Intervention de Anne Hidalgo

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 29 juillet 2020 à 9h30
Audition commune de M. François Baroin maire de troyes et président de l'association des maires de france M. Frédéric Bierry président du département du bas-rhin et président de la commission « affaires sociales et solidarité » de l'association des départements de france et Mme Anne Hidalgo maire de paris

Anne Hidalgo, maire de Paris :

Madame Boulay-Espéronnier, oui, la coordination avec les capitales étrangères - non seulement européennes, mais aussi internationales, au travers du réseau du C40 - a été importante. Nous avons tenu plusieurs réunions, qui nous ont permis d'échanger, et nous continuons d'ailleurs de travailler sur la pandémie. Nous avons également discuté, notamment avec les maires africains, au sein de l'AIMF, l'Association internationale des maires francophones, que je préside, ce qui a permis d'apporter des moyens à un certain nombre de villes.

Les arrondissements ont tous très bien géré la crise, quelle que soit l'orientation politique de leurs maires, qui sont des élus de proximité. Comme tout le monde, ils étaient un peu désoeuvrés au début, puis ils ont recensé les publics fragiles, réfléchi aux actions à entreprendre et, surtout, répondu aux demandes qui arrivaient de partout, car tout le monde cherchait une solution ou un moyen d'action.

Les maires d'arrondissement ont assuré une gestion de proximité extrêmement importante. Mon équipe et moi-même avons fait quotidiennement le point avec eux. En outre, j'ai souhaité que tous les maires d'arrondissement soient présents à la réunion hebdomadaire que nous tenions avec les deux préfets et l'ARS, afin qu'il y ait un partage d'information. Enfin, dans la préparation du déconfinement, j'ai moi-même animé tous les jours une réunion avec eux, évidemment par visio-conférence.

Les maires d'arrondissement ont été présents. Ils m'ont indiqué qu'ils ne devaient pas être tenus à la porte des Ehpad parisiens, notamment ceux du CASVP, le centre d'action sociale de la Ville de Paris, en raison d'une doctrine de notre collectivité qui n'avait pas de sens. Ils ont été très présents pour ce qui concerne la fabrication ou la distribution des masques. Nombre de mairies d'arrondissements se sont transformées en lieux de fabrication de masques pendant toute la période du confinement ; très mobilisées, elles étaient des lieux ressources. Enfin, ils ont diffusé une partie de l'information vers les habitants, dans une démarche de proximité, ce qui a été très utile.

C'est ce qui m'a poussé aussi à considérer qu'il fallait mener un big bang territorial, au niveau non seulement de l'État, mais aussi de la Ville de Paris. En effet, nous souffrons nous aussi d'une organisation beaucoup trop centralisée, parce que l'administration parisienne s'est construite à partir d'une administration préfectorale, organisée en tuyaux d'orgue. Même si de nombreuses réformes ont été depuis une vingtaine d'années, il m'est apparu comme une évidence qu'il fallait aller plus loin : mener non pas une énième réforme, mais véritable un big bang territorial, et c'est ce que nous allons faire.

S'agissant des décisions prises le 12 mars, comme tous les autres maires, je n'ai pas été consultée, ce qui était d'ailleurs normal. Dès lors, quel était notre travail ? Faire en sorte que l'élection municipale, puisqu'elle était maintenue, se tienne dans les meilleures conditions possible. Pour cela, nous avons travaillé avec tous les maires d'arrondissement et les équipes de la ville, afin de diffuser les messages de prévention qui avaient été conçus au niveau national et que nous avions adaptés avec le préfet de la région Île-de-France. Je n'avais pas la compétence pour dire que le masque était obligatoire, dès lors qu'il ne l'était pas à l'échelle nationale ; en revanche, j'ai recommandé le port du masque pour les personnes symptomatiques ou fragiles, mis en place partout du gel hydroalcoolique, demandé aux Parisiens de venir avec leurs propres stylos, etc. Il me semble - de nombreuses études ont été réalisées sur ce sujet - que les conditions sanitaires du premier tour ont été bonnes ; à ma connaissance, les opérations de vote n'ont pas entraîné à Paris une progression de l'épidémie.

Fallait-il maintenir le second tour ? Je n'ai pas vraiment été consultée. Cependant, il me semble que, dès lors que l'on déconfinait la vie économique, il fallait en faire de même avec la démocratie. Par ailleurs, il paraissait nécessaire de relégitimer les équipes municipales, compte tenu des actions que celles-ci allaient devoir entreprendre par la suite, notamment pour faire face à la crise économique. Une possibilité était de conserver pendant plus d'un an des équipes qui avaient connu un premier tour - certains l'avaient emporté brillamment, comme le maire de Troyes, mais d'autres devaient affronter un second scrutin... Toutefois, il était difficile de vivre un aussi long entre-deux, alors même qu'il fallait engager de façon très importante nos collectivités, y compris sur le plan budgétaire, pour répondre à la fois à la crise sanitaire et à la crise économique.

Je pense donc que la décision d'organiser le second tour le 28 juin, avec les précautions qui ont été prises, a été une très bonne décision, en tout cas d'un point de vue démocratique et compte tenu de la nécessité de doter les communes d'équipes capables de les engager. Néanmoins, tout le monde a observé le niveau d'abstention, dont une grande part était liée à la peur de nos concitoyens, et cela nous laisse plus qu'interrogatifs. Il n'y avait pas de bonne solution, mais je pense que celle qui a été retenue était la moins mauvaise.

J'en viens à la question de l'accueil et de l'isolement. Avec le groupe Accor, l'AP-HP, la protection civile et nos propres équipes, nous avons mis en place le dispositif Covisan, qui vise à tester, puis à proposer des chambres d'hôtel aux personnes atteintes du Covid. Nous avons commencé par les quartiers populaires et par ceux qui sont adossés à un hôpital. Or, même si je n'ai plus le chiffre en tête, les chambres d'hôtel n'ont pas été très prisées. Nombre de nos concitoyens ont apprécié qu'on leur propose cette solution d'isolement, mais ont préféré rester à leur domicile. Nous avons alors mis en place, avec le centre d'action sociale de la Ville de Paris, un système de portage des repas, soit à domicile, soit à l'hôtel.

Cette question de la proposition d'isolement sera essentielle. La finalité des tests est en effet de casser les chaînes de contamination. Il faut offrir un hébergement et une prestation de portage de repas pour éviter que les gens atteints ne contaminent les membres de leur famille ou d'autres personnes lors de leurs déplacements. Il faut conjuguer les masques, les tests et l'isolement des personnes testées positives - avec leur accord, naturellement, car il ne s'agit pas de forcer qui que ce soit ; grâce à la pédagogie et à un important travail médico-social, nous pourrons convaincre les personnes porteuses du virus de s'isoler. Il faut donc absolument réactiver les hôtels : nous risquons d'en avoir besoin.

En ce qui concerne l'accueil en crèches, qui relève de la compétence exclusive de la commune, nous avons décidé d'assurer tout de suite l'accueil des enfants des personnels soignants, des agents municipaux de première ligne, ainsi que les enfants des travailleurs dits de la « deuxième ligne ».

Pour les écoles en revanche, pour lesquelles nous détenons une compétence conjointe avec le ministère de l'Éducation nationale, nous avons tenté d'adapter la doctrine retenue, selon laquelle n'étaient prioritaires que les enfants des personnels hospitaliers. J'étais personnellement convaincue que la réussite du déconfinement était conditionnée à une très large réouverture des classes, afin notamment que nos concitoyens puissent reprendre le travail. La solution retenue a emprunté aux deux visions, et je me félicite du travail mené en bonne intelligence avec le rectorat et les maires d'arrondissement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion