’hui, nous en sommes à environ - 11 % de PIB – et de la baisse de la charge de la dette pour commencer à redresser la situation structurelle des comptes publics.

C’est à ce titre, principalement, que le Sénat a décidé de ne pas adopter ce projet de loi de règlement et nous payons maintenant – je rappelle que demain, il y a presque coïncidence, nous examinerons les conclusions de la commission paritaire sur le troisième PLFR – les conséquences de ces choix.

Le Gouvernement, en 2019, n’a pas su créer les conditions qui nous auraient permis de disposer de marges de manœuvre budgétaires nous faisant aujourd’hui cruellement défaut, au moment où la France vit l’une des pires crises économiques qu’elle ait connues en temps de paix, et cela depuis plus d’un siècle.

Dans ce contexte, le projet de loi de règlement de 2019, qui nous fait revenir, en quelque sorte, au « monde d’avant » l’épidémie de covid-19, nous permet de tirer un bilan de la politique budgétaire conduite par la majorité, à un moment où un grand nombre d’indicateurs macroéconomiques étaient encore au beau fixe.

Contrairement à ce qui a pu être dit, monsieur le ministre, les chiffres ne sont pas bons pour 2019 !

Malgré une croissance de rattrapage qui, à l’époque, était de 1, 5 %, le déficit public s’établit à 3 % du PIB en fin d’exercice ; l’endettement s’élève à 98, 1 % ; la dépense publique a poursuivi sa progression, avec une augmentation de 1, 8 % ; le taux des prélèvements obligatoires, même avec la bascule du CICE, atteint 44, 8 % du PIB – toujours parmi les records enregistrés au sein de l’OCDE.

L’État, de son côté, voit son déficit budgétaire se creuser de 16, 7 milliards d’euros par rapport à 2018, pour atteindre 92, 7 milliards d’euros.

Bref, une fois l’ensemble des facteurs exceptionnels et discrétionnaires neutralisés, il apparaît que la politique gouvernementale a contribué à dégrader le solde de l’ensemble des administrations publiques de 0, 5 point de PIB en 2019. Les dépenses du budget général, hors remboursements et dégrèvements, sont en croissance de 1, 9 %.

Par ailleurs, des objectifs, pourtant peu ambitieux, n’ont pas été respectés. Je pense notamment aux ambitions affichées en début de quinquennat en matière de suppression d’emplois publics.

Enfin, l’année 2019 a été marquée par la mise en œuvre de mesures budgétaires et fiscales auxquelles le Sénat s’était opposé, et des réformes, comme celle du versement des aides personnalisées au logement (APL), véritable serpent de mer, n’ont pas été menées.

Le PLF pour 2019 aurait dû être celui des ambitions ; c’est celui des ambitions perdues, et cela se traduit dans son exécution !

J’y insiste, nous aurions pu dégager des marges de manœuvre, qui nous font aujourd’hui cruellement défaut. À cet égard, la comparaison avec notre voisin allemand est flagrante. L’Allemagne peut se permettre de consacrer plus à la relance, et ce sans attendre la fin de l’année, parce qu’elle dispose de marges de manœuvre que la France n’a pas.

Si nous sommes tant attachés à la réduction des déficits, monsieur le ministre, ce n’est pas du fait d’une quelconque orthodoxie budgétaire, d’un attachement aveugle à certains principes. C’est simplement, et nous le disions à l’époque de la présentation du PLF pour 2019, pour pouvoir disposer de marges de manœuvre en cas de catastrophe – nous avions sans doute envisagé un choc boursier ou pétrolier ; c’est une crise sanitaire qui est advenue, que personne, évidemment, n’avait su prévoir…

Oui, nous avions regretté que le texte n’ait pas d’ambition et ne nous permette pas de dégager de marges de manœuvre. Cela a malheureusement été le cas, et nous le payons aujourd’hui !

C’est pourquoi, en cohérence avec le vote intervenu en première lecture, la commission des finances propose au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019.

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