Nous n'avons pas attendu un mois pour agir. Dès le 1er mars, un premier Ehpad était touché dans le Haut-Rhin. Dès lors, avec le conseil départemental, nous avons agi quotidiennement. Une série de réunions s'est tenue ; le 17 mars, nous avons réuni pour la première fois tous les Ehpad du Haut-Rhin. Un suivi quotidien sera ensuite offert à tous les établissements en difficulté.
En revanche, il est vrai que, dans les premiers temps, nous n'avons pas eu de système d'information. L'ARS a construit avec les deux conseils départementaux alsaciens un tel système, opérationnel à partir du 20 mars et ensuite généralisé dans toute la région ; il a fonctionné jusqu'au 6 avril, quand le système national a pris le relais. Il nous a permis d'avoir une très bonne vision de ce qui se passe dans les quelque 600 Ehpad dans la région. La période difficile, celle où l'on a été en aveugle, se situe entre le 2 et le 20 mars.
Sans même disposer de toutes les données nécessaires, on a commencé à agir très vite et très fort. Un plan d'action a été massivement diffusé à partir du 25 mars, mais des actions étaient menées auparavant : des conseils, des appuis, des renforts et des mobilisations ont été mis en oeuvre. De mon point de vue, il n'y a pas eu tant d'inertie ou de carences ; la mobilisation a été extraordinaire, mais les résultats posent question : le taux de contamination et le nombre de décès dans les Ehpad nous interrogent.
La mobilisation a été très forte, mais on s'est heurté à des difficultés. D'abord, beaucoup de gens intervenaient dans les Ehpad sans être protégés, alors que, dans le Haut-Rhin, la diffusion de l'épidémie était extrêmement forte. Je ne pense pas seulement aux infirmiers ou aux médecins, mais aussi aux agents de nettoyage et de sécurité, à tous ceux qui participent à la fabrication des repas, à tous ces agents qui ont beaucoup de contacts sociaux au cours de la journée. Dans un département victime d'une flambée épidémique, ils sont vite contaminés, alors qu'il n'y a pas d'équipements individuels de protection pour ces personnes ni pour les résidents des Ehpad. Cette rencontre entre professionnels exposés et personnes à risques nous fait alors mesurer que la maladie va frapper très durement les Ehpad. En outre, les connaissances médicales sont alors limitées. On était obsédé, au début de l'épidémie, par les symptômes respiratoires : les messages que nous envoyions conseillaient de se rendre à l'hôpital ou d'appeler le 15 seulement en présence de symptômes respiratoires graves. Cela n'était pas adapté aux personnes âgées : on s'est aperçu plus tard qu'elles connaissaient des symptômes très différents, des diarrhées aux atteintes neurologiques.
Les travaux de votre commission permettront d'approfondir et d'expertiser moins l'engagement de chacun - on pourra prouver qu'il a été très fort - que la faiblesse relative des résultats par rapport à ce qu'on aurait souhaité. Il s'agit de pertes humaines ; c'est extrêmement grave ! De mon point de vue, cette crise souligne l'urgente nécessité de progresser dans le décloisonnement entre les secteurs sanitaire et médico-social ; il faudrait que chaque Ehpad ait un correspondant médical facile d'accès, qu'il existe une sorte de filière gérontologique de proximité qui puisse apporter aux Ehpad un appui médical qui a extrêmement manqué durant cette période.