Intervention de Josiane Chevalier

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 9 juillet 2020 à 9h30
Audition de mmes josiane chevalier préfète de la région grand est brigitte klinkert présidente du conseil départemental du haut-rhin et ministre déléguée auprès de la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion chargée de l'insertion et M. Christophe Lannelongue ancien directeur de l'ars grand est

Josiane Chevalier, préfète de la région Grand Est :

Je voudrais tout d'abord vous confier le plaisir que j'ai à retrouver certains d'entre vous que j'ai eu l'occasion de connaître au gré de mes différentes affectations. Je tiens aussi, madame la ministre, à vous féliciter pour votre nomination. Nous en sommes tous très fiers, et moi, en tant que femme, également.

Le Grand Est a payé un lourd tribut à cette crise. J'ai une pensée émue pour les victimes et leurs familles. Je tiens aussi à rendre un hommage appuyé à tous les soignants, à ces « héros du quotidien », comme vous les avez appelés à juste titre, qui ont accompli un travail exceptionnel. J'ai pris mes fonctions de préfète de région, de préfète de la zone de défense du Grand Est et de préfète du Bas-Rhin le 3 février dernier, après avoir quitté la Corse le 2 février. J'ai eu trois semaines d'activité normale au cours desquelles j'ai pu parcourir le territoire de la région. Ensuite, mon agenda a été dicté par le coronavirus.

La crise sanitaire a été d'une ampleur inédite, touchant tous les secteurs de la vie quotidienne. Elle a été imprévisible, longue, anxiogène, et nous a placés dans une situation caractérisée par une instabilité très forte, qui n'est pas finie, compte tenu des incertitudes scientifiques sur ce virus. Nous avons donc dû nous adapter en permanence, au jour le jour, voire heure par heure.

La solidarité a été le maître mot dans la gestion de la crise dans le Grand Est. Tous les acteurs se sont rassemblés autour de la préfecture de département, dont la légitimité n'a à aucun moment - je peux en témoigner en tant que préfète du Bas-Rhin - été contestée : l'agence régionale de santé, le rectorat, tous les opérateurs de l'État, l'institution militaire, qui a installé un hôpital militaire à Mulhouse et organisé des évacuations sanitaires dans le cadre de l'opération Résilience, ou les sapeurs-pompiers qui, contrairement à ce qu'on a pu lire dans un rapport récent - je vous laisserai un document montrant quel a été leur rôle -, ont été extrêmement impliqués, intervenant dans le transport des malades, dans les Ehpad ou au centre de dépistage du Parlement européen à Strasbourg, dont ils assuraient l'accueil. Comme nous avions quelques jours de plus pour nous préparer que dans le Haut-Rhin, nous avons réussi à mettre en place des actions de prévention en direction des personnes âgées et des personnes vulnérables. Les sapeurs-pompiers ont participé, avec tout le secteur associatif, à cette prise en charge. Les élus et les maires étaient en contact permanent avec les sous-préfets d'arrondissement, dont on a redécouvert le rôle de proximité, et étaient présents dans notre centre de crise dès le début.

Le président du conseil départemental a été un interlocuteur au quotidien ; il siégeait également dans la cellule de crise. J'étais aussi en lien avec le président du conseil régional, notamment pour ce qui concerne le volet relatif à l'économie, et avec les parlementaires : nous avons, en effet, mis en place dans le Bas-Rhin une forme de contrôle parlementaire, puisque, chaque jour, les parlementaires recevaient un document de synthèse sur l'état de la situation, et on échangeait ensemble une fois par semaine. Les entreprises et les chambres consulaires ont aussi joué un rôle important, notamment pour la fourniture de masques. Il faut citer aussi les associations ou la médecine libérale : le président du Conseil de l'ordre des médecins et la présidente de l'Union régionale des professionnels de santé libéraux participaient au conseil de crise. Il faut évoquer aussi la solidarité transfrontalière, et je tiens à souligner votre implication personnelle, madame la ministre : comme vous parlez allemand et que vous connaissez bien tous nos partenaires, vous avez pu trouver un certain nombre de places dans des établissements à l'étranger. La solidarité nationale a aussi joué, avec les évacuations sanitaires vers des hôpitaux nationaux pour un nombre à peu près équivalent.

En ce qui concerne la gouvernance de crise, je pourrai vous communiquer les trois retours d'expérience que j'ai transmis au ministre de l'intérieur, une note sur la relation maire-préfet et la lettre que j'ai cosignée avec le directeur de l'ARS qui a succédé à M. Lannelongue sur nos actions en matière de prévention dans les Ehpad.

La crise a été gérée au niveau départemental, conformément au choix du Premier ministre. C'est un choix pertinent, car on gère mieux les crises dans la proximité dans la mesure où l'on connaît les acteurs. Face à l'ampleur de la crise, tout le monde autour de moi a cherché avant tout à trouver des solutions ; personne n'a contesté ma légitimité, personne n'a revendiqué son statut ou argué de son appartenance à telle ou telle structure - ARS, rectorat, conseil départemental, etc. - pour affirmer son indépendance. La directrice générale des services du conseil départemental participait à la cellule de crise. Nous nous sommes fédérés. C'est de la sorte que l'on doit gérer une crise. Certes, il n'est pas écrit clairement dans les textes que les préfets doivent gérer les crises sanitaires, mais nous avons travaillé de cette manière et les équipes de l'ARS, à l'époque de M. Lannelongue, reconnaissaient faire partie de mon équipe. Peut-être est-ce cette expérience qu'il conviendrait de formaliser. En tout cas, nous nous sommes mobilisés tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

J'ai aussi essayé de mettre en synergie mes trois fonctions. Tous les soirs, j'animais, en tant que préfète de région, une visioconférence, à laquelle participait le directeur général de l'ARS, avec mes collègues préfets de département pour échanger sur la situation sanitaire. On a mutualisé certaines fonctions. La préfecture du Bas-Rhin qui possédait le service juridique le plus étoffé a ainsi été chargée de la veille juridique.

En tant que préfète de la zone de défense du Grand Est, qui regroupe les régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté et compte dix-huit départements, j'ai aussi mobilisé des moyens logistiques pour assurer la livraison de 70 millions de masques. La zone a aussi participé aux évacuations sanitaires de patients vers nos voisins transfrontaliers ou vers les régions les moins touchées, selon des modalités diverses : par voie aérienne, par le biais de TGV sanitaires, etc. Aucun patient n'est décédé dans le cadre de ce type de transport.

Les préfets, en tout cas dans le Grand Est, ont tenu la barre et n'ont pas compté leur temps, car leur rôle premier est la protection des populations. Cette crise n'est pas terminée. Nous surveillons au jour le jour les indicateurs, avec l'appui de l'ARS, pour être en mesure de réagir extrêmement vite. Avec le président du conseil régional, nous avons élaboré un Business Act, que nous allons adresser au Gouvernement, pour préciser les contours d'un plan de relance dans cette région.

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