Nous avons convenu avec M. Wu que je ne répèterai pas ce qu'il vient de dire, et que je reprends à mon compte. L'expérience de Taïwan est unique : celle d'une île directement exposée à la pandémie qui, parce qu'elle a réagi immédiatement, en est indemne, comptant seulement 500 cas et 7 morts. Cette réussite tient à l'anticipation : avant même que la covid-19 ne se manifeste à Taïwan, tout le monde était prêt, du chef de l'État au simple citoyen. La clé, c'est l'expérience acquise avec le traumatisme du SRAS. Le phénomène s'est produit aussi à la suite d'un tremblement de terre survenu en 1999, lequel a occasionné une reprise en main des outils de gestion de crise.
Les autorités ont agi rapidement et avec cette conscience que dans une société démocratique, l'efficacité dépend de la confiance envers les autorités. Mes interlocuteurs me l'ont répété, une fois que les mesures prises avaient démontré leur efficacité et qu'ils étaient en confiance. Le point d'information quotidien, suivi par toute la population, et animé par le ministre de la santé - dont la popularité culmine aujourd'hui à 90% -, est un élément majeur de la stratégie.
Deuxième exemple, les masques. Lorsque, début janvier, le risque a été identifié, la production nationale atteignait 2 millions d'unités par jour, loin de suffire aux besoins ; en cinq mois, elle a décuplé, passant à 20 millions d'unités quotidienne. Comment cela a-t-il été possible ? Dès janvier, le ministère des finances a débloqué des fonds pour l'achat de machines en Allemagne, l'armée a été mobilisée pour les monter, et elles ont été mises à disposition des industriels, qui sont les mieux placés pour la fabrication de masse. La montée en puissance a été si rapide et maîtrisée que, dès le début mars, mes interlocuteurs du ministère de l'économie se montraient sereins et tout à fait disposés à partager leur expérience. Cette production de masques a donc vite permis de lever une pression de la population, qui a pu être approvisionnée de manière efficace.
Chaque nation a sa propre expérience, le résultat taïwanais tient à des raisons objectives. Aujourd'hui, les autorités taïwanaises se trouvent comme piégées par la qualité de leur gestion, car la population ne supporte pas l'idée que le virus entre sur l'île et elle demande des contrôles toujours plus stricts et rigoureux, ce qui peut aller contre l'intérêt de l'économie de l'île, si ouverte sur le monde - j'ai participé à une réunion où les représentants des pays européens demandaient plus de souplesse, au moins pour les entreprises.