Intervention de Corinne Feret

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 9 juillet 2020 à 9h30
Ancrage territorial de la sécurité intérieure — Examen du rapport d'étape

Photo de Corinne FeretCorinne Feret, rapporteure :

Au-delà de la question des périmètres de l'action publique et de celle du partage des tâches entre des acteurs multiples, la qualité de l'ancrage de la sécurité dépend aussi des capacités d'anticipation et de réaction de nos forces.

D'abord, il ne peut y avoir une réactivité satisfaisante sans un renseignement territorial de qualité. Les évènements récents de Dijon l'ont prouvé. Il faut une connaissance du terrain et des acteurs locaux. Les modifications successives et incessantes de l'architecture du renseignement territorial interrogent.

Au-delà du renseignement, la capacité de déploiement de nos forces de sécurité est devenue primordiale. Elles doivent être capables de réagir immédiatement, avec la même rapidité que les délinquants eux-mêmes, ce qui exige un maillage resserré. La puissance des réseaux sociaux est telle qu'elle permet la mobilisation expresse de groupes ou d'individus dangereux. Comme les Brigades mobiles de Clemenceau en leur temps, nos forces de sécurité doivent être adaptées aux mutations de la délinquance contemporaine.

L'autre grand sujet, à cheval sur la question des périmètres et des acteurs et sur les capacités de déploiement, c'est celui des polices municipales. Les maires sont des acteurs à part entière de la politique de sécurité. La montée en puissance progressive des polices municipales illustre cette prise de conscience. Elles se sont institutionnalisées, professionnalisées et banalisées dans le paysage policier français. Se pose bien sûr la question du rapport avec les autres forces régaliennes. Aujourd'hui, la rivalité est dépassée. C'est la complémentarité qui prime, car les policiers municipaux ont su trouver leur place. L'heure est à la consolidation de ces forces au sein d'un continuum de sécurité, et à la réduction de l'hétérogénéité entre les communes, qu'il s'agisse de l'armement, des moyens humains et matériels, des véhicules, voire de l'assistance de la vidéoprotection. Il faut poursuivre leur institutionnalisation et améliorer l'articulation avec les autres forces de police.

Enfin, pour terminer cette présentation du rapport d'étape, nous devons nous arrêter sur d'autres maillons qui conditionnent la solidité du chaînage de la sécurité intérieure, et d'abord les politiques publiques et les acteurs non étatiques. Travailleurs sociaux, médiateurs, personnels de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et de nombreux ministères et administrations participent déjà à la production de la sécurité de nos concitoyens. Tout ne dépend pas de la place Beauvau.

La sécurisation des espaces collectifs n'est plus l'apanage des seules forces de sécurité étatiques. La sécurisation de la RATP est dévolue au Groupement de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) tout comme au service de la Sûreté ferroviaire à la SNCF. Ce sont des personnels dont nous avons pu redécouvrir le rôle-clé lors de la crise sanitaire, au moment où il fallait faire respecter les consignes de port du masque par exemple.

De façon plus générale, on peut aussi mentionner la codépendance entre les besoins en sécurité intérieure et les politiques d'urbanisme.

D'autres forces se sont imposées depuis une vingtaine d'années dans le continuum de sécurité : les acteurs de la sécurité privée. Avec la montée du terrorisme, les besoins ont augmenté et ils sont devenus indispensables dans de nombreux secteurs. Au total, près de 175 000 salariés participent aujourd'hui à la sécurité quotidienne de nos concitoyens. C'est un gisement d'emplois considérable et un secteur en pleine croissance. À ce stade, nous avons identifié le besoin de renforcer les partenariats avec les forces régaliennes ; la nécessaire montée en gamme des agents de sécurité privée par une amélioration de la formation notamment ; et la poursuite de la régulation du secteur.

Dernier maillon de la chaîne de la sécurité, qui n'est pas le moindre même si on l'oublie souvent : la justice, car sans justice pénale ni sanctions, l'ancrage territorial de sécurité est inopérant.

À ce stade, nous devons pérenniser les outils de dialogue avec l'institution judiciaire : sur le partage d'information, dans le cadre de conventions avec la justice ou encore dans le cadre des maisons de la justice et du droit. Il faudra sans doute renforcer les outils partenariaux, poser la question des moyens de la justice ainsi que celle des réponses pénales jugées insuffisantes de la part de nos forces de police.

La crise de la covid-19 a montré que la sécurité devait être appréhendée comme un sujet global, à construire avec les acteurs locaux. Ce que nous avons vécu est une preuve supplémentaire de la nécessité de poursuivre les coopérations et la territorialisation de nos politiques de sécurité. En un mot, nous avons besoin des collectivités - je sais que vous n'en doutiez pas.

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