Intervention de Alain Fouché

Mission d'information Fonctionnement fédérations sportives — Réunion du 8 septembre 2020 à 9h35
Adoption des conclusions de la mission d'information

Photo de Alain FouchéAlain Fouché, rapporteur :

Nous arrivons donc au terme de nos travaux. Je vous remercie de vous être libérés pour participer à cette réunion conclusive. Permettez-moi également de remercier le président de notre mission pour son soutien et son expertise sur le monde du sport, qui m'ont été précieux pendant toutes ces semaines pour mener notre travail.

Nous avons travaillé, je crois, avec le souci de rechercher le consensus le plus large afin de dégager quelques grandes priorités que les sénateurs pourront faire valoir dans le cadre d'un prochain débat sur une loi consacrée au sport. Nos nombreuses auditions ont, en effet, mis en évidence que le secteur du sport avait à la fois besoin du soutien de la puissance publique pour traverser la crise engendrée par la pandémie et de poursuivre sa transformation afin de pouvoir mieux répondre aux attentes de la société.

Le soutien des pouvoirs publics ne semble pas complètement assuré si l'on en croit les annonces du plan de relance faites par le Premier ministre la semaine dernière. Comme l'a justement remarqué notre collègue Michel Savin, « le sport est le grand oublié du plan de relance », ce qui nous rappelle que notre pays n'a jamais considéré le sport comme une priorité.

Cet intérêt toujours limité des pouvoirs publics pour le secteur du sport limite, par définition, la capacité de l'État à intervenir pour imposer des changements dans l'organisation du sport français. La création de l'Agence nationale du sport a, certes, constitué une évolution majeure pour favoriser une gouvernance plus partenariale, mais certains observateurs n'ont pas manqué de constater qu'il s'agissait aussi pour l'État de conserver une capacité de décision importante, sans rapport avec la réalité du poids des crédits qu'il apporte, l'essentiel des financements étant, nous le savons tous, le fait des collectivités territoriales.

Le principal enseignement de nos travaux est donc notre souhait réaffirmé que la liberté d'organisation des fédérations sportives soit pleinement respectée. Comme j'avais déjà eu l'occasion de le rappeler, cette liberté découle directement du principe de la liberté associative, que le législateur se doit de respecter et de défendre. Elle s'impose d'autant plus dans un contexte marqué par le désengagement de l'État, qui veut continuer à décider sans contribuer financièrement. Des évolutions sont, certes, nécessaires, mais nous devons les accompagner sans les imposer, poser des jalons respectueux des spécificités de chaque fédération. On ne peut en effet comparer les disciplines qui ont des moyens, des effectifs et des traditions très différentes.

Je vais revenir dans un instant sur la vingtaine de propositions que nous souhaitons verser au débat. Elles peuvent, dans certains cas, se rapprocher de préconisations qui ont pu être faites dans plusieurs rapports récents ; certaines autres sont innovantes et devront être largement débattues avec les différentes parties prenantes. Nous souhaitons en tout cas positionner nos travaux comme une contribution au projet de loi sur le sport, sur lequel le ministère a travaillé ces derniers mois, et qui pourrait venir en débat en 2021 au Parlement.

L'esprit des conclusions que je vous présente ce matin se retrouve dans le titre que nous avons choisi : « Mutualiser, renouveler et légitimer pour affûter l'esprit d'équipe des fédérations sportives ».

Ce titre n'est pas anodin, car il s'agit bien de faire évoluer l'état d'esprit de la gouvernance des fédérations pour associer davantage tous les acteurs concernés, avec un objectif assumé de renforcement de leur autonomie.

La réforme à venir pourrait reposer, selon nous, sur quatre principes.

Tout d'abord, parfaire la réforme de l'organisation de notre modèle sportif en consolidant l'existence d'une politique nationale du sport à travers le maintien d'un ministère des sports doté d'un pouvoir d'impulsion fort, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il y a un risque de disparition de la politique nationale du sport, qui tient à la fois au développement du sport business et au retrait de la puissance publique, ce dont témoigne le rattachement de l'administration du sport au ministère de l'Éducation nationale.

Ensuite, préserver l'accompagnement public des fédérations (conseillers techniques sportifs - CTS - et subventions), tout en renforçant leur capacité d'initiative dans le respect du principe de la liberté d'association. C'est l'existence d'un levier public à travers des subventions et des dotations en personnel qui permet de légitimer l'action de l'État dans le sport. La suppression de ce levier reviendrait à couper le lien entre le sport et le concept même de politique publique visant à défendre l'intérêt général à travers le sport. J'ai entendu récemment que la ministre n'envisageait désormais plus de transférer les CTS aux fédérations, ce qui est une bonne chose.

Par ailleurs, renforcer les modalités de désignation des dirigeants des fédérations et moderniser le statut de ces derniers pour favoriser le renouvellement et la professionnalisation. Le renforcement de la légitimité des fédérations constitue une étape indispensable à l'accroissement de leur rôle. Il passe par des évolutions progressives et concertées dans la gouvernance.

Enfin, accroître la transparence financière des fédérations pour accentuer leur légitimité et promouvoir l'autonomie financière du sport grâce aux revenus qu'il génère. Ce dernier point est également fondamental, puisque les fédérations se voient souvent reprocher une forme d'opacité financière.

Nous avons déjà eu l'occasion la semaine dernière d'échanger sur la vingtaine de propositions du rapport. Je ne reviendrai donc pas sur la totalité d'entre elles. Je souhaite seulement insister sur les principales en vous indiquant, par ailleurs, les modifications apportées à plusieurs d'entre elles afin de tenir compte de nos échanges.

Concernant le maintien d'une politique nationale du sport, il nous semble que la création de l'Agence nationale du sport a sans doute eu pour conséquence un affaiblissement excessif du ministère des Sports. Sans revenir sur l'existence de cette agence, nous sommes nombreux à estimer nécessaire de mieux articuler la relation institutionnelle entre l'État et l'Agence en confiant sa présidence non exécutive au ministre en charge des sports. L'ANS a une responsabilité primordiale dans les choix d'investissement au niveau local et dans la politique en faveur des athlètes de haut niveau. Cette responsabilité doit relever davantage du politique que de la haute administration. Je précise que l'Agence ayant le statut de groupement d'intérêt public (GIP), rien ne s'oppose à ce que sa présidence soit exercée par un membre du Gouvernement.

Une autre évolution importante devrait porter sur la régulation des relations entre les différents acteurs et le contrôle des bonnes pratiques. L'État, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), les fédérations et l'ANS se fixent des objectifs, mais il n'existe pas d'institution chargée d'évaluer les résultats. Concernant la gouvernance, il n'existe pas non plus d'instance de recours qui pourrait veiller au bon déroulement des élections et au respect du pluralisme. Nous pensons qu'une réflexion pourrait être menée sur l'intérêt de créer une « Haute autorité du sport », qui serait chargée de veiller au bon fonctionnement de tous les organes qui concourent à la politique du sport. Ainsi, un parlementaire en mission pourrait être nommé afin d'évaluer les avantages et les inconvénients que présenterait la création d'une nouvelle autorité, qui devrait être légère dans son fonctionnement et peu coûteuse dans son organisation.

Il est un autre domaine dans lequel une meilleure régulation pourrait être utile, c'est la gestion des calendriers des compétitions. Avec la multiplication des épreuves nationales et internationales, ce sont souvent les équipes nationales, d'une part, et la santé des sportifs, d'autre part, qui deviennent des variables d'ajustement. Il est temps de se pencher sur cette épineuse question des calendriers afin de rappeler que les joueurs et les équipes nationales ne sont pas moins essentiels que les lucratives compétitions européennes et nationales des clubs. Cette préoccupation s'inscrit pleinement dans notre souci de préserver une politique nationale du sport.

Une quatrième proposition importante concerne la rémunération des dirigeants. Davantage de professionnalisation doit aller de pair avec des rémunérations plus en phase avec les responsabilités exercées. C'est un principe de bon sens pour attirer les talents.

Toujours dans l'idée de professionnaliser les fédérations, il nous semble nécessaire de les inciter à regrouper leurs moyens pour gagner en expertise. Nous n'avons pas souhaité proposer le regroupement des fédérations, même si le nombre de fédérations sportives est beaucoup plus restreint dans des pays comme l'Allemagne. Il nous semble plus pertinent de proposer des incitations financières pour favoriser des partages de compétences, notamment dans le domaine du marketing. L'ANS pourrait être chargée de concevoir et financer ces incitations.

Nous souhaitons également renforcer la légitimité du fonctionnement des fédérations, tout en respectant les principes de la liberté associative. Nous avons entendu qu'il pourrait être difficile de s'en remettre uniquement au suffrage universel des clubs pour désigner les instances nationales - la fédération française de rugby (FFR) semble réussir à le faire, mais le nombre de ses clubs est assez restreint. C'est pourquoi nous avons retenu l'idée de créer des collèges afin de représenter les clubs, les sportifs, les encadrants, mais nous souhaitons aussi que les clubs, les petits clubs, même, constituent le principal collège afin de donner un caractère plus représentatif aux élections fédérales.

Concernant le nombre de mandats des présidents de fédération, les représentants des fédérations et du CNOSF se sont entendus pour les limiter à trois mandats successifs. Nous ne reprenons pas la proposition dans les conclusions au nom du respect de la liberté associative, mais nous prenons bonne note de la demande exprimée par les représentants du secteur du sport.

Je rappelle que nous avons aussi abordé la question de la formation dispensée par les fédérations et la nécessité de pouvoir mieux reconnaître leurs titres de formation afin de pouvoir faciliter les embauches, notamment par les collectivités territoriales. Il existe aujourd'hui des rigidités difficilement compréhensibles qu'il convient de lever.

Un autre sujet essentiel concerne la transparence financière. Les fédérations ont sans nul doute des progrès à faire en ce domaine, même si, je le rappelle, il n'a pas été question d'irrégularités. C'est pourquoi nous proposons de préciser le contenu du règlement financier des fédérations et de compléter les procédures financières. Nous proposons également d'inciter les fédérations sportives à intégrer dans leurs règlements financiers les grands principes de la commande publique.

Dernier point, mais pas le moindre, il nous semble nécessaire d'inscrire dans la loi le principe selon lequel « le sport est financé par le sport », ce qui revient à engager un déplafonnement des prélèvements opérés sur le sport. Je note que les crédits dégagés par la « taxe Buffet » sont progressivement noyés dans le budget de l'État. La situation très précaire des fédérations et des clubs constitue un motif supplémentaire pour réaffirmer un principe fondamental de solidarité entre les disciplines et de durabilité dans le financement du sport.

Voilà, monsieur le président, les quelques points sur lesquels je souhaitais revenir afin de vous exposer le plus précisément possible les quelques ajustements auxquels nous avons procédé afin de rendre le plus fidèlement possible compte de nos travaux.

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