Effectivement, l'adaptation pour les normes applicables aux outre-mer est possible depuis longtemps, puisque l'on trouve encore dans le droit des outre-mer des fragments de droit colonial. La révision de 2003, amplifiée en 2008, a fortement changé la situation, via notamment cette question de l'habilitation. Les réserves les plus fortes ont été émises par un certain nombre de Réunionnais, notamment un sénateur. À mon sens, l'habilitation et la possibilité pour les collectivités territoriales d'outre-mer de créer leurs propres normes à l'issue d'une délégation, par le biais soit du Parlement, soit du Gouvernement, demeurent extrêmement importantes pour des raisons d'efficacité des politiques publiques, des raisons politiques, juridiques et psychologiques. Vous avez évoqué la culture outre-mer ; ce terme me semble important. L'habilitation offre aux collectivités territoriales d'outre-mer la possibilité de s'approprier les normes, pour les élus comme les citoyens. Je continue donc à défendre cette voie. L'expérience de la Guadeloupe démontre que celle-ci présente des difficultés et peut être coûteuse. Elle peut néanmoins être utilisée. Les délégations du Sénat et de l'Assemblée nationale peuvent faire office de point de rencontre pour les collectivités qui auraient certains besoins. La direction générale des outre-mer du ministère (DGOM) pourrait elle aussi jouer un rôle. Une série de partenaires institutionnels doit ainsi être mobilisée en vue de mettre en commun des compétences, afin de permettre à des collectivités d'avancer dans cette voie. Certaines collectivités, comme la Martinique, ont bénéficié de ces habilitations et le pourraient encore.
La voie de l'expérimentation s'ouvre également, bien qu'elle n'ait pas rencontré un grand succès dans l'hexagone ou outre-mer. La situation a cependant évolué. La décision récente du Conseil d'État au sujet de la Guyane rouvre une voie. Jusqu'à présent, une expérimentation, si elle était réussie, était généralisée à l'ensemble du territoire de la République, ou il y était mis fin. Le Conseil d'État a en l'occurrence ouvert une nouvelle voie pour les outre-mer, reposant sur leurs spécificités, notamment en matière de demande d'asile. Ainsi, une expérimentation réussie sur un territoire donné peut être poursuivie pour ce territoire uniquement, ce qui revient à créer une norme propre.
J'insiste à nouveau sur la défense de l'habilitation, avec l'optique de permettre une appréciation et un changement culturel quant à l'idée que les collectivités territoriales sont capables de créer leurs propres normes. Bien souvent, elles sont plus efficaces, comme en témoignent les exemples de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie.