Notre texte étant ainsi mis en perspective, il apparaît que nous pourrions être au milieu du gué des réformes.
Le principal enjeu urgent est évidemment la gestion de la dette sociale. Le Gouvernement en a bien pris la mesure.
L’année dernière, devant l’emballement des déficits, une question cornélienne se posait à nous : devait-on tenter de les endiguer immédiatement, au prix d’un accroissement contra-cyclique de la pression fiscale, donc au risque d’enrayer une reprise déjà fragile, ou laisser à nos enfants le soin de régler la facture de notre incurie ?
Refusant absolument de se résoudre à cette dernière solution, les commissions des finances et des affaires sociales de la Haute Assemblée proposèrent un relèvement de 0, 15 % de la CRDS pour transférer à la CADES un tiers de la dette pesant sur la trésorerie de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Le groupe de l’Union centriste, de son côté, a évoqué une reprise par l’État de la dette de crise de la sécurité sociale, ce qui aurait eu l’avantage de ne pas impliquer de relèvement mécanique des impôts sociaux.
Pour l’heure, madame, messieurs les ministres, vous avez choisi de ne retenir aucune de ces deux solutions. Le plan qui nous est proposé s’articule en quatre volets.
Le premier volet consiste en l’article 9 du présent PLFSS, qui organise la reprise de près de 130 milliards d’euros de dettes par la CADES, correspondant aux déficits du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2009 et 2010, aux déficits des branches maladie et famille pour 2011 et aux déficits de la branche vieillesse et du FSV de 2011 à 2018. Cela a été dit, c’est un quasi-doublement de la dette reprise par la CADES depuis sa création, alors même que, jusqu’ici, elle n’a remboursé qu’un tiers des 134, 6 milliards d’euros qu’elle a repris entre 1996 et 2009.
Le deuxième volet consiste en un allongement de quatre années de la durée de vie de la CADES pour reprendre la dette de crise, soit 34 milliards d’euros.
Le troisième volet consiste en l’affectation à la CADES de nouvelles recettes, à hauteur de 3, 2 milliards d’euros par an.
Enfin, la mobilisation de la ressource et des actifs du Fonds de réserve pour les retraites constitue le quatrième volet.
Ce plan est ambitieux. Il a le mérite de répondre dans l’urgence à une situation d’urgence, mais il pourrait s’avérer insuffisant.
Primo, toute la dette à traiter a-t-elle été prise en compte ? On peut en douter : quid de la dette des branches maladie et famille après 2011, sachant que les projections pluriannuelles soulignent l’importance des déficits de ces branches au moins jusqu’en 2013 ? De plus, les concessions d’équité, par ailleurs pleinement justifiées, que le Gouvernement a faites en matière de retraites ont-elles été intégrées aux simulations ? Et quid du risque de taux ? Même si ce risque ne se réalise pas tout de suite, quelle sera l’incidence de l’inévitable remontée des taux sur le calendrier de l’amortissement de la dette sociale ?
Secundo, le plan a surtout été critiqué pour le caractère insuffisamment stable et dynamique des ressources nouvelles qu’il dégageait. Évidemment, cette critique n’est plus directement valable compte tenu de l’échange auquel a dernièrement procédé le Gouvernement. Finalement, les ressources nouvelles prélevées sur les sociétés d’assurances qui devaient être dévolues à la CADES seront affectées à la branche famille, en compensation de la fraction de CSG qui sera retirée à celle-ci au profit de la CADES.
L’image du jeu de bonneteau vient immédiatement à l’esprit. Cette solution en trompe-l’œil ne fait que reporter le problème plus loin : la taxation des réserves de capitalisation des sociétés d’assurances est une mesure à un coup, qui n’aura pas de portée au-delà de 2012. Le rendement de l’anticipation des prélèvements sociaux sur les compartiments « euros » des contrats d’assurance-vie multisupports devrait aussi s’effriter dès 2012, tout comme celui de la taxation des contrats complémentaires solidaires et responsables, du fait des arbitrages que feront les assurés.
La gestion de la dette sera en partie assurée, mais la branche famille, autrefois structurellement excédentaire, deviendra structurellement déficitaire, ce qui engendrera une nouvelle dette.
C’est pourquoi nous pensons qu’il est temps de relever la CRDS pour restituer à la branche famille sa fraction de CSG. La reprise de la croissance de la masse salariale le permet, et ce relèvement, salutaire pour les comptes sociaux, serait infime à l’échelle du contribuable. À l’instar de la commission des finances, nous avons déposé un amendement en ce sens.
Par-delà ce nécessaire ajustement, la crise actuelle de la dette pose avec une acuité nouvelle la question fondamentale des modalités de financement de la protection sociale. Le mode de financement actuel, aux huit dixièmes assurantiel, issu de l’après-guerre, est-il toujours le mieux adapté ? Sans doute pas.
Bien sûr, à court terme, la rénovation de l’assiette des prélèvements sociaux est nécessaire, et nous ne pouvons que nous réjouir de constater que, avec le renforcement des prélèvements sur les retraites chapeaux ou la majoration du taux des contributions sur les stock-options et actions gratuites, le présent PLFSS ne déroge pas à l’effort entrepris depuis maintenant plusieurs années pour supprimer les niches sociales les moins justifiables.
L’annualisation du calcul des allégements généraux de cotisations sociales témoigne même d’une volonté encore approfondie de rationaliser les choses. La commission des affaires sociales le réclamait dès l’année dernière ; nous ne pouvons qu’être satisfaits, monsieur le rapporteur général, de constater qu’elle a été entendue.