Outre ma fonction de vice-président de la Ffamco, je suis président de l'association des médecins coordonnateurs en Ehpad d'Alsace, région qui a été particulièrement touchée par ce tsunami ; je suis également médecin généraliste. En tant que médecin coordonnateur, j'ai vécu des périodes extrêmement difficiles.
Un véritable tsunami nous a donc submergés à partir de fin février, début mars. Nous avons le sentiment que les autorités avaient un train de retard à chaque fois. Nos expériences ont été parfois malheureuses, parfois heureuses, avec des solutions trouvées dans l'urgence reprises à l'échelon national ou dans d'autres régions.
Nous nous préparions depuis longtemps à ce genre de scénario, mais sans imaginer une telle gravité et une telle vitesse. Pour ce qui nous concerne, l'épidémie est partie de la région de Mulhouse et a déferlé en remontant vers le Bas-Rhin. Les questions ont été multiples. Comment travailler ? Comment et avec quels équipements l'affronter ? Certains avaient encore des masques à la suite de la pandémie H1N1, contrairement à d'autres. De nombreux médecins et professionnels de santé se sont exposés sans protection correcte et l'ont parfois payé de leur vie. Pour ce qui concerne les symptômes, alors que l'on parlait de fièvre, de toux et de dyspnée, nous observions chez des personnes âgées une faiblesse, des problèmes digestifs, des chutes, des pertes d'autonomie, de goût, d'odorat. Tous ces signes nous ont conduits à fermer très vite les Ehpad en Alsace, avant les directives officielles. Si le virus pénétrait dans les établissements, la cause était perdue.
Un effet domino a été observé, en raison de la problématique du « tout-15 ». Une grande partie des médecins généralistes ont été mis au chômage technique et leurs bras ont manqué. De plus, le centre 15 étant submergé, le temps d'attente pouvait aller jusqu'à trois heures.
Le premier message des autorités, inquiétant, a été de nous préparer à l'accompagnement de fin de vie, alors que notre volonté était de sauver les personnes âgées. Au mois de mars, j'ai recherché des soutiens auprès de l'hospitalisation à domicile, des soins palliatifs, des équipes mobiles gériatriques, des conseils départementaux, de l'ARS. C'est finalement par le biais de l'union régionale des médecins libéraux que nous avons pu commencer à travailler avec l'ARS mi-mars et à faire valoir des protocoles. Un guide édité par la Ffamco a été mis à disposition dès la troisième semaine de ce mois pour le Grand Est et un peu plus tard au niveau national.
Nous avons eu les tests trois semaines après le début de la pandémie et de façon parcimonieuse.
Nous nous sommes rendu compte que l'isolement des personnes âgées entraînait des troubles du comportement, le « syndrome de glissement », une perte d'autonomie, voire le décès.
L'annonce de la réouverture des Ehpad faite à la télévision le dimanche soir, la mesure entrant en vigueur le lendemain matin, a été mal vécue par mes confrères et les chefs d'établissement.
Le personnel a été exemplaire. Il est aujourd'hui épuisé. Tous ceux qui ont été confrontés à cette situation ont peur de la suite.