Intervention de Rémy Pointereau

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 9 juillet 2020 à 9h30
Ancrage territorial de la sécurité intérieure — Examen du rapport d'étape

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau, rapporteur :

Ce rapport d'étape sera complété par un rapport définitif publié d'ici la fin de l'année. Nous lancerons ensuite avec Corinne Féret un nouveau cycle d'auditions, afin d'entendre notamment le nouveau directeur général de la police nationale, les associations d'élus locaux, les syndicats de police et le ministère de la Justice. Nous envisageons des déplacements sur le terrain pour étudier les bonnes pratiques, fidèles à la tradition de notre délégation.

Lorsque nous avions commencé nos travaux, l'actualité était à la lutte contre le terrorisme. Désormais, la question des rapports entre la police et les citoyens se pose. Mais nous n'aborderons pas, à chaud, le sujet des techniques d'interpellation par exemple. Je rappelle que la commission des Lois a lancé une mission d'information sur le sujet, or nous savons travailler en bonne intelligence avec les commissions permanentes.

Que pouvons-nous dire de la sécurité sous le prisme des collectivités territoriales ? Plusieurs facteurs conditionnent l'ancrage territorial de la sécurité intérieure. D'abord, c'est la présence de nos forces sur le terrain, c'est-à-dire la police et la gendarmerie. Elles sont à la recherche d'une implantation équilibrée sur le territoire puisque la géographie de la délinquance et de la criminalité a volé en éclats. Cela impose de sortir des schémas classiques et de s'émanciper parfois des frontières administratives pour coller aux bassins de délinquance. Ensuite, l'ancrage dépend de la complémentarité et de l'enracinement de ces deux forces dans tous les territoires.

Nous devons nous attacher à préserver leur maillage territorial. La mutualisation, notamment des patrouilles, nous inquiète. Elle peut en effet se traduire par une diminution de la présence territoriale de nos forces, une plus faible connaissance du terrain et des élus locaux par les personnels, ou encore des délais d'intervention rallongés.

Il ne faut pas sous-estimer les difficultés de logement rencontrées par les agents et penser à l'attractivité de certains territoires où les forces de police ne peuvent plus se loger.

S'agissant de la formation, l'ancien ministre de l'Intérieur, M. Castaner, avait réfléchi à une réforme qui allongerait la formation des policiers à 24 mois au lieu de 16. Surtout, la répartition entre formation initiale en école et périodes de stages sur le terrain serait inversée pour privilégier la formation continue. Nous ne pouvons qu'encourager cette piste de réforme, car il est indispensable que les agents déployés soient préparés à aller sur le terrain. Nous devons sortir du syndrome, qui existe à l'Éducation nationale, consistant à affecter les jeunes recrues aux terrains les plus difficiles. Ce n'est pas forcément la meilleure formule.

Vient ensuite la question des moyens. Les agents se plaignent de locaux vétustes, d'uniformes vieillissants, d'armes obsolètes, de véhicules dépassés, alors qu'en face, les criminels sont montés en gamme, avec des armes de guerre ou des berlines ultrapuissantes, ce qui crée une dangereuse asymétrie des moyens. Même les casseurs qui infiltrent les mouvements sociaux depuis une dizaine d'années sont désormais suréquipés en casques ou protections en tous genres. Je crois qu'il y va de l'image de l'État régalien. Comment celui-ci peut-il imposer l'autorité s'il est en haillons ?

La stratégie nationale de prévention de la délinquance a su évoluer pour prendre en compte le caractère protéiforme des menaces. Nous avions auditionné le préfet Frédéric Rose, qui anime le fameux CIPDR, qui prend aussi en compte les dérives sectaires, puisqu'il a absorbé la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), la lutte contre la radicalisation et, plus récemment, la lutte contre l'islamisme et le communautarisme. Reste à s'assurer de sa mise en oeuvre, en lien avec les élus.

Nous avons un motif de satisfaction à ce stade, puisque la nouvelle stratégie 2020-2024 met l'accent sur le renforcement des actions partenariales avec les élus locaux selon quatre priorités : les jeunes, qui entrent de plus en plus tôt dans la délinquance ; les personnes vulnérables, qui nécessitent un accompagnement social ; le rapport à la population, avec des innovations telles que les Groupes de partenariat opérationnel (GPO) associant habitants des quartiers, élus et bailleurs sociaux ; la gouvernance locale, notamment le couple préfet-maire, dont on a vu qu'il était fondamental lors de la crise sanitaire.

L'ancrage territorial de la sécurité impose de nouer des relations privilégiées avec la population et les élus locaux pour être au plus près des réalités des territoires.

S'agissant des relations avec les citoyens, je n'ai pas peur de dire que la sécurité doit être l'affaire de tous. Dans un contexte budgétaire et humain contraint pour l'État, les citoyens peuvent devenir des acteurs à part entière de la sécurité : songeons aux dispositifs « Attentifs ensemble » de la RATP, « Voisins vigilants » ou « Participation citoyenne » de la gendarmerie. Ces actions offrent un cadre institutionnalisé, car il faut justement éviter que des initiatives privées ne conduisent aux milices,à l'autodéfense ou à la sauvagerie, comme nous l'avons vu à Dijon récemment.

Nouer des relations avec les citoyens c'est aussi réinvestir les quartiers et la proximité. C'est le sens même des quartiers de reconquête républicaine, dont le but est de regagner la confiance de la population. Évidemment, la police de sécurité du quotidien (PSQ) s'inscrit aussi dans cet objectif. Nous pensons tous à la police de proximité créée par Jean-Pierre Chevènement et disparue en 2003. On nous a dit que la PSQ était une police sur mesure cette fois, adaptée à chaque territoire, bénéficiant d'une déconcentration opérationnelle et plus étroitement associée aux maires. Avec Corinne Féret, nous allons le vérifier.

La gendarmerie n'est pas en reste, puisqu'elle aussi a développé des dispositifs pensés pour renforcer la proximité avec la population : Brigades territoriales de contact (BTC), déployées dans la « France périphérique » ; Brigade du numérique (BNUM), inaugurée en 2018. Ces dispositifs montrant montrent que l'ancrage territorial c'est aussi la capacité à s'adapter aux mutations de notre société

Je ne suis pas certain de comprendre le sens de ce passage ici au regard de ce qui précède.

. Elle a d'ailleurs connu un pic d'activité pendant la période de confinement. S'agissant ensuite des relations avec les élus locaux, la tendance est au partenariat opérationnel, voire à la contractualisation.

Bien sûr, le nerf de la guerre, c'est l'information : kit pour accompagner les élus ; vidéoprotection ; accès aux données et aux chiffres de la délinquance pour les élus. L'autre axe, c'est la coopération avec les services de l'État, au sein des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Sur l'information et la coopération, il faudra trancher la question de l'accès des élus locaux aux fichés S. Je rappelle que les maires peuvent déjà consulter le Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT).

On peut, à ce stade, se féliciter que les élus soient associés aux Cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF), et pour certains territoires aux Cellules de lutte contre l'islam radical et le repli communautaire (CLIR), déjà installées dans 83 départements. Enfin, il faudra pérenniser les dispositifs de formation des élus locaux.

J'ai rencontré lundi dernier le commandant du groupement de gendarmerie de mon département - Corinne Féret a fait de même. Il a évoqué l'idée d'un schéma de cohérence territoriale de la sécurité, que j'ai trouvée tout à fait intéressante.

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