Nous entendons cet après-midi M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, pour la présentation de l'enquête sur la fraude aux prestations sociales demandée par notre commission des affaires sociales le 9 octobre 2019, en application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.
Au nom du président de la commission Alain Milon, retenu dans son département et que je vous prie de bien vouloir excuser, je souhaite la bienvenue à M. Moscovici dont c'est la première audition devant notre commission. Il est accompagné de Mme Michèle Pappalardo, rapporteure générale ; MM. Raoul Briet, président de chambre maintenu, contre-rapporteur ; Jean-Pierre Viola, conseiller maître, président de section, rapporteur ; Sébastien Dorlhiac, auditeur, rapporteur ; Mme Justine Boniface, auditrice, chargée de mission auprès du Premier président ; MM. Etienne Chantoin, chargé de mission à la direction de la communication ; et Clément Lapeyre, chargé de mission auprès de la rapporteure générale.
Cette audition, ouverte à la presse, fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site internet du Sénat qui sera consultable en vidéo à la demande.
La lutte contre la fraude sociale est une préoccupation ancienne et constante de la commission des affaires sociales du Sénat. Dans un rapport déposé en juillet 2017 au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), intitulé « Lutter contre la fraude sociale, un impératif pour le juste droit », nos collègues Agnès Canayer et Anne Emery-Dumas formulaient cinq préconisations : connaître et quantifier la fraude, renforcer les échanges entre les caisses, anticiper les schémas de fraude, faire évoluer le modèle déclaratif vers un recueil automatisé des données, mais aussi simplifier et unifier les définitions.
Depuis lors, notre commission a eu régulièrement à connaître de ces sujets de fraude, qui ont fait l'objet de dispositions en projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) souvent inspirées des dispositifs existants en matière fiscale.
La fraude sociale s'est cependant à nouveau invitée dans le programme de contrôle de notre commission à la suite de l'examen en séance publique du projet de loi portant mesures d'urgence économique et sociale.
Pour certains, la seule fraude à l'immatriculation à l'Assurance maladie représentait alors 14 milliards d'euros - assez pour financer les mesures dites « gilets jaunes » sans difficulté.
Le débat public sur la fraude sociale est un débat piégé : pour les uns, la fraude aux prestations se justifierait en quelque sorte par l'état de nécessité des fraudeurs, la difficulté de certains à accéder à leurs droits sociaux ou encore l'ampleur de la fraude aux cotisations, voire de la fraude fiscale ; pour les autres, la lutte contre la fraude serait le remède facile aux difficultés de nos finances publiques que, pour des raisons étranges, les pouvoirs publics ne peuvent se résoudre à activer.
Attachée à la notion de juste droit, notre commission a mandaté son rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, pour faire la lumière, avec une méthode robuste, sur la fraude à l'immatriculation, objet d'un rapport déposé en juin 2019.
Dans le même temps, le 28 mai 2019, le Gouvernement chargeait deux parlementaires, la sénatrice Nathalie Goulet et la députée Carole Grandjean, d'une mission sur la fraude sociale. Remis en octobre 2019, le rapport au Gouvernement concluait à l'impossibilité d'en établir un chiffrage.
La Cour des comptes ayant engagé des travaux de son côté, le président Milon a souhaité les reprendre sous la forme d'une enquête commandée par la commission. Il indique dans son courrier d'octobre au Premier président d'alors, Didier Migaud : « Ce sujet fait l'objet d'un débat public qu'il me semble nécessaire de structurer par des données objectives produites selon une méthodologie étayée ».
C'est donc cette enquête que vous nous présentez aujourd'hui. Eu égard au montant des prestations sociales servies dans notre pays, soit quelque 800 milliards d'euros sur le champ le plus large, il est évident que la fraude existe et qu'elle doit être combattue. L'enjeu consiste à déterminer à quel niveau elle se situe précisément et comment les priorités doivent être hiérarchisées.
Monsieur le Premier président, je vous cède la parole avant d'inviter le rapporteur général puis les collègues qui le souhaitent à vous interroger.