Intervention de Sophie Charles

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 21 juillet 2020 à 14h10
Audition de mmes clara de bort directrice générale de l'ars de guyane sophie charles maire de saint-laurent-du-maroni Mm. Marc del Grande préfet de la région guyane et christophe robert directeur général du ch de cayenne

Sophie Charles, maire de Saint-Laurent-du-Maroni :

Il y a une double chronologie en ce qui concerne l'ouest de la Guyane. Les cinq premiers cas recensés à Saint-Laurent-du-Maroni venaient de Mulhouse. Ils ont été identifiés en mars, de concert avec la préfecture. Par la suite, nous n'avions plus de cas à Saint-Laurent. Quand il y a eu des cas à Cayenne, j'ai demandé la fermeture du pont d'Iracoubo, point de contrôle au milieu du pont. En mettant en place un contrôle sanitaire, l'objectif était d'empêcher la propagation trop rapide du virus vers l'Ouest. Cela m'a semblé une nécessité, compte tenu des difficultés chroniques du personnel soignant dans cette région. Cela a été fait, mais bien plus tard, et nous avons eu un certain nombre de cas en provenance de Cayenne.

En ce qui concerne le contrôle de la frontière ouest, le Suriname comme la France ont fermé leur frontière. Un contrôle efficace a été mis en place sur le Maroni mais uniquement à Saint-Laurent, en oubliant les autres communes sur le fleuve comme Apatou, Grand-Santi, Papaïchton ou Maripasoula. Oui, le dispositif frontalier a bien fonctionné. Entre Albina, au Suriname, et Saint-Laurent-du-Maroni, il y a environ 1 000 traversées de pirogues par jour. Elles sont passées à 5 ou 6, et ont été la plupart du temps interceptées et les personnes ont été testées. Et le bac qui fait la jonction entre les deux n'est intervenu que pour rapatrier de manière très officielle des ressortissants des deux pays.

Reste le problème de l'orpaillage clandestin. Provenant le plus généralement du Brésil, les orpailleurs peuvent passer par le Suriname, ce qui rend le contrôle frontalier extrêmement compliqué. Nous avons décompté 106 sites d'orpaillage sur le territoire de la CCOG.

La coopération de l'ouest de la Guyane avec les Antilles n'est pas directe. Lorsqu'il y a une évacuation sanitaire à Saint-Laurent, elle se fait vers Cayenne puis, si nécessaire, vers les Antilles, soit trois heures de transport en ambulance vers Cayenne - une heure en hélicoptère - puis deux heures de vol entre Cayenne et la Martinique ou la Guadeloupe. Parler d'hôpital territorialisé en Guyane en incluant les Antilles est, selon moi, une aberration. On a l'impression que les Antilles sont proches de la Guyane, mais ce n'est pas le cas. Il est peut-être facile d'être transféré de Bordeaux à Lyon par le train, mais, dans notre cas, la situation est très compliquée : il est nécessaire de prendre l'avion - d'ailleurs, peu de personnes dans l'ouest du pays ont de la famille aux Antilles - et, surtout, les personnes ne parlent pas forcément français.

En ce qui concerne l'isolement des patients, la plupart des personnes testées positives ne font pas l'objet d'un suivi. Plusieurs personnes atteintes de la covid m'ont fait part de l'absence de tout suivi. J'estime que cette carence est due au manque de moyens et de personnels. Un seul médecin était référent de l'ARS. Quand ils le pouvaient, les médecins de ville suivaient leurs patients. J'y insiste, nombre de personnes malades que je connais n'ont jamais été appelées. En plus, les adresses figurant sur les cartes Vitale des patients sont inexactes, ce qui ne facilite pas les choses. C'est pourquoi il était important de travailler avec les élus locaux.

Nous avons reçu plus de 30 000 masques de l'État. À Saint-Laurent, nous disposons de médiateurs. Nous avons un médiateur pour tous les villages amérindiens, tandis qu'une adjointe à la mairie est chef coutumier des Kali'na et qu'un conseiller spécial est dédié aux relations coutumières. Notre relation avec les villages amérindiens est donc étroite. Concernant la politique de la ville, nous avons également des médiateurs de quartier, et même plusieurs si le quartier est grand, ainsi que des référents de quartier, souvent membres de l'une des 80 associations très actives à Saint-Laurent. C'est en nous appuyant sur l'ensemble de ce réseau que nous avons distribué les masques et l'aide alimentaire.

Concernant les endroits les plus reculés de la région, comme l'île Portal ou de l'île Bastien, nous envoyons une personne pour accompagner la Croix-Rouge ou l'État dans la distribution de masques et d'aide alimentaire. En plus, sur le marché du samedi matin - nous l'avons maintenu ouvert sur le terrain de football pour préserver l'économie -, nous distribuons des masques et du gel hydroalcoolique.

Nous avons fait établir des devis, puis passé les commandes. Nous avons aussi réaménagé tous les bureaux pour accueillir le public : les services de l'état civil, les services techniques et la police municipale ont continué à travailler.

Au début, le Fab lab a fabriqué 200 ou 300 visières pour tous les agents. Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) qui ne travaillaient pas ont aussi fabriqué 1 400 masques en tissu. Nous avons ensuite reçu des stocks de la préfecture jusqu'à l'arrivée des 30 000 masques jetables ou réutilisables de l'État. Ils ont été largement distribués et on continue actuellement à en distribuer dans tous les quartiers. Au début, nous avons donné un masque par personne dans chaque foyer, puis nous sommes repassés pour en redistribuer un.

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