Intervention de Claude Jeandel

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 8 septembre 2020 à 17h30
Audition du pr claude jeandel président du conseil national professionnel de gériatrie

Claude Jeandel, président du conseil national professionnel de gériatrie :

Je m'exprime aujourd'hui au nom du Conseil professionnel de gériatrie, instance qui fédère huit composantes nationales représentatives des différents métiers de l'exercice gériatrique : une société savante, la société française de gériatrie-gérontologie ; une société universitaire, le collège national des enseignants de gériatrie ; deux fédérations, l'association des médecins coordonnateurs d'Ehpad, le syndicat national de gérontologie clinique ; le syndicat CSMF (Confédération des Syndicats Médicaux Français) des médecins coordonnateurs ; les médecins gériatres libéraux et enfin l'association des jeunes gériatres.

Dès la mi-mars, nos instances ont entretenu des relations très proches avec les cabinets du ministère des Solidarités et de la Santé, puis avec Matignon et les administrations centrales. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) organisait également des réunions mensuelles auxquelles je participais. Nous étions de plus en lien avec la direction générale de l'offre de soins (DGOS), avec les agences régionales de santé (ARS) au niveau régional ainsi qu'avec le conseil scientifique qui nous a interrogés.

Le 20 mars 2020, avec dix autres organismes nationaux, représentant l'ensemble du secteur - la fédération hospitalière de France (FHF), le syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa), les différentes associations de directeurs d'établissement et de soins à domicile et l'Uniopss - nous avons attiré l'attention du ministère sur les équipements de protection individuelle (EPI), et particulièrement les masques, qu'il nous paraissait urgent de mettre à disposition des résidents des Ehpad et des personnels. Nous avions estimé à 500 000 le nombre de masques nécessaires par jour pour les Ehpad uniquement, à savoir 60 masques pour un Ehpad de 80 places, soit 5 masques par jour et par personne.

Dans cette même correspondance, nous faisions référence aux difficultés d'accès des résidents des Ehpad à l'hospitalisation. Les mesures ont été mises en place de manière graduelle pour doter en EPI ces établissements.

Une seconde correspondance du 26 mars attire l'attention sur la nécessité d'identifier les personnes à risque, dans les Ehpad, mais aussi à domicile pour les personnes vulnérables - âgées de plus de 75 ans ou présentant des facteurs de comorbidité tels que des polypathologies ou des infections. Nous avions différencié trois situations :

- les résidents d'établissement étant soit en soins palliatifs, soit en fin de vie, pour lesquels la prise en soin doit être assurée là où ils sont hébergés ;

- les résidents qui présentent une suspicion de covid-19 et dont le pronostic vital n'est a priori pas en jeu au regard de leur morbidité et des premières manifestations de la maladie ;

- les résidents présentant une infection sur un organisme vulnérable, accompagnée de signes de détresse respiratoire ou en tout cas de formes cliniques préoccupantes justifiant le recours à l'hospitalisation.

Je rappelle que les Ehpad, par leur histoire, ne sont pas à même d'assurer des soins continus chez des patients à risque de décompensation d'organe. La covid est un des facteurs pronostics et survient sur des organismes fragilisés. La permanence infirmière n'est notamment pas assurée la nuit dans ces établissements.

Nous avons annoncé neuf mesures afin d'atténuer l'impact de l'infection de covid-19 : garantir l'accès à l'hospitalisation des résidents et des personnes âgées vivant à domicile, suspectées ou confirmées et dont le pronostic vital est engagé ; permettre le recours à l'expertise gériatrique et en soins palliatifs en renforçant les équipes mobiles se déplaçant dans les établissements ; faciliter l'accès aux tests PCR au sein des Ehpad et à domicile et garantir leurs conditions de réalisation ; renforcer l'encadrement médical des Ehpad et garantir le financement d'une permanence infirmière de nuit ; assurer une permanence de gériatres 24 heures sur 24 par territoire, ce qui a été mis en place au travers d'une plateforme ; autoriser le recours aux molécules réservées à ce jour à l'usage hospitalier. Un décret a mis en place cette mesure quelques jours plus tard ; élargir les autorisations de prescriptions du médecin coordonnateur dans cette situation exceptionnelle ; permettre la mise en oeuvre par l'infirmière de la prescription réalisée à distance par le médecin ; engager rapidement un essai clinique sur le volet recherche.

Ces mesures ont pour la plupart d'entre elles été suivies de réponse. J'ai ici une fiche ARS, intitulée « Stratégie de prise en charge des personnes âgées en établissement et à domicile dans le cadre de la gestion de l'épidémie de Covid 19 » qui reprend en grande partie ces éléments. Nous avons élaboré un logigramme pour aider à la prise des décisions des établissements, en tenant compte de différents paramètres.

Je voudrais mentionner une correspondance du 10 avril, qui attire l'attention sur les effets potentiellement délétères du confinement, en incitant à mettre en place des solutions impliquant l'ensemble des professionnels de santé libéraux, les médecins généralistes et les spécialistes.

Enfin, une correspondance du 11 avril, à la demande du cabinet du ministre, a trait à la doctrine à établir quant à la réalisation de tests en Ehpad, en insistant sur la nécessité de tester l'ensemble des résidents et soignants dès l'apparition d'une suspicion d'infection.

Ces réflexions se sont traduites par la révision d'un manifeste publié en 2019, comportant initialement quinze mesures et élargi à 22 mesures en 2020. Certaines ont fait leurs preuves pendant cette crise. Je pense notamment aux plateformes gériatriques qui font l'interface entre l'Ehpad, l'hôpital et le domicile, la nécessité de revoir la dotation des Ehpad en matière de moyens humains avec un ratio de soignants minimal pour un Ehpad de 80 places, le fait de permettre aux médecins de se déplacer plus volontiers au domicile pour tenir compte de la spécificité des personnes à domicile qui sont GIR 1, 2 ou 3 et se déplacent difficilement. D'autres mesures avaient trait à la spécialité que je représente, à savoir la nécessité de revoir le nombre de gériatres qualifiés.

Je m'arrête ici pour respecter le temps de parole qui m'est attribué.

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