Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que le chaînage vertueux voulu par les concepteurs de la LOLF entre l’adoption de la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et celle de la loi de finances initiale apparaît cette année singulièrement perturbé. De fait, il se lit moins bien, puisque nous venons d’adopter une troisième loi de finances rectificative.
Dans ce contexte, je le dis avec ironie, se plonger dans le présent projet de loi de règlement du budget de l’année 2019 ressemble, par certains côtés, à un exercice d’archéologie administrative et politique, tant cette époque paraît désormais lointaine : c’était le monde d’avant la crise sanitaire – autant dire, d’un point de vue budgétaire, la préhistoire.
Les chiffres de 2019 ont de quoi laisser songeur – à cet égard, je ne partage pas les analyses que j’ai entendues à cette tribune. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils font rêver… Toujours est-il qu’ils permettent de poser le débat.
Jugez plutôt : un déficit de 2, 1 % du PIB, hors effet, certes, du CICE ; une dette de 98 % du PIB ; des dépenses publiques à 55, 6 % du PIB, soit une baisse d’un point en deux ans ; des prélèvements obligatoires à 44 % du PIB, un taux en baisse, lui aussi, de près d’un point en deux ans – 21 milliards d’euros de baisses de prélèvements obligatoires entre 2017 et 2019 ! Par rapport aux prévisions, le déficit s’est réduit de 15 milliards d’euros, grâce à une bonne tenue des recettes, elle-même liée à la bonne tenue de l’économie.
Telle est la réalité de 2019. C’est pourquoi je ne partage pas l’analyse de la majorité sénatoriale, selon laquelle nous serions entrés dans la crise avec une situation catastrophique ; les quarante années de politique budgétaire qui ont précédé rendent humble de ce point de vue… Au contraire, nous y sommes entrés dans une situation budgétaire peut-être pas idyllique, mais en tout cas améliorée. C’est là une réalité – je le répète, un peu de recul conduit à un peu d’humilité.
Si je diverge avec la majorité sénatoriale, c’est aussi parce que l’objet d’une loi de règlement, soit une loi de constat, est de vérifier le respect des autorisations parlementaires. Or, à cet égard, il n’y a pas lieu de critiquer la sincérité de la loi de règlement et le respect des autorisations parlementaires ; d’ailleurs, le rapporteur général l’a reconnu.
Sans aller jusqu’à voter le texte, la majorité sénatoriale aurait donc pu s’abstenir. Or il semble qu’elle cherche une raison de voter contre le projet de loi de règlement. Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage… Mais, je le répète, au regard de la définition d’une loi de règlement, il n’y a aucune raison de s’opposer à ce texte.
Certes, notre groupe le votera parce qu’il soutient la stratégie budgétaire sous-jacente, notamment en ce qui concerne la prime d’activité, la prime exceptionnelle, la baisse de l’impôt sur le revenu et les heures supplémentaires ; bien sûr, le projet de loi de règlement traduit ces orientations, que nous soutenons.
Reste que nous voterons ce texte aussi comme parlementaires, parce qu’il respecte, de façon améliorée, les autorisations parlementaires. Les résultats ont déjà été soulignés : un taux de réserve fortement réduit, aucun décret d’avance. De fait, par rapport à ce qu’est une loi de règlement, ce texte ne mérite pas réprobation !
Je voudrais tenter de tisser trois liens entre ce projet de loi et la période que nous vivons, marquée par l’adoption des projets de loi de finances rectificative et la relance à venir.
D’abord, le soutien aux entreprises, que d’aucuns appellent la politique de l’offre, était déjà dans la stratégie budgétaire du Gouvernement. Il doit être maintenu, car, on le sait, la relance passera par le soutien aux entreprises, notamment dans leurs transitions numérique et écologique. En effet, il faut améliorer notre PIB potentiel pour retrouver la croissance économique.
Ensuite, si, en période de baisse de l’activité, il ne faut pas réduire drastiquement la dépense publique – au contraire, nous l’accroissons –, il ne faut pas non plus augmenter les impôts, contrairement à ce que certains proposent. Nous devons donc maintenir notre stratégie de baisse d’impôts, s’agissant notamment de l’impôt sur le revenu, mais aussi de l’impôt sur les sociétés. Quand il y a moins d’activité et qu’il faut relancer l’économie, ce n’est pas le moment de réduire le pouvoir d’achat des ménages !
Enfin, nous devons continuer à nous endetter à des taux bas, comme le montre le présent projet de loi. Pour cela, nous devons nous attacher à la qualité de la dépense publique. Ce n’est pas parce que l’on dépense beaucoup, avec trois lois de finances rectificatives – je me réjouis que la commission mixte paritaire sur le troisième collectif ait été conclusive – et le plan de relance intégré au projet de loi de finances pour 2021, qui sera présenté à la fin du mois d’août, qu’il ne faut pas se préoccuper de la qualité de la dépense publique, notamment de l’investissement pour la souveraineté et la relocalisation de notre industrie. C’est grâce à une croissance de qualité et un retour au PIB potentiel que nous pourrons continuer à nous endetter à des taux bas, nous permettant de réduire le coût de la dette.
Mes chers collègues, ce projet de loi est un texte de clarté, de cohérence et de confiance !