Intervention de Jean-François Husson

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 9 juillet 2020 à 9h30
Audition de mmes josiane chevalier préfète de la région grand est brigitte klinkert présidente du conseil départemental du haut-rhin et ministre déléguée auprès de la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion chargée de l'insertion et M. Christophe Lannelongue ancien directeur de l'ars grand est

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Je veux offrir sur ce sujet une perspective différente, en tant qu'élu de la région Grand Est. Nancy était en quelque sorte la base arrière qui a soulagé les équipes de front. Je vous ai écoutés, mais certains de vos propos me mettent un peu en colère, car je n'ai pas vécu les choses de la même manière.

Permettez-moi de citer une lettre par laquelle, le 3 avril, j'interpellais le Premier ministre sur la fourniture de matériel de protection au personnel soignant, l'organisation de l'État pour répondre à la crise et la nécessité de multiplier les transferts de personnes contaminées nécessitant une hospitalisation ; la situation était alors inquiétante, non seulement au regard des pertes humaines, mais aussi de la situation du personnel des établissements hospitaliers et médico-sociaux, qui se sont trouvés livrés à eux-mêmes sans protection : l'État était défaillant et les collectivités ont essayé de pallier ces carences.

Ce jour-là, alors que nous sortions d'une troisième réunion avec les services de l'État, sous l'autorité du préfet de département, j'écrivais ceci au Premier ministre : « La gestion des équipements de protection individuels s'est avérée calamiteuse. Après plusieurs réunions des services de l'État, force est de constater que ces équipements - masques, blouses, surblouses, gants, charlottes - n'arrivent pas. À titre d'exemple, pour les établissements médico-sociaux de l'agglomération nancéienne, des dizaines de milliers de blouses commandées n'ont toujours pas été livrées : chiffres alarmants, alors qu'il faut en moyenne 200 000 blouses pour un fonctionnement hebdomadaire satisfaisant. Ces équipements de protection nécessaires au personnel soignant dans les établissements médico-sociaux le sont aussi pour le personnel des Ehpad, les personnes chargées des soins à domicile, les professionnels de la médecine de ville et les infirmiers. Face aux besoins, il semble nécessaire de lever rapidement les blocages que rencontrent les pharmacies pour la répartition des équipements de protection individuelle. » On était alors en état de guerre contre une épidémie foudroyante qui continuait de progresser.

J'estime que la question que je posais alors est toujours pertinente : quel modèle d'organisation permettrait aujourd'hui d'améliorer l'efficacité de la gestion de crise ? Je rejoins une proposition qui a été faite ce matin : selon moi, cette gestion ne peut bien fonctionner que sous l'autorité de l'armée. En effet, quand le préfet de département donne un ordre, il faut que les équipes suivent, mais elles n'y sont pas préparées ; à l'armée, comme à la gendarmerie, l'unité de commandement résout ce problème.

Quant à l'organisation de l'État, j'écrivais au Premier ministre que l'urgence sanitaire requérait un commandement clair, unifié et rapide. « Nous constatons depuis plusieurs semaines des remontées de chiffres contradictoires ; des décisions urgentes bloquées révèlent un manque de coordination et une perte d'efficacité préjudiciable. Cela se traduit par un état des lieux présenté par la puissance publique en décalage clair avec les chiffres communiqués par le personnel soignant. Après plus de quinze jours de confinement, les informations circulent mal, les initiatives sont nombreuses et souffrent d'une défaillance de coordination, faisant apparaître trop souvent un fonctionnement en silo entre les services de l'État, la préfecture et les services de l'ARS. » Je souhaite vous interroger au regard de ces éléments, afin de tirer des enseignements au plus vite et de se préparer ainsi à une éventuelle seconde vague.

Vous avez évoqué le cloisonnement entre l'hôpital et les Ehpad, qui aurait, selon vous, porté préjudice à la lutte contre l'épidémie. Je voudrais tordre le cou à une idée reçue : on trouve dans mon département beaucoup d'exemples d'Ehpad éloignés des hôpitaux sans aucune victime. N'opposez pas les territoires ruraux et urbains, apportez plutôt des solutions ! On a besoin de connaître votre regard sur ce phénomène : pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse ?

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