Intervention de Josiane Chevalier

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 9 juillet 2020 à 9h30
Audition de mmes josiane chevalier préfète de la région grand est brigitte klinkert présidente du conseil départemental du haut-rhin et ministre déléguée auprès de la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion chargée de l'insertion et M. Christophe Lannelongue ancien directeur de l'ars grand est

Josiane Chevalier, préfète de la région Grand Est :

C'est vrai que le pilotage national a été très fort. Peut-être que la difficulté vient que le pilotage venait d'abord d'une cellule de crise sanitaire. Ensuite, le pilotage national est passé à la cellule interministérielle de crise sous l'égide du ministre de l'intérieur, ce qui était pour nous beaucoup plus intéressant.

Au départ, tout était confié aux ARS, mais les ARS ne sont pas faites pour ces métiers logistiques - et je pense que mon propos ne choquera pas M. Lannelongue. Il ne fallait pas confier la gestion des masques aux ARS ; la preuve en est, nous sommes venus ensuite en appui. Ce n'est pas une critique des équipes de l'ARS, qui ont fait un travail remarquable, mais elles n'étaient pas faites pour ces tâches.

Cela m'amène à une réflexion plus profonde sur Santé publique France et la fiabilité des statistiques, qui étaient devenues des irritants pour nos réunions quotidiennes.

Dans le Bas-Rhin, j'avais trouvé un moyen d'obtenir les chiffres puisque nous avions un protocole avec le conseil départemental sur les Ehpad. J'avais un tableau de bord fait par le conseil départemental et l'ARS, nous indiquant le nombre de personnes contaminées et décédées, un vrai outil de pilotage et des chiffres fiables. Avec Santé publique France, dont on ne connaissait pas trop les fonctions, les choses étaient compliquées.

Comme je l'ai mentionné dans mon premier retour d'expérience, il faut vraiment une réforme de l'État qui prenne en compte la nécessité d'avoir plus de moyens au niveau des territoires, qu'il s'agisse des délégations territoriales de l'ARS ou des autres services départementaux de l'État, qui ont été progressivement asséchés par les différentes réformes.

Selon moi, et c'est un point de vue personnel, la dissolution progressive des responsabilités dans une multitude d'agences et d'autorités - Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus), puis Santé publique France, et les ARS - a considérablement affaibli le pouvoir de direction que nécessite une gestion de crise. Souvent, l'ARS était la première en difficulté sur la fiabilité des chiffres.

À l'échelle nationale, nous avons eu de multiples visioconférences, parfois même en présence du Premier ministre et du Président de la République, du ministre de la santé et du ministre de l'intérieur. Nous avons été écoutés.

La chronologie est importante : le 24 février marquait la fin du rassemblement évangélique à Mulhouse ; le 26 février, nous publions notre premier communiqué de presse sur le premier cas de covid-19 confirmé dans le Grand Est, un patient de 36 ans qui habitait Strasbourg et qui revenait d'un séjour à Milan, et placé en isolement au CHU de Strasbourg. Le 28 février, le Gouvernement a activé le stade 2 de la gestion de l'épidémie. C'est là que les choses ont commencé à vraiment évoluer. Le 29 février, nous avons été amenés à annuler un match, décision que j'ai prise localement en discutant avec les médecins et l'ARS.

Le 1er mars, quatre nouveaux cas de covid-19 ont été confirmés dans le Grand Est, ce qui nous a amenés à annuler les premiers carnavals, notamment celui de Strasbourg : même si la doctrine nationale autorisait alors le maintien de tels événements en plein air, nous avons considéré, en lien étroit avec le maire, qu'il était plus raisonnable d'annuler ce carnaval. D'autres maires ont moins bien reçu l'interdiction de leur carnaval.

Le 2 mars, une première conférence de presse était tenue dans le Bas-Rhin. Dans ce département, c'est le 6 mars que la bascule s'est produite : le match de football prévu le lendemain à Strasbourg contre le PSG a été annulé, alors que les équipes étaient déjà arrivées. Elles ont pourtant bien compris la décision : on ne pouvait pas laisser ce match se dérouler, alors qu'on savait que le Haut-Rhin était déjà très touché et que des brassages de population pouvaient se produire. C'est alors que nous avons renforcé notre cellule de crise, en l'élargissant aux élus, aux caisses d'allocations familiales (CAF) et aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).

Évidemment, nous avons apporté un soutien total à l'ARS dans le domaine logistique ; j'estime que ces agences ne sont pas faites pour gérer la logistique.

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