Intervention de Antoine Karam

Mission d'information Trafic de stupéfiants en provenance de Guyane — Réunion du 15 septembre 2020 à 11h00
Examen du rapport

Photo de Antoine KaramAntoine Karam, rapporteur :

Merci pour ces remarques pertinentes.

Je recherche toujours le consensus, car il faut réussir ce pari, dans l'intérêt des Guyanais. Après 44 ans de mandat électif, je tire ma révérence. Je viens du mouvement sportif ; j'ai été le plus jeune président de ligue d'athlétisme. Persuadé que le sport était le meilleur paravent contre les fléaux sociaux, j'ai plaidé pour des équipements sportifs, j'ai fait manifester trois mille personnes pour obtenir une piste d'athlétisme conforme en Guyane. Mais même avec des équipements de quartier partout, des terrains de foot, des panneaux de baskets, cela ne suffit pas. La population guyanaise a quintuplé en quarante ans ! Quand j'ai entamé ma carrière d'enseignant en 1976, Saint-Laurent-du-Maroni comptait 5 000 habitants ; ils sont aujourd'hui 50 000, et seront 130 000 en 2032 !

Pour nos voisins d'Amérique du Sud, nous sommes attractifs. Chaque jour, des centaines de Brésiliens entrent en Guyane, malgré la fermeture des frontières. Le Maroni n'est pas une frontière mais un lieu de circulation. Des enfants du Suriname vont à l'école en Guyane, des mères viennent accoucher dans nos maternités... La population explose, et 43% a moins de 23 ans.

Les jeunes prennent des risques. J'en ai rencontré qui me disaient être prêts à risquer un an de prison - qui sera ramené à six mois, vu la surpopulation carcérale - et à recommencer une fois sortis, car avec les 3 000 euros que leur rapporte le trajet, ils font vivre leur famille.

La pire des choses serait que ce rapport finisse dans un tiroir. C'est pourquoi nous avons rencontré ce matin le directeur de cabinet de la direction générale des outre-mer au ministère des outre-mer, qui connaît bien la Guyane. Les outils juridiques permettant d'alléger les procédures existent déjà, les acteurs doivent s'en saisir. Les douaniers se plaignent de manquer d'effectifs ; débordés, ils demandent à être mutés. Les élus savent qu'il faut faire plus, construire des équipements. La Guyane est le seul territoire où l'on construit chaque année des centaines de places à l'école primaire, un lycée tous les deux ans, deux collèges par an ! Il faut une vision globale.

En 1995, alors que je présidais la région, j'avais demandé à Jacques Chirac quelle était l'ambition de la France pour la Guyane, hormis le spatial. Poser la question, c'est y répondre : seul importe que la fusée décolle à l'heure ; la mission des préfets est de gérer la paix sociale pour éviter les clashs. Cela ne suffit pas.

Il faut apporter des réponses, accentuer la répression mais aussi la prévention et la coopération. Le Brésil, la Colombie, le Venezuela sont marqués par l'instabilité politique. La France doit peser de tout son poids dans la coopération internationale pour que la Guyane cesse d'être un lieu de transit de la drogue. J'ai vu nos jeunes en prison en France - y compris des jeunes femmes, qui accouchent à Fresnes ! C'est dramatique. Ce rapport se veut un plaidoyer pour inverser la tendance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion