Intervention de Véronique Bertile

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 23 juillet 2020 : 1ère réunion
Table ronde — La différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le « sur-mesure »

Véronique Bertile :

Le terme d'autonomie est un des termes le plus tabous en droit constitutionnel français, en ce qu'il peut recouvrir de nombreuses acceptions. Il ne se suffit d'ailleurs jamais à lui-même dans les textes et est toujours qualifié par un adjectif : autonomie administrative, financière, politique, institutionnelle, etc. Nous devons ici encore nous assurer que nous parlons de la même chose.

En droit constitutionnel, pour la classification États fédéraux, unitaires ou régionaux, la seule autonomie dont il est question est politique et législative, c'est-à-dire la capacité de prendre des normes premières. Je ne rejoins pas Stéphane Diémert lorsqu'il considère que les statuts de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ne sont pas si éloignés. Les transferts de compétences sont définitifs en Nouvelle-Calédonie, ce qui n'est pas le cas en Polynésie française. Cette différence est notable.

S'agissant du pouvoir de prendre des lois, dans un État unitaire, seul le Parlement national central en dispose. Dans un État régional de type espagnol ou italien, les collectivités infra-étatiques (Communautés autonomes ou Régions) peuvent prendre des lois. La Constitution établit une répartition des compétences entre ce qui relève de l'État et ce qui relève des collectivités et tranche la question de savoir si la compétence de principe revient à l'État ou à la collectivité. L'application de la compétence de l'État tant que la collectivité n'a pas agi s'apparente à la relation de l'Union européenne avec ses États membres. Les collectivités infra-étatiques ont donc un pouvoir législatif dans des domaines de compétences qui leur sont attribués et pour lesquels l'État ne peut légiférer. Enfin, dans un État fédéral, les États fédérés ont non seulement un pouvoir législatif mais aussi un pouvoir constitutionnel. L'autonomie n'est pas l'indépendance et n'est donc pas du tout incompatible avec l'appartenance à la République.

L'autonomie dont on parle ne revient pas à s'administrer librement mais à se gouverner librement : s'administrer librement, c'est ce qu'on appelle l'autonomie administrative ou réglementaire. C'est celle qui est consacrée à l'article 72 de la Constitution, pour toutes les collectivités territoriales de la République, à travers le principe de libre-administration. Donc cette autonomie-là, elle existe déjà. Celle dont on parle c'est l'autonomie politique ou législative, qui consiste à se gouverner librement. Cette autonomie va de pair avec le transfert de compétences. Il s'agit notamment de savoir quel pouvoir normatif l'État conserve si celui-ci a été transféré à la collectivité. S'il s'agit d'une collectivité autonome, l'État ne conserve aucun pouvoir dans le domaine de compétence transféré.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion