Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 22 juillet 2020 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de 2019 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut sans doute le regretter, mais à l’approbation de l’exécution budgétaire passée s’est substitué de facto un autre débat : l’exécution du budget 2019 nous a-t-elle suffisamment préparés à la crise économique à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés ?

De fait, comme le projet de loi de règlement est examiné en même temps que le troisième projet de loi de finances rectificative, nous sommes conduits à considérer l’exécution de l’année dernière à la lumière des réflexions sur les mesures à prendre pour faire face à la crise actuelle.

De ce point de vue, l’échec de la commission mixte paritaire était prévisible, compte tenu des différences d’appréciation entre les assemblées, mais surtout de la superposition de ces textes et de ces débats.

Si les chiffres du troisième projet de loi de finances rectificative sont exceptionnels, ceux du budget 2019 sembleraient presque plus normaux. Mais il est difficile de se replacer dans le contexte de l’année dernière, ce qui donne à l’examen de ce texte un caractère surréaliste, comme notre rapporteur général l’a souligné en première lecture.

Essayons toutefois de nous arrêter un instant sur la situation des finances publiques à la veille de la crise sanitaire qui touche notre pays depuis plusieurs mois. Ce n’est pas si loin dans le temps, même si le souvenir en semble lointain. Un déficit de 3 % – je dirais presque : seulement… –, une dette à 98 % du PIB, une croissance de 1, 5 % : ces chiffres feraient presque rêver aujourd’hui…

Si nous nous penchons sur les comptes de 2019, que constatons-nous ? Oui, comme l’a souligné notre rapporteur général, le déficit était encore élevé, tutoyant la limite des 3 %, et la dette frôlait les 100 %, malgré des conditions économiques plutôt favorables en termes de croissance et des taux d’intérêt extrêmement bas, en contradiction avec la trajectoire des finances publiques sur le quinquennat.

Tout cela est vrai, et nous en connaissons les raisons, à commencer par notre incapacité – j’utilise sciemment le nous collectif – à baisser durablement la dépense publique. Depuis vingt ans, tous les gouvernements ont eu des difficultés à entreprendre les réformes structurelles qui permettraient de baisser les dépenses publiques à un niveau rendant à notre pays des marges de manœuvre budgétaires.

Depuis 2017, dans une période économiquement plutôt favorable où les recettes ont été systématiquement supérieures aux prévisions, et les intérêts de la dette inférieurs, c’est bien du côté des dépenses publiques que le bât blesse. En la matière, en dépit d’un certain nombre de réformes de compétitivité engagées, la situation n’a pas suffisamment évolué. Ainsi, l’année dernière, les dépenses ont encore augmenté de plus de 6 milliards d’euros, et le déficit structurel ne s’est pas réduit, comme l’a fait observer la Commission européenne.

En conséquence, l’endettement de notre pays n’a pas été réduit au cours de cette période : il a continué son irrésistible progression, qui ne laisse pas d’inquiéter.

Certes, les comptes publics ont été aggravés notamment par la crise des « gilets jaunes », qui a conduit le Gouvernement à ajouter en urgence des dépenses qui n’étaient pas prévues initialement. Le Sénat a d’ailleurs voté ces mesures pour mettre fin à la crise sociale dans le pays – souvenons-nous-en.

Je ne nie pas non plus que le déficit facial de 3 % ne corresponde pas totalement à la réalité, une partie étant due à la transformation du CICE en baisse de cotisations pérenne pour les entreprises, une mesure que le Sénat a demandée et approuvée. Un déficit à 2, 1 % du PIB en 2019, après trois années de baisse consécutives : il faut reconnaître ce résultat, même s’il peut être jugé insuffisant.

Il faut reconnaître également, comme nous l’avons tous fait, les efforts du Gouvernement en matière de sincérisation des comptes publics, de transparence et de bonne exécution des crédits ; je pense à l’absence de décret d’avance et à la mise en réserve de crédits réduite. Il faut le reconnaître dans un projet de loi qui traduit l’exécution du budget : souvenons-nous des périodes antérieures, pas si lointaines, où les budgets qui nous étaient présentés en loi de finances initiale n’étaient pas totalement sincères et réalistes.

Toujours est-il que les difficultés demeurent – on le constate aujourd’hui, où nous subissons une crise hors du commun. Pour être entrés dans cette crise avec des comptes publics encore dégradés et une situation budgétaire plus dégradée que celle de la plupart de nos voisins européens, nous nous retrouvons dans une situation délicate, au moment où tous les États doivent emprunter massivement pour soutenir l’économie et faire face à des dépenses contraintes.

Comme en première lecture, le groupe Union Centriste s’abstiendra sur ce texte, compte tenu de l’appréciation équilibrée qu’il porte sur l’exécution du budget 2019 et en considérant que le débat doit désormais porter sur les modalités de la nécessaire relance de l’activité économique. À cet égard, nous saluons le volet européen annoncé hier.

Puissions-nous conserver, ou plutôt retrouver, la maîtrise de nos finances publiques et de notre endettement !

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