Je me considère comme un « grand témoin » après 40 ans de ce combat mené par mon territoire et d'autres territoires pour un changement ou une évolution institutionnelle outre-mer. Je serais en mesure de vous fournir une chronologie de l'histoire de la question statutaire depuis la loi de départementalisation et « SOS Ici Guyane », écrit par Justin Catayée en 1955, qui dénonçait déjà les faiblesses de la départementalisation, particulièrement sur le plan des compétences et du développement économique. Nous sommes ensuite entrés dans une période où les mouvements autonomistes et indépendantistes ont pris forme et commencé à poser la question statutaire.
Je suis un des trois signataires et initiateurs de la déclaration de Basse-Terre, en 1999, qui avait fait beaucoup de bruit au sein du gouvernement de cohabitation, le jour même de l'arrivée de Lionel Jospin aux Antilles pour une conférence. Cette déclaration nous a conduits à la consultation populaire de 2003, dont vous connaissez le résultat.
L'histoire s'est répétée. À chaque crise sociale, la rue pousse les élus à revenir sur cette question statutaire et institutionnelle. Mon territoire est à 5 000 km de la France hexagonale ; ces quarante dernières années, chaque gouvernement a démontré son incapacité à écouter les outre-mer et sa volonté d'imposer sa vérité et ses intérêts. En ce qui concerne la Guyane, un choix délibéré a été fait, depuis 1964, par le Général de Gaulle, qui avait pourtant déclaré en 1960 qu'il était dans la nature des choses qu'un pays aussi éloigné « puisse bénéficier d'une autonomie proportionnée à son éloignement ». La Guyane est devenue alors une base spatiale.
Le « mal français » est de toujours chercher à complexifier ce qui peut être simple. Les idées généreuses des technocrates, en effet, ne sont pas adaptées à nos situations. Nous avons donc besoin de vous pour nous accompagner d'un point de vue juridique. Les idées qui doivent être avancées doivent être fondamentalement politiques. L'autonomie, par ailleurs, ne s'apparente pas à une sortie de la République. Nous souhaitons un vivre-ensemble et un partenariat gagnant-gagnant, grâce à nos ressources, nos potentialités et nos richesses. Aujourd'hui, en dépit de nos ressources diverses, nous continuons à vivre d'assistanat et de transferts sociaux. Le combat est fondamentalement politique. Nous devons savoir ce que nous voulons. Lorsque nous aurons ce cahier des charges, si nous parvenons à nous entendre, je ne vois pas quel gouvernement mettrait une entrave à notre volonté politique, pourvu que nous soyons prêts à démontrer notre volonté à agir sur le plan juridique, par le biais d'une loi organique.